Publié le 13 mar 2007Lecture 8 min
L'échographie en urgence : une analyse immédiate des situations critiques
P.-L. MASSOURE, hôpital du Haut-Lévêque, Pessac
Les Journées écho-Doppler cardiovasculaire de bordeaux
Plusieurs thèmes sur l’usage de l’échocardiographie en urgence, en réanimation ou au bloc opératoire ont été abordés. Nous avons relevé plusieurs points utiles en pratique.
Utilisation de l'échographe portable aux urgences
La session sur l’intérêt de l’échographe portable aux urgences présentée par P. Vignon (Limoges) a été particulièrement animée et a soulevé de nombreuses questions : Quel appareil ? Quels opérateurs ? Quelle formation ? Quels résultats ? Quelle responsabilité ?
Qu’est-ce qu’un échographe portable ?
Ce sont en général des appareils de moins de 5 kg, de petite taille (comme un ordinateur portable), fonctionnant avec une batterie, sans support de fixation et de faible coût. On peut citer par exemple le système OptigoTM (Philips) ou SonoheartTM (Sonosite). Leur fonction se limite à une imagerie bidimensionnelle, Doppler couleur, parfois Doppler spectral, et à la possibilité de réaliser des mesures et d’enregistrer des images numériques. Il ne s’agit donc pas d’appareils haut de gamme beaucoup plus onéreux avec toutes les fonctionnalités d’un appareil de laboratoire d’échocardiographie en miniature. Dans une étude de validation de ces appareils par rapport à un échographe normal, P. Vignon a constaté une qualité de l’imagerie bidimensionnelle correcte permettant la même précision pour les diagnostics en imagerie bidimensionnelle.
Les bonnes indications
L’usage de ces appareils est utile pour les diagnostics urgents de tamponnade, cœur pulmonaire aigu, endocardite avec abcès ou grosse végétation, estimation visuelle de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) et de la cinétique segmentaire. En revanche, les limites sont représentées par l’étude des valvulopathies (beaucoup de faux négatifs) et l’estimation des pressions droites en particulier. L’intérêt de ces appareils est également de permettre l’analyse des structures extracardiaques en urgence : épanchement pleural, abdominal, anévrisme de l’aorte abdominale…
Les limites de leur usage
De nombreuses situations également d’urgence ne permettent pas de se contenter de cette analyse sommaire par échographie portable : situation hémodynamique et choc complexes (en particulier septique), œdème aigu pulmonaire (cardiogénique ?), tamponnade chez le patient intubé et ventilé, analyse d’une prothèse valvulaire, d’une valvulopathie, des pressions pulmonaires (Doppler spectral sous-estimant les vitesses).
Quels opérateurs ?
Le problème de la formation des utilisateurs potentiels de ces appareils (en dehors des cardiologues ou de réanimateurs expérimentés) reste posé. Des études ont été menées avec des médecins sans expérience préalable en échocardiographie (internistes, internes en réanimation, urgentistes…) qui recevaient une formation rapide (de 3 à 20 heures) avec des résultats cohérents sur des diagnostics d’imagerie bidimensionnelle (FEVG diminuée ou non ?, cavités dilatées ou non ?, épanchement péricardique ?…).
De nombreuses questions, en particulier médico-légales, ont été posées quant à l’usage de ces appareils. P. Vignon a « apaisé » les débats en précisant que : le problème n’est pas lié à l’appareil en lui-même mais au médecin qui tient la sonde rappelant qu’un bon médecin connaît ses limites et donc devrait connaître celles de l’échographe portable.
Échocardiographie et choc septique
L’échocardiographie est devenue un outil très précieux dans l’analyse des paramètres hémodynamiques des patients en état de choc, en particulier dans le choc septique. C. Scheublé (Paris) a passé en revue les principaux paramètres échocardiographiques utiles dans le choc septique pouvant aider à guider la thérapeutique : expansion volémique ou drogues vasoactives ?
Estimation de la volémie
L’estimation de la volémie peut être approchée par des critères bien connus tels que le diamètre et la compressibilité de la veine cave inférieure (VCI) avec les mouvements respiratoires, en particulier si l’on mesure l’index de dépressibilité (diamètre VCI en expiration – diamètre VCI inspiration/diamètre VCI expiration).
Plus la VCI est dépressible et plus le patient est en hypovolémie.
Chez le patient ventilé par respirateur, le diamètre de la VCI augmente en inspiration (à l’insufflation) et diminue en expiration (à l’exsufflation) ; les variations respiratoires sont également mesurables au niveau de la veine cave supérieure en ETO.
L’analyse des parois est utile : en cas d’hypovolémie majeure, les parois opposées du ventricule gauche se touchent, phénomène appelé « kissing wall ».
Paramètres de fonction ventriculaire gauche
Les paramètres de fonction ventriculaire gauche sont également évalués, offrant une valeur diagnostique et pronostique : fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG par la méthode Simpson), performance myocardique dP/dT (normale > 1000 mmHg/s, figure), index de Tei, estimation des pressions de remplissage VG par le flux mitral Doppler pulsé et DTI, le flux veineux pulmonaire (en ETO en particulier).
Il a été constaté que les patients en choc septique avec une fonction systolique initialement plus basse avaient un meilleur pronostic. Il semble qu’une fonction systolique normale (voire supranormale) dans ce contexte corresponde à des résistances vasculaires périphériques effondrées expliquant en partie le plus mauvais pronostic. La fonction du ventricule droit (VD) est fréquemment pathologique dans les états de choc septique du fait de l’élévation des résistances pulmonaires. Un tableau de « cœur pulmonaire aigu » (dilatation du VD, dyskinésie du septum interventriculaire) est observé.
Fonction systolique du VD
Bien qu’étant plus difficile à évaluer que la fonction du VG, on peut réaliser une estimation de la fonction systolique du VD (méthode de Simpson) et la performance du VD peut être approchée par la mesure de la dP/dT (normale > 350 mm Hg/s). Le déplacement de l’anneau tricuspide (Tricuspid Annular Planar Systolic Excursion : TAPSE) est un bon indice de fonction VD mais il semble encore plus simple aujourd’hui de mesurer les vélocités en DTI à l’anneau tricuspide (normale : onde S > 10,5 mmHg), selon Saxena et al. Cependant, ces indices d’évaluation de la fonction VD (DTI ou TAPSE) ne sont pas fiables en cas de fuite tricuspide sévère.
Échocardiographie et cœur pulmonaire aigu
Des situations cliniques critiques et fréquentes en réanimation ou soins intensifs cardiologiques telles que l’embolie pulmonaire (EP) sévère ou le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) s’accompagnent d’un tableau de cœur pulmonaire aigu (CPA). Le CPA est secondaire à l’obstruction de la circulation pulmonaire quels que soient son siège et son niveau.
O. Dubourg (Paris) a détaillé la présentation échocardiographique du CPA : anomalie du septum interventriculaire, dilatation du ventricule droit et hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). L’aplatissement septal systolique et le septum paradoxal sont classiques. La dilatation du ventricule droit (VD) est facile à mettre en évidence mais il faut la rapporter aux dimensions du ventricule gauche (VG).
Un rapport de diamètre VD/VG > 1 témoigne d’une dilatation du VD et est en faveur d’un CPA. On peut être plus précis si l’on compare la surface du VD à la surface du VG (coupe apicale 4 cavités ; le rapport normal est inférieur ou égal à 0,5). Un rapport de surface VD/VG > 0,6 était associé à un indice de Miller supérieur ou égal à 40 % dans l’embolie pulmonaire et ce rapport VD/VG reste le mieux corrélé (mieux que le niveau d’HTAP en particulier) avec l’indice de Miller angiographique.
Dans le SDRA, l’aspect de CPA est de moins en moins fréquent, surtout grâce aux progrès réalisés en matière de ventilation. Dans l’EP, la cinétique segmentaire du VD est également analysée avec une valeur pronostique intéressante : une akinésie de la paroi libre du VD associée à une hyperkinésie de la pointe du VD est retrouvée dans les cas les plus graves. L’HTAP est évaluée de manière systématique mais son degré de sévérité peut être sous-évalué à cause d’une dysfonction majeure du VD. Chez le patient sous ventilation mécanique, l’ETO est l’examen de choix. Outre les paramètres cités plus haut, elle peut permettre la visualisation directe d’un thrombus dans les cavités droites ou d’un embole dans les artères pulmonaires (tronc et artère pulmonaire droite essentiellement).
Le tableau de CPA n’est pas uniquement échographique : la biologie (troponine et BNP) et le scanner (dilatation et dysfonction du VD) complètent le diagnostic.
Figure. La dP/dT est un bon indice de performance myocardique : elle est diminuée chez ce patient porteur d’une cardiopathie ischémique avec altération de la fraction d’éjection.
Échocardiographie et suppléance ventriculaire
M.-A. Billès (Bordeaux) a détaillé très précisément les aspects échocardiographiques en rapport avec les dispositifs d’assistance ventriculaire dont il existe plusieurs modèles : assistance biventriculaire (type ThoratecTM) ou monoventriculaire, gauche plus souvent que droite (miniturbine interne ou externe, pompe axiale intra-VG). Ces dispositifs sont indiqués dans l’insuffisance cardiaque réfractaire soit chez le patient en attente de transplantation cardiaque soit en urgence en cas de défaillance cardiaque aiguë (infarctus myocardique massif, myocardite fulminante, défaillance post-opératoire). La suppléance ventriculaire se développe grâce aux progrès technologiques et, indirectement, face à la pénurie de greffons.
La place de l’échocardiographie est centrale à tous les temps de la mise en place de ces dispositifs.
Préopératoire
En préopératoire, l’échographie permettra de déterminer l’existence d’un foramen ovale perméable (FOP) qu’il faudra alors fermer (risque d’embolie paradoxale par inversion du shunt liée à la diminution de la pression auriculaire gauche). L’existence d’une insuffisance aortique doit être recherchée car une fuite au-delà du grade II sera majorée par l’assistance et devra donc être corrigée (bioprothèse). La détection de thrombi dans les cavités gauches (apex VG, auricule) est systématique car la canulation pour le dispositif d’assistance du VG se fait par l’apex. De même, l’athérome de l’aorte ascendante sera évalué pour l’implantation de la canule d’éjection. L’évaluation d’une fonction ventriculaire droite normale ou sub-normale est essentielle pour présumer de la bonne efficacité de l’assistance ventriculaire gauche (nécessité d’une pression de remplissage auriculaire gauche suffisante). En per- et postopératoire, le positionnement des canules est vérifié : les canules d’admission à l’apex des ventricules et les fractions d’éjection dans les gros vaisseaux. La recherche d’une obstruction au niveau des canules est réalisée.
Postopératoire
La survenue d’une tamponnade postopératoire est toujours possible et facilement contrôlable en échographie tranthoracique. Les problèmes survenant avec ces dispositions sont les infections (sepsis, insuffisance aortique par endocardite en particulier), la survenue de thrombi dans les cavités ou au niveau des canules.
L’échocardiographie permet enfin de guider le sevrage de ces dispositifs devant la récupération d’une fonction cardiaque correcte (ouverture spontanée des valves aortiques) puis de contrôler la diminution progressive de l’assistance (évaluation de la fonction ventriculaire). Un contrôle échocardiographique régulier est requis après l’explantation du dispositif d’assistance ventriculaire.
Ces aspects échocardiographiques doivent être connus car ces dispositifs d’assistance sont appelés à se développer dans les prochaines années.
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