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Études

Publié le 23 jan 2007Lecture 12 min

L'étude STAR : importance du choix de la bithérapie chez les patients hypertendus et avantages de l'association IEC/IC

P. SABOURET, hôpital de la Pitié-Salpêtrère, Paris

L’étude STAR (Study of Trandolapril-verapamil And insulin Resistance) montre que la stratégie thérapeutique associant le trandolapril au vérapamil permet un meilleur contrôle glycémique que celle associant un sartan à un diurétique chez les patients hypertendus à risque de développer un diabète.

Plus que jamais les maladies cardiovasculaires représentent un problème majeur de santé publique. En effet, un tiers des décès dans le monde est d’origine cardiovasculaire. À eux seuls, neuf facteurs de risque expliquent plus de 80 % de la morbi-mortalité cardiovasculaire, avec au premier plan l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète et le tabagisme. Chacun de ces facteurs de risque est une variable continue pour laquelle la notion de seuil n’a qu’une valeur relative ; le cumul fréquent de ces facteurs de risque a un effet multiplicatif sur les événements cardiovasculaires majeurs (ECM), ainsi que l’a parfaitement illustrée récemment l’étude INTERHEART (A global study of risk factors in acute myocardial infarction). La prise en charge moderne des patients hypertendus repose sur le niveau du risque cardiovasculaire absolu, évalué sur la présence d’autres facteurs de risque et/ou sur l’atteinte des organes cibles. La convergence des facteurs de risque incite à une stratégie thérapeutique qui permette un contrôle tensionnel efficace sans effet métabolique délétère. Le maintien d’un niveau glycémique optimal s’avère particulièrement pertinent chez les patients hypertendus, puisque les études épidémiologiques prospectives ont montré une prévalence plus élevée des anomalies glycémiques chez les patients hypertendus comparativement aux patients normotendus. En outre, l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk In Communities study) a objectivé une incidence de nouveaux cas de diabète 2,5 fois plus élevée chez les patients hypertendus que chez les normotendus.   Le risque de diabète Les études interventionnelles ont mis en évidence un risque accru de développer un diabète sous bêtabloquants et/ou sous diurétiques. L’atteinte de l’objectif tensionnel, notamment pour la composante systolique, nécessite le plus souvent une polythérapie antihypertensive. D’après les résultats d’études randomisées récentes, on observe une moindre survenue des nouveaux cas de diabète sous une stratégie thérapeutique comprenant un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA) comparativement à une stratégie basée sur un bêtabloquant associé à un diurétique (études INVEST, ALLHAT, LIFE). Ces données ont été confortées par la publication de métaanalyses qui notent une augmentation significative de l’incidence de nouveaux cas de diabète avec les antihypertenseurs « classiques » (bêtabloquants, diurétiques) comparativement aux antihypertenseurs « modernes » (inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC], inhibiteurs calciques, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II [ARA II]). La controverse reste cependant ouverte puisque l’évolution des paramètres glycémiques constituait un critère secondaire de ces études et que les métaanalyses, bien que riches d’enseignements, sont soumises à des limites méthodologiques, qui ne permettent pas de conclusion ferme sur la meilleure stratégie permettant un contrôle tensionnel efficace allié à un maintien d’un profil glycémique favorable. Restaient également des questions non résolues concernant l’effet de faible dose de diurétique en monothérapie et surtout en association avec un bloqueur du SRA comparativement à un inhibiteur calcique associé à un IEC. Une étude randomisée s’intéressant spécifiquement au profil glycémique du patient hypertendu sous deux stratégies thérapeutiques modernes validées par des études randomisées (INVEST, LIFE) devenait pertinente, d’autant qu’il a été clairement démontré que la survenue d’un nouveau cas de diabète est un puissant facteur prédictif de mortalité globale.   STAR Multicentrique, prospective et randomisée selon la méthode PROBE (Prospective Randomised Open-label with Blinded outcome Evaluation), cette étude avait pour objectif d’évaluer spécifiquement deux stratégies thérapeutiques, validées sur la protection cardiovasculaire des patients hypertendus, en termes de préservation du contrôle glycémique chez des patients présentant une hypertension artérielle dans le cadre d’un syndrome métabolique.   Méthodologie Les critères d’inclusion comprenaient : • des patients hypertendus, hommes ou femmes, > 21 ans, présentant un syndrome métabolique défini par : - une glycémie à jeun entre 1 g/l et 1,25 g/l ; - une HTA contrôlée avec une PAS < 140 mmHg sous bithérapie ou une PAS comprise entre 130 et 160 mmHg sous monothérapie ; • des patients présentant au moins un des critères suivant : - un taux de HDL-cholestérol < 40 mg/dl chez l’homme ou < 50 mg/dl chez la femme, - un taux de triglycérides ≥150 mg/dl, - un tour de taille > 102 cm chez l’homme ou > 89 cm chez la femme. Le schéma de l’étude est résumé dans la figure 1. La méthodologie avait été clairement prédéfinie pour éviter tout biais, notamment sur de possibles « croisements thérapeutiques » entre les deux groupes de traitements. Figure 1. Star : Schéma de l’étude. Pendant la période de « wash-out », les patients ont reçu de la clonidine à la posologie de 0,1 mg, deux fois par jour si la PAS demeurait ≥ 160 mmHg et < 180 mmHg ou la PAD était ≥ 100 mmHg et < 110 mmHg, 2 semaines après l’arrêt des traitements antihypertenseurs prescrits avant l’inclusion des patients. Les patients devaient arrêter la clonidine 2 jours avant la mesure initiale ; en cas de PAS ≥ 180 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg, les patients ont été exclus de l’étude. La dose initiale était de 2/180 mg pour l’association trandolapril-vérapamil et de 50/12,5 mg pour l’association losartan-hydrochlorothiazide (HCTZ). La titration des deux stratégies thérapeutiques était effectuée, si nécessaire (PAS > 130 mmHg après 4 semaines de traitement), aux posologies de 4/240 mg pour trandolapril-vérapamil et de 100/25 mg pour le binôme losartan-HCTZ. Le protocole a autorisé l’ajout d’un antihypertenseur supplémentaire si la PAS demeurait ≥ 130 mmHg après 8 semaines, en évitant les effets de « croisement » entre les groupes. Une extension de 6 mois de traitement sous vérapamil LP/trandolapril a été instaurée pour tous les patients arrivés au terme de l’étude principale. Le critère primaire d’évaluation était représenté par l’évolution de la glycémie 2 h après une charge de glucose (HGPO) entre le niveau initial et celui atteint à la fin de l’étude. Les critère secondaires d’évaluation associaient : - l’évolution de l’insulinémie 2 h après charge de glucose (HGPO), - la mesure de l’HBA1c, - l’apparition de nouveaux cas de diabète, définis par une glycémie à jeun > 1,26 g/l et/ou d’une glycémie 2 h après charge de glucose (HGPO) > 2 g/l, - la mesure de la pression artérielle (PAS et PAD), - la mesure de la fréquence cardiaque (FC).   Résultats Au total, 240 patients hypertendus avec syndrome métabolique ont été randomisés entre une stratégie basée sur l’association trandolapril-vérapamil LP (n = 119) versus l’association losartan-hydrochlorothiazide (n = 121). Au total, 179 patients sur les 419 patients initialement recrutés n’ont pu être randomisés, car 143 n’ont pas satisfait aux critères d’éligibilité, 30 ne sont pas parvenus à la période de wash-out, et les résultats de 6 patients ont été perdus suite au passage du cyclone Katrina en Louisiane. Le suivi moyen est de 52 semaines après randomisation. Une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) et des évaluations cliniques ont été réalisées au début, à 12 semaines et à 52 semaines (ou à la fin du suivi de l’étude). Les caractéristiques cliniques des patients à l’entrée ne montrent pas de différence entre les deux groupes de randomisation et correspondent au profil des patients hypertendus à risque de développer un diabète en pratique courante, avec pour le groupe vérapamil LP-trandolapril un âge moyen de 55 ans, une légère prédominance féminine, une PAS moyenne à 145 mmHg, chez des hypertendus traités antérieurement, avec un IMC et un tour de taille confirmant l’obésité abdominale, qui est la pierre angulaire du syndrome métabolique. Concernant le critère primaire, l’association losartan-hydrochlorothiazide a entraîné une augmentation significative de la glycémie mesurée 2 heures après l’HGPO comparativement à la stratégie trandolapril-vérapamil LP (p < 0,001) (figure 2). Cette dégradation du profil glycémique s’est exprimée dès la 12e semaine de traitement, période à laquelle tous les patients étaient supposés bénéficier de la stratégie thérapeutique optimale prédéfinie, visant à obtenir une PAS < 130 mmHg, et ce que les patients du groupe losartan-HCTZ reçoivent la dose journalière de 12,5 ou de 25 mg d’hydrochlorothiazide. Figure 2. Résultats sur le critère principal. L’analyse des critères secondaires renforce les données du critère principal d’évaluation, en montrant une évolution plus favorable de l’hémoglobine glyquée (figure 3) sous la stratégie trandolapril-vérapamil LP, qui s’exprime dès la 12e semaine (p < 0,001) et se maintient à la fin du suivi (p = 0,027). Les résultats sur les taux plasmatiques d’insuline sont concordants avec un bénéfice de la stratégie trandolapril-vérapamil LP (p = 0,025), qui s’exprime dès la 12e semaine (p = 0,037). Figure 3. Effets sur l’HBA1c. Le maintien d’un meilleur profil glycémique sous trandolapril-vérapamil LP se traduit cliniquement par une diminution de la survenue des nouveaux cas de diabète, 2,5 fois moins nombreux que sous l’association losartan-HCTZ (p = 0,002), cette différence étant précocement significative (p = 0,007 à 12 semaines de randomisation) (figure 4). Figure 4. Apparition de nouveaux cas de diabète. Ces bénéfices métaboliques ont été obtenus à niveaux de pression artérielle et de fréquence cardiaque comparables.   Commentaires L’étude STAR est la première étude randomisée à comparer deux stratégies thérapeutiques validées par des grandes études de morbi-mortalité sur un critère primaire portant spécifiquement sur le contrôle glycémique de patients hypertendus dont le risque cardiovasculaire est élevé, rendant cruciale l’optimisation de la prise en charge globale de leurs facteurs de risque. L’association trandolapril-vérapamil s’est avérée supérieure à la combinaison thérapeutique ARAII-diurétiques pour le maintien d’un profil glycémique favorable sur le long terme. Les bénéfices de l’association trandolapril-vérapamil s’expriment précocement (dès la 12e semaine de randomisation) sur les différents paramètres glycémiques de façon concordante, et se maintiennent tout au long du suivi. En revanche, l’association sartan-diurétique s’avère moins favorable sur le profil glycémique, y compris lorsque l’hydrochlorothiazide est utilisé à faibles doses (12,5 mg) et le sartan à sa posologie maximale (100 mg/jour). À contrôle tensionnel équivalent, le choix d’une association fixe trandolapril-vérapamil contribue à réduire significativement la survenue de nouveaux cas de diabète comparativement à une stratégie ARA II/HCTZ, avec un profil de tolérance satisfaisant (aucune bradycardie sous trandolapril-vérapamil LP, avec une fréquence cardiaque moyenne à 71 + 9 bpm à l’inclusion, se maintenant à 72 + 10 bpm à la fin du suivi).   STAR pose la question de la place des diurétiques L’étude STAR est la première étude prospective randomisée comparant deux stratégies validées sur le profil glycémique de patients hypertendus. Elle remet en cause plusieurs « concepts » ou « idées reçues » : en effet, l’association ARAII-diurétiques n’a pas un effet neutre sur les paramètres glycémiques, y compris lorsque le diurétique est utilisé à faible dose et le sartan à sa posologie maximale ; en outre les effets délétères sur le profil glycémique apparaissent précocement. À l’inverse, l’association vérapamil-trandolapril présente une neutralité remarquable sur le profil glycémique, avec pour corollaire une réduction significative des nouveaux cas de diabète (11 vs 26 %, p = 0,002). Cet effet bénéfique pourrait avoir un impact notable en santé publique, compte tenu de la prévalence élevée du syndrome métabolique dans la population générale. L’association trandolapril-vérapamil devrait constituer l’association thérapeutique préférentielle, compte tenu de l’ensemble des données actuelles de la littérature.   Une stratégie moderne Chez les patients à haut risque, pour lesquels les objectifs tensionnels sont particulièrement ambitieux (PA systolique < 130 mmHg chez les patients diabétiques et/ou insuffisants rénaux), les études épidémiologiques ont montré un contrôle tensionnel décevant, alors que les études randomisées récentes (ASCOT, INVEST, ALLHAT, VALUE, STAR…) ont mis en évidence un pourcentage élevé de patients contrôlés par une stratégie thérapeutique basée sur une polythérapie. Le recours aux associations d’antihypertenseurs progresse, mais il demeure sous-utilisé en pratique courante, ainsi que l’a illustré une étude épidémiologique française récente chez les patients diabétiques hypertendus, chez lesquels une monothérapie est utilisée dans 40 % des cas, alors que la polythérapie devrait être la règle pour contrôler la PA systolique. La prescription d’une bithérapie est pourtant nettement encouragée par les dernières recommandations européennes et françaises, qui préconisent en première intention une bithérapie (à faibles doses) en alternative à une monothérapie d’une des 5 classes d’antihypertenseurs validés et/ou un passage rapide à une bithérapie normodosée lorsque la PA est ≥ 180-110 mmHg, quel que soit le nombre de facteurs de risque cardiovasculaire associés, ou lorsque la PA est comprise entre 140-179/90-109 mmHg chez un patient dont le risque cardiovasculaire est élevé. L’utilisation d’une bithérapie repose sur la règle des paniers thérapeutiques. L’étude STAR apporte une contribution majeure au débat concernant le choix de cette bithérapie. Si les deux stratégies thérapeutiques comparées font jeu égal sur les chiffres de pression artérielle, leurs effets métaboliques les distinguent nettement. En effet, il apparaît clairement qu’une stratégie de traitement basée sur l’utilisation d’un diurétique thiazidique, quelle que soit la dose utilisée, majore le risque de développer un diabète chez des hypertendus présentant un syndrome métabolique. En outre, contrairement aux idées reçues, l’association au diurétique d’un bloqueur du SRA, même à forte dose, ne neutralise pas les effets métaboliques délétères du diurétique qui se manifestent dès les plus faibles doses. Chez ces patients hypertendus à risque de diabète, la place d’un diurétique en bithérapie, voire en monothérapie, pourrait donc être remise en question par les résultats de l’étude STAR. À efficacité antihypertensive égale, ne vaut-il pas mieux privilégier des thérapeutiques qui n’augmentent pas le risque métabolique ? Il est acquis que les bêtabloquants et les diurétiques ont des effets délétères sur le profil glycémique, alors que les bloqueurs du SRA et les inhibiteurs calciques ont globalement un effet neutre à cet égard. La polythérapie antihypertensive devrait privilégier les combinaisons fixes, utilisant des antihypertenseurs validés par des grandes études de morbi-mortalité. L’association vérapamil-trandolapril répond parfaitement aux critères exigés, puisque cette association a été validée dans les études INVEST (INternational VErapamil Sr-Trandolapril study), BENEDICT (Bergamo Nephrologic Diabetes Complications Trial), puis STAR, chacun des composants ayant démontré auparavant des bénéfices spécifiques. Le vérapamil est le seul inhibiteur calcique disposant d’une indication dans le cadre de la cardiopathie ischémique, avec un bon profil de tolérance cardiovasculaire, tandis que le trandolapril a démontré des bénéfices, maintenus sur le long terme (> 8 ans) dans le postinfarctus avec dysfonction ventriculaire gauche (étude TRACE) et dans la prévention de l’apparition d’une microalbuminurie chez les patients diabétiques de type 2 (étude BENEDICT). L’association trandolapril-vérapamil devrait donc faire partie de l’arsenal thérapeutique classique des médecins généralistes et des cardiologues, afin d’optimiser la prise en charge des patients hypertendus. L’adjonction d’un thiazidique à faibles doses (12,5, voire 25 mg) sera parfois utile pour normaliser la pression artérielle systolique, notamment chez les patients à haut risque, pour lesquels les objectifs tensionnels sont particulièrement ambitieux, mais indispensables à atteindre compte tenu des preuves cliniques documentées (études UKPDS, HOT).   Conclusion   La stratégie thérapeutique optimale chez l’hypertendu vise à associer les règles hygiéno-diététiques, dont l’intérêt a été clairement étayé par des études concordantes, mais dont l’application sur le long terme reste problématique, au traitement antihypertenseur. Le recours aux associations fixes validées demeure sous-employé, alors même que la monothérapie antihypertensive ne normalise qu’environ 30 % des patients hypertendus. L’étude STAR pourrait avoir des répercussions importantes en matière de choix du traitement antihypertenseur chez les patients à risque de développer un diabète. Elle montre clairement le bénéfice, précoce et maintenu à long terme, de l’association trandolapril-vérapamil sur le contrôle glycémique chez les hypertendus à risque de développer un diabète, comparativement à une association ARAII-diurétique. Cet effet bénéfique qui se manifeste par le maintien de la tolérance au glucose sous traitement, se traduit à long terme par un moindre risque de développer un diabète. L’objectif du traitement antihypertenseur ne se limite plus aujourd’hui à normaliser la pression artérielle. Le choix du traitement doit donc aussi tenir compte des risques associés, ce qui signifie, pour les patients hypertendus à risque de développer un diabète, minimiser ce risque.

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