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Coronaires

Publié le 17 jan 2005Lecture 6 min

L’angioplastie coronaire chez l’insuffisant rénal - Quelles précautions ?

J.-P. METZGER, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Jusqu’à une date récente, la préservation du myocarde chez l’insuffisant rénal était idéalement réalisée par pontage aorto-coronaire, technique qui, comparativement à l’angioplastie coronaire, bénéficiait d’une littérature scientifique plus favorable. L’avènement du stent a modifié ce rapport de force et l’avantage des techniques percutanées, moins agressives, apparaît aujourd’hui décisif chez ces patients fragiles. Les résultats des deux techniques de revascularisation sont de plus en plus proches du fait de la diminution du taux de resténose, récemment encore prohibitif sur ce terrain. Il est en effet essentiel de faire bénéficier ces patients du concept de revascularisation myocardique car le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire en général est multiplié par un facteur 3 à 5 en présence d’une insuffisance rénale, par un facteur 20 chez l’hémodialysé et un facteur 5 chez le transplanté.

Caractéristiques de la maladie coronaire chez l'insuffisant rénal La physiopathologie est en rapport avec un modèle d’athérosclérose accélérée, due à plusieurs facteurs cumulés : • une hypertension artérielle souvent sévère et relevant d’une bi- ou trithérapie, • une hyperparathyroïdie secondaire avec hyperphosphorémie génératrice de médiacalcose, • une hyperhomocystéinémie, • une dyslipidémie caractérisée par une baisse du HDL-cholestérol, une augmentation du LDL-cholestérol, une baisse des apolipoprotéines AI et AII, une augmentation de l’apo B et de l’apo C3. L’anatomopathologie des lésions coronaires est dominée par des calcifications pariétales massives pouvant résister à l’inflation du ballon et gêner la progression des stents métalliques. Il est fréquent qu’un aspect de « rail calcaire » dessine le réseau coronaire avant toute injection intracoronaire. Lorsque l’insuffisance rénale est une complication du diabète, les lésions sténosantes sont souvent distales.   Risque de néphropathie au produit de contraste Ce risque, lors de la coronarographie, diffère selon le stade de l’insuffisance rénale. Le niveau de la créatininémie ne donne pas un reflet exact de la valeur de la fonction rénale. La formule de Cockroft, qui prend en compte le poids, l’âge et le sexe du sujet, la clairance de la créatinine (insuffisance modérée si comprise entre 60 et 30 ml/min, sévère si < 30 ml/min), fournit le seul paramètre valable. En cas de baisse de la clairance de la créatinine < 60 ml/ min, comme chez le transplanté rénal, l’objectif est de préserver la fonction rénale. Il convient : - d’arrêter 48 h avant l’exploration les drogues néphrotoxiques, et en particulier les anti-inflammatoires non stéroïdiens ; - d’éviter les multiples explorations avec injection de contraste sur une période de 72 h ; - de limiter la quantité de produit de contraste injectée, si possible < 125 ml, < 100 ml, elle ne conduit qu’exceptionnellement à l’hémodialyse ; - d’hydrater, après s’être assuré du niveau de la fonction ventriculaire gauche. Le sérum salé isotonique est le plus souvent utilisé, en perfusion 12 h avant et après l’exploration. Le recours à une thérapeutique annexe comme la N-acétylcystéine a un effet plus discuté. De même, le choix du contraste n’a pas d’impact décisif si l’on respecte le protocole d’hydratation, même si l’iodixanol (Visipaque®) semble le moins néphrotoxique. Dans tous les cas, un contrôle de la créatininémie sera effectué à la 48e h après l’injection d’iode, l’ascension de la créatininémie étant en règle différée, passant par un pic le 5e jour et se normalisant le 10e. Un score a été proposé par R. Mehran qui permet de prédire le risque de survenue d’une insuffisance rénale, à partir des paramètres suivants : hypotension, usage d’un ballon de contre-pulsion, insuffisance cardiaque, âge > 75 ans, anémie, diabète. Chez l’hémodialysé, l’objectif est de cathétériser le patient à un niveau optimal de volémie et de kaliémie. Cet objectif est accessible en respectant le calendrier suivant : première hémodialyse dans l’après-midi de la veille de l’exploration, coronarographie avec ou sans angioplastie le lendemain matin, seconde séance d’hémodialyse dans l’après-midi du même jour.   Les précautions lors de l’angioplastie   Le choix de la voie d’abord oblige à choisir entre deux risques : - l’hématome fémoral est fréquent chez l’insuffisant rénal chronique en raison de la qualité de la paroi artérielle, peu élastique. Un tel hématome peut être létal. Mais le respect du capital artériel des membres supérieurs est un impératif majeur chez les sujets hémodialysés ou greffés (un rejet est toujours possible) ; - la voie radiale est donc évitée par la majorité des équipes afin de préserver la possibilité de réalisation ultérieure d’une fistule artério-veineuse brachiale. Sur le plan technique, le stenting direct est à notre avis à éviter. Une prédilatation par ballon est un préalable souhaitable, non seulement sur le site même de la sténose, mais souvent aussi en amont afin de faciliter le passage du stent. La progression du ballon permet dans une certaine mesure de prévoir la possibilité de pousser un stent jusqu’au site traité.   Stent nu ou actif ? Aucune série randomisée ne permet à ce jour d’opter pour le recours de principe au stent actif chez l’insuffisant rénal. Aussi, pour notre part, optons-nous pour ce type de prothèse pour traiter l’IVA proximale, un vaisseau < 2,75 mm de diamètre, ou si l’insuffisance rénale est due au diabète. Des études randomisées permettant de savoir si l’insuffisance rénale justifie en soi le recours à une endoprothèse (active) devraient prochainement être publiées.   Recours aux antithrombotiques et antiagrégants Malgré la fréquence des syndromes coronaires aigus chez l’insuffisant rénal, dialysé ou non, les données qui permettraient de définir une stratégie scientifiquement fondée font défaut. Cela conduit à un paradoxe : les patients qui pourraient tirer un bénéfice maximal des antithrombotiques sont ceux qui disposent du « background » scientifique le moins important. Les essais randomisés consacrés au tirofiban et à l’eptifibatide excluent, en effet, les patients ayant une créatinine > 25 mg/l. Il en est de même pour l’abciximab, pourtant éliminé par le système réticulo-endothélial, en raison de la réticence à prescrire ce produit dans un contexte exposant aux complications hémorragiques. En revanche il n’y a pas de risque propre à utiliser chez l’insuffisant rénal l’aspirine et l’héparine non fractionnée. Les données concernant les héparines de bas poids moléculaire, classiquement contre-indiquées dans l’insuffisance rénale chronique, font également défaut.   Apport du stenting L’introduction généralisée des stents a élargi les indications de la revascularisation coronaire percutanée chez l’insuffisant rénal. Dans notre expérience, après élimination des rails coronaires calcaires, en particulier de la coronaire droite, le taux de succès de procédure chez les patients bien sélectionnés est élevé (90 à 95 %) et comparable chez les hémodialysés, les transplantés rénaux et les patients sans insuffisance rénale. Il persiste cependant un risque plus élevé d’événements cardiaques lors de l’hospitalisation initiale (6 à 10 % chez l’hémodialysé ou le greffé rénal versus 2 % en l’absence d’insuffisance rénale), un taux plus élevé de nouvelle revascularisation à 6 mois (20-35 vs 15 %) un taux plus élevé de décès cardiaque à 1 an (15-30 vs 2-5 %) et un taux plus élevé d’événements cardiaques majeurs à 1 an (50 vs 33 %). Dans ce contexte, le progrès représenté par les stents actifs au sirolimus ou au paclitaxel est d’un intérêt tout particulier. Démontré dans les cas où l’insuffisance rénale chronique est la conséquence du diabète, cet intérêt ne peut encore être évalué comparativement au stent nu, faute d’essais randomisés disponibles aujourd’hui.   En pratique Les précautions spécifiques de l’angioplastie chez l’insuffisant rénal sont en rapport avec les lésions coronaires massivement calcifiées, la nécessité de préserver la fonction rénale et, chez l’hémodialysé, la nécessité de réaliser la procédure avec une kaliémie et une volémie adéquates. Le stent a permis d’améliorer la sécurité de la procédure initiale, mais le contexte d’insuffisance rénale augmente l’incidence des événements ischémiques à moyen terme.   Points forts   Les calcifications coronaires très importantes accroissent la difficulté d’implantation du stent chez l’insuffisant rénal. L’évaluation de la fonction rénale nécessite le recours à la formule de Cockroft, le dosage de la créatininémie étant insuffisant. Éviter la néphropathie au produit de contraste : - ne pas multiplier les explorations avec contraste sur une période de 72 h ; - hydrater sans oublier de s’adapter à la fonction ventriculaire gauche. Mesurer le taux de la créatininémie 48 à 72 h après l’injection de contraste. Éviter le stenting direct sur les calcifications massives.

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