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Valvulopathies

Publié le 14 déc 2010Lecture 9 min

Traitement percutané des valvulopathies

D. HIMBERT, A. VAHANIAN, Hôpital Bichat, Paris

Un travail d’équipe
Grâce aux bons résultats obtenus chez plusieurs milliers de patients, la commissurotomie mitrale percutanée est un traitement établi depuis plus de 20 ans pour le rétrécissement mitral. Mais ce dernier est et restera peu fréquent en Europe. Aujourd’hui l’attention se porte sur le rétrécissement aortique calcifié (RAC) et l’insuffisance mitrale (IM), qui sont les deux valvulopathies les plus fréquentes dans les pays industrialisés. D’origine principalement dégénérative, leur prévalence augmente avec l’âge. Bien que le traitement chirurgical reste la référence, de nombreux patients sévèrement symptomatiques sont récusés en raison d’un risque opératoire jugé prohibitif. Le traitement percutané élargit le champ thérapeutique en offrant une alternative à la chirurgie, moins influencée par les comorbidités, moins invasive, permettant de diminuer la morbi-mortalité et de raccourcir la durée d’hospitalisation et de convalescence. Nous traiterons ici des données actuelles et des perspectives concernant l’implantation valvulaire aortique par cathéter (Transcatheter Aortic Valve Implantation [TAVI]) et le traitement percutané de l’IM.

Le TAVI Données actuelles À ce jour, plus de 20 000 TAVI ont été réalisés dans le monde, principalement en Europe et en Amérique du Nord, depuis la première implantation en 2002 par le Pr Cribier et son équipe. Les indications restent conditionnées par la présence de critères rigoureux évalués par une équipe médico-chirurgicale (Heart Team) associant cardiologues, chirurgiens cardiaques, anesthésiologistes, gériatres et spécialistes de l’imagerie cardiaque : • RAC serré et sévèrement symptomatique ; • risque chirurgical élevé ou contre-indication technique à la chirurgie, appréciés par le jugement clinique appuyé par l’utilisation de scores de risque tels que l’EuroSCORE et le STS score ; • espérance et qualité de vie prévisibles suffisantes malgré les comorbidités extracardiaques ; • confirmation de la faisabilité technique du geste : cette étape est délicate et comporte une courbe d’apprentissage, au même titre que la réalisation de l’intervention elle-même. Elle repose sur l’échocardiographie transthoracique et/ou transœsophagienne, et sur le scanner pour une évaluation anatomique rigoureuse de toute la voie aortique depuis l’anneau aortique jusqu’aux sites d’insertion des cathéters (axes ilio-fémoraux, sous-claviers). Dans notre expérience, sur plus de 400 cas adressés pour la procédure, cette sélection conduit actuellement à réaliser un TAVI chez 60 % des patients évalués, à en rediriger 10 % vers la chirurgie et à récuser toute intervention dans 30 % des cas. Les TAVI sont le plus souvent réalisés en salle de cathétérisme, plus rarement au bloc opératoire ou dans des salles hybrides, sous anesthésie générale ou locorégionale. Deux prothèses sont commercialisées : la valve Edwards Sapien et le système Medtronic CoreValve. La voie d’abord fémorale, commune aux deux valves, est la plus fréquemment utilisée, les autres voies possibles sont transapicale (Sapien), sous-clavière (CoreValve), plus rarement transaortique. Le taux de succès technique est actuellement supérieur à 95 %. La fonction valvulaire est bonne, avec des surfaces situées entre 1,5 et 1,8 cm² et des gradients moyens voisins de 10 mmHg. L’obstruction coronaire est exceptionnelle (< 1 %) mais dramatique. Un infarctus du myocarde survient dans 2 à 5 % des cas. De minimes fuites périvalvulaires sont observées dans plus de 50 % des cas ; elles peuvent être modérées dans 20 % des cas. L’embolisation prothétique est exceptionnelle (1 %). Un accident vasculaire cérébral survient dans 2 à 9 % des cas. Une altération de la fonction rénale peut être observée dans cette population fragile. Les complications vasculaires restent la principale cause de morbidité ; leur incidence est de 10 à 15 % avec les premiers modèles de valve Sapien, qui nécessitaient des introducteurs de 22 et 24F, et de l’ordre de 5 % avec la CoreValve, qui utilise le 18F. Le taux de blocs auriculo-ventriculaires complets nécessitant un pacemaker est de 4 à 8 % avec la Sapien et de l’ordre de 30 % avec la CoreValve. L’approche transapicale peut conduire à des complications spécifiques de la thoracotomie et de la ponction ventriculaire gauche. Certaines complications immédiatement menaçantes pour le pronostic vital peuvent conduire, de façon exceptionnelle, à une conversion chirurgicale sous circulation extracorporelle lorsque le patient est opérable. Globalement, la mortalité à 30 jours se situe entre 5 et 15 % pour l’approche transfémorale et 10 à 20 % pour l’approche transapicale. La majorité des événements tardifs est liée aux comorbidités. Des cas anecdotiques d’endocardites et d’accidents thromboemboliques ont été rapportés. Le risque de saignement est réel chez ces patients âgés et traités par antiplaquettaires et anticoagulants. Les fuites aortiques restent stables, n’entraînent pas d’hémolyse et ne compromettent pas l’état clinique des patients. La fonction prothétique reste satisfaisante à long terme et aucune détérioration structurelle n’a été rapportée à ce jour. La plupart des registres indiquent une survie à un an de 70 % et à 2 ans de 60 %, avec une amélioration substantielle de l’état clinique et fonctionnel et de la qualité de vie des patients. Dans le groupe des patients jugés « inopérables », l’étude PARTNER US vient de démontrer que, comparé au traitement médical seul, le TAVI diminue le taux de décès toutes causes à un an (31 %, contre 51 %, p < 0,001), ainsi que celui d’un critère combiné comprenant décès toutes causes, hospitalisations et symptômes, malgré une augmentation de celui des accidents vasculaires cérébraux et des complications vasculaires (figure 1). Figure 1. Etude PARTNER US, cohorte B des patients inopérables. Courbes de Kaplan Meier portant sur les critères primaires de jugement et autres critères sélectionnés.  Perspectives La technologie Depuis le début de leur utilisation, les deux prothèses commercialisées n’ont cessé d’évoluer et de s’améliorer. Ces progrès vont continuer. Tout d’abord, les progrès de l’imagerie permettront d’affiner la précision du screening, en particulier pour la détermination de la taille de l’anneau, qui reste une étape difficile, avec parfois des discordances entre l’échographie et le scanner. L’éventail des tailles des prothèses va augmenter, permettant des implantations dans des anneaux de 16 à 29 mm. Des prothèses spécifiquement destinées à l’implantation «valve in valve« devraient être conçues pour le traitement des bioprothèses chirurgicales dégénérées, et peut-être d’autres, adaptées à celui des bicuspidies aortiques qui restent actuellement une contre-indication relative au TAVI. La taille des introducteurs devrait encore diminuer pour la voie transfémorale (16 F envisagée pour la CoreValve) et des systèmes destinés à minimiser le traumatisme artériel voir le jour. De nombreuses prothèses sont en développement ; la plupart seront auto-expansibles, certaines pourront être enlevées et repositionnées ; un objectif essentiel sera de ne pas compromettre leur durabilité au profit de la simplicité et de la sécurité d’utilisation. Des systèmes de filtres ou d’ombrelles sont en évaluation dans le but de réduire le risque d’accident vasculaire cérébral. Un autre objectif important sera de diminuer l’incidence des fuites périprothétiques, voisines de 50 % aujourd’hui. Leurs conséquences hémodynamiques et cliniques à court et moyen termes semblent peu importantes dans la population âgée implantée actuellement, mais pourraient être plus hasardeuses à long terme chez des patients moins âgés, dont l’espérance de vie est plus longue. Les systèmes d’aide à la navigation et au positionnement de la prothèse devraient se développer pour rendre l’implantation plus précise, plus facile, plus rapide et moins opérateur-dépendante. Les patients De nombreux aspects des perspectives et progrès nécessaires concernent les patients eux-mêmes, et tout d’abord l’évaluation de leur profil de risque. Il est démontré que les scores prédictifs utilisés ne sont pas adaptés au TAVI et discriminent mal les meilleurs candidats. Le modèle idéal devrait être testé prospectivement dans une population représentative à haut risque et traitée selon les pratiques courantes, simple à utiliser, et permettre la prédiction des résultats et des coûts à long terme de la technique. Ce travail reste à faire. Il sera surtout utile pour définir la limite supérieure de risque acceptable, difficile à déterminer, et restant très subjective. À l’opposé, la question de l’extension des indications du TAVI à des populations plus jeunes et à plus faible risque est tout aussi essentielle pour l’avenir. Il faudra tout d’abord connaître la durabilité des prothèses implantées et leur mode de dysfonction, grâce au suivi à long terme des grands registres en cours. Aujourd’hui, ce suivi n’excède pas 3 ans dans la plupart des cas et il est rendu difficile par l’âge des patients implantés, dont l’espérance de vie atteint rarement 10 ans. Des études randomisées comparant chirurgie conventionnelle et TAVI sont donc nécessaires. Les résultats de la cohorte A de l’étude PARTNER US, portant sur les patients à haut risque mais opérables, seront connus courant 2011. D’autres études sont en cours d’élaboration (SURTAVI, PARTNER II). Elles comporteront 3 bras de traitement : un bras chirurgical pour les patients à bas risque, un bras percutané pour les patients inopérables, et un bras de randomisation entre chirurgie et TAVI pour les patients à risque intermédiaire ou élevé. D’autres groupes de patients, constituant des niches thérapeutiques plus spécifiques, deviendront aussi des candidats reconnus du TAVI. C’est principalement le cas des porteurs de bioprothèses chirurgicales dégénérées, qui devront faire l’objet de registres spécifiques. Enfin, les définitions des critères de jugement d’efficacité et de sécurité diffèrent d’une étude à l’autre et rendent les comparaisons de données ininterprétables. Il devient donc indispensable et urgent de disposer de définitions standardisées permettant un langage commun et le partage de données homogènes. La prochaine mise à disposition des définitions du VARC (Valve Academic Research Consortium) devrait répondre à ce besoin. Le traitement percutané de l’IM Données actuelles Il existe deux techniques pour la plastie percutanée dans l’insuffisance mitrale : la suture valvulaire bord à bord et l’annuloplastie par le sinus coronaire. Suture « bord à bord » Introduite par Alfieri, cette technique chirurgicale est peu diffusée et l’est essentiellement dans l’IM dégénérative. La technique percutanée est difficile puisqu’elle nécessite un cathétérisme transseptal et le positionnement d’un clip au niveau de la zone médio-valvulaire, fermé au moment de la coaptation des valves. Le guidage idéal est fourni par l’ETO tridimensionnelle. Le seul système utilisé en clinique est le système Mitraclip (Abbott Vascular, figure 2). Plus de 1 000 patients ont été traités aux États-Unis et, depuis le marquage CE, près de 100 le sont chaque mois en Europe (hors France). Figure 2. Système Mitraclip.   L’étude randomisée EVEREST II a comparé cette technique à la chirurgie de réparation ou de remplacement valvulaire mitral chez 280 patients. La tolérance de l’intervention paraît bonne. Le risque, dans des équipes entraînées, est inférieur à celui de la chirurgie, en particulier pour les complications hémorragiques. L’efficacité, jugée sur un critère combiné associant mortalité, nécessité d’intervention et persistance d’une insuffisance mitrale de plus de 2/4, n’a pas été inférieure avec la méthode percutanée ; 64 % des patients traités par le Mitraclip avaient une IM ≤ 1/4 à la sortie et, au terme d’un suivi de 3 ans, 90 % étaient vivants et 76 % n’avaient pas nécessité de chirurgie. Des études observationnelles préliminaires ont été réalisées dans l’IM fonctionnelle et paraissent donner des résultats prometteurs à court terme. Si ces résultats se confirment, cette technique peut représenter une alternative chez des patients symptomatiques, avec insuffisance mitrale sévère, à haut risque ou avec contre-indication chirurgicale. Annuloplastie par le sinus coronaire Cette technique nécessite un cathétérisme veineux jugulaire puis du sinus coronaire. Trois sortes de matériel ont été utilisées chez 200 patients environ. Les essais thérapeutiques menés dans l’insuffisance mitrale ischémique ou fonctionnelle ont montré des taux de complications relativement faibles, mais des compressions de l’artère circonflexe ont pu entraîner un infarctus myocardique dans 5 % des cas. Une réduction modeste mais consistante du degré d’insuffisance mitrale est observée. Enfin, avec un recul maximal de 3 ans, il existe une tendance à l’amélioration fonctionnelle. Actuellement, seul le système Carillon (CARILLON Contour System) a obtenu le marquage CE et reste utilisé dans l’étude AMADEUS. Perspectives La technologie Contrairement au TAVI, qui apporte une réponse unique (implantation valvulaire) à un mécanisme physiopathologique unique (sténose valvulaire), la réparation mitrale percutanée est rendue difficile par la multiplicité et la complexité des mécanismes de l’IM, faisant intervenir à différents degrés l’anneau mitral, les feuillets valvulaires, les cordages, les muscles papillaires et le ventricule gauche. Il faudrait envisager de pouvoir combiner plusieurs approches pour répondre de façon adaptée à chaque cas particulier. À côté de l’annuloplastie et de la suture bord à bord percutanées, d’autres techniques sont en cours d’évaluation, comme l’implantation de néocordages à cœur battant par voie apicale. L’évaluation du remplacement prothétique percutané est encore expérimentale tandis que les premiers cas d’implantation percutanée « valve dans la valve » ont été réalisés en cas de dysfonction de bioprothèse mitrale. Les patients À l’inverse du TAVI, la plastie mitrale percutanée est encore à une phase préliminaire et ne peut être envisagée comme se substituant à la chirurgie, en particulier la réparation mitrale, chez les patients opérables avec un faible risque. Néanmoins, dans la mesure où elle reste associée à une très faible morbi-mortalité, une application dans des populations à haut risque pourrait être envisagée. Un registre français est en cours d’élaboration pour évaluer les résultats de cette technique dans les insuffisances mitrales fonctionnelles qui représentent toujours un « challenge » pour la chirurgie. Du fait de son caractère peu invasif, elle pourrait aussi être proposée à un stade plus précoce de l’évolution de l’IM pour essayer d’interférer avec son histoire naturelle et d’enrayer son aggravation. Encore faudra-t-il confirmer que ces patients restent de bons candidats à une réparation chirurgicale après l’intervention percutanée.

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