Publié le 16 mar 2010Lecture 8 min
La mesure de la fraction de réserve de flux coronaire
A. CHAIB et C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris
L’étude de la réserve coronaire est une technique connue et validée depuis de nombreuses années. Les premiers travaux publiés ont été réalisés par l’équipe de Gould(1) vers la fin des années 70. Son nouvel essor est lié au perfectionnement du matériel, à la simplification de son utilisation et aux travaux publiés récemment confirmant l’intérêt qu’elle revêt en pratique quotidienne.
Si la coronarographie donne des renseignements anatomiques indispensables, elle ne permet pas de juger du retentissement fonctionnel d’une sténose donnée. Or le choix de la conduite thérapeutique dépend très largement du caractère « ischémiant » ou non des sténoses constatées sur l’examen angiographique. Il est aujourd’hui aisé de mesurer l’influence d’une sténose coronaire sur le flux sanguin grâce à l’étude de la réserve coronaire.
Il faut distinguer :
– d’une part la mesure de la réserve coronaire qui est moins utilisée aujourd’hui ;
– et d’autre part la mesure de la FFR (fractionnal flow reserve ou fraction de réserve de flux coronaire).
Quelle définition ?
La réserve coronaire se définit par le rapport entre le flux coronaire après stimulus hyperémique et le flux coronaire à l’état basal. Cette mesure se fait grâce à un guide doppler positionné dans l’artère coronaire. Une première mesure du flux coronaire à l’état basal est réalisée, suivie par une seconde après injection d’un vasodilatateur (acétylcholine, papavérine, ou adénosine). Selon le type de stimulus, on pourra ainsi analyser la vasomotricité endothélium-dépendante ou endothélium indépendante. Physiologiquement, le stimulus vasodilatateur entraîne une augmentation importante du flux dans les secondes qui suivent son administration. Un rapport inférieur à deux entre le flux après stimulus et le flux à l’état basal traduit une altération franche des propriétés vasomotrices de la coronaire étudiée. La réserve coronaire est cependant un paramètre qui prend en compte à la fois le retentissement des sténoses épicardiques, mais aussi la micro circulation coronaire d’aval. Il s’agit donc d’un élément d’appréciation encore imparfait du retentissement fonctionnel d’une sténose donnée.
C’est pourquoi l’utilisation de la mesure de la fraction de réserve de flux coronaire (FFR) est de plus en plus répandue. La FFR est définie comme le rapport entre le débit maximal obtenu en aval d’une sténose et le débit théorique maximal qui devrait normalement être obtenu à ce niveau s’il n’y avait pas de sténose. Concrètement, on utilise un guide très fin dont l’extrémité distale est équipée d’un capteur permettant de recueillir les pressions en aval de la sténose que l’on souhaite évaluer ; parallèlement, la pression aortique moyenne est mesurée sur le cathéter porteur placé à l’ostium coronaire. Les deux pressions (aortique et coronaire) sont calibrées initialement en sortie de cathéter, puis le guide est avancé au-delà du segment sténosé. Les mesures sont effectuées lors d’un test d’hyperémie obtenu par perfusion d’adénosine avec des mesures effectuées simultanément au niveau de l’aorte et en aval de la sténose. La FFR représente le rapport entre la mesure en aval de la sténose et la mesure dans l’aorte. La valeur normale de la FFR est de 1,0 et cet index est indépendant des conditions de pression systémique et de la fréquence cardiaque ; il prend par ailleurs en compte l’existence éventuelle d’une collatéralité et la taille du territoire perfusé.
Qu’est ce qu’une sténose significative ?
Comme dans toute technique de mesure quantitative, un seuil a été fixé. Communément on retient qu’une FFR inférieure à 0,75 témoigne de l’existence d’une sténose responsable d’ischémie myocardique. La fiabilité de la FFR est excellente. Les corrélations avec d’autres tests non invasifs d’ischémie myocardique sont bonnes, comme l’ont montré Pijls et al.(2) chez 45 patients porteurs d’une sténose angiographiquement intermédiaire parmi lesquels 21 patients avaient une ischémie documentée et une FFR inférieure à 0,75 tandis que les 24 autres patients avaient des tests d’ischémie négatifs et une FFR supérieure à 0,75. Dans le premier groupe, les patients ont été revascularisés et les tests d’ischémie sont redevenus normaux, tandis qu’aucune procédure de revascularisation n’a été entreprise dans le second groupe sans nécessité d’y recourir pendant les 14 mois de suivi.
L’étude FAME(3)
En pratique quotidienne, la FFR permet donc d’évaluer le caractère « ischémiant » ou non des lésions jugées intermédiaires en angiographie et dont le caractère significatif ou non ne peut être affirmé en angiographie seule. L‘étude randomisée multicentrique FAME(3) s’est efforcée de comparer deux stratégies d’angioplastie. La première était basée sur la mesure de la fraction de réserve coronaire, la seconde reposait uniquement sur l’évaluation angiographique. Les 1 005 patients inclus devaient avoir des sténoses de plus de 50 % dans au moins deux des trois territoires coronaires majeurs. Le seuil retenu pour les patients ayant bénéficié de la mesure de FFR a été de 0,80. Dans le groupe des patients ayant une FFR, seules les lésions ayant une FFR (fraction flow reserve) inférieure ou égale à 0,80 ont été stentées. Initialement, les patients avaient en moyenne 2,7 lésions. Le groupe bénéficiant de l’approche « raisonnée » de l’angioplastie montre à un an des taux d’évènements cardiaques majeurs (décès, infarctus du myocarde, revascularisation itérative) réduit de 30 % : 13,2 % vs 18,4 %, p = 0,02, et de mortalité ou infarctus du myocarde diminué de 35 % : 7,3 vs 11.1 %, p = 0,04, comparé au groupe dit « approche conventionnelle ». De plus, le nombre de stents implantés et la quantité de contraste utilisée étaient inférieurs, avec également une tendance à une amélioration de la symptomatologie angineuse. Dans le groupe « FFR » il n’y avait que 63 % de lésions avec une FFR 2 0,80. Ainsi, près d’un tiers des lésions qui auraient été stentées dans le groupe « conventionnel » n’avaient pas de caractère ischémiant. Ces résultats sont confirmés par ceux dui suivi à 2 ans, puisqu’on observe une réduction de 34 % du taux composite de décès et d’infarctus du myocarde. De plus, seules 0,2 % des lésions différées sont responsables d’un infarctus à 2 ans.
L’étude FAME suggère qu’il faut uniquement revasculariser les lésions menaçantes et épargner des lésions non ischémiantes en les traitant médicalement, démarche qui conduit non seulement à de meilleurs résultats cliniques mais également à des dépenses réduites.
L’étude DEFER(4)
Celle-ci a montré que les sténoses intermédiaires sans ischémie inductible ne tirent aucun bénéfice de la revascularisation, battant en brèche la notion d’un effet préventif de la mise en place d’une endoprothèse coronaire. Dans cette étude, la FFR a été mesurée chez 325 patients présentant une sténose angiographiquement intermédiaire. Les patients ayant une FFR inférieure ou égale à 0,75 ont bénéficié d’une angioplastie systématique, tandis que les patients avec une FFR supérieure à 0,75 ont été randomisés entre un groupe « conservateur » avec traitement médical (90 patients) et un groupe avec angioplastie (91 patients). Le suivi à 5 ans n’a pas montré de différence en terme de survenue d’évènements cliniques entre ces 2 stratégies (20 % vs 27 % p = 0,52). Par contre, il y avait plus d’évènements dans le groupe des patients ayant une FFR 2 à 0,75 (37 %, p = 0,03). Le critère composite décès d’origine cardiaque et infarctus du myocarde n’était pas significativement différent entre les deux groupes (3,3 % vs 7,9 % p = 0,21) alors qu’il était significativement plus élevé dans le groupe FFR 2 0,75 (15,7 % p = 0,003).
Autres études
Très récemment, des travaux ont été publiés montrant l’utilité de la FFR dans l’étude de lésions jusqu’à présent difficiles à évaluer tant en angiographie que par des tests non invasifs. Ainsi, le travail de M. Hamilos(5) sur les lésions du tronc commun a permis de montrer l’apport de la FFR dans la décision de revascularisation. Chez 213 patients porteurs d’une sténose intermédiaire du tronc commun, une FFR a été réalisée ainsi qu’une mesure quantitative angiographique. Les patients ayant une FFR < 0,80 ont été revascularisés chirurgicalement (75 patients), tandis que ceux avec une FFR 3 0,80 ont été traités médicalement ou ont une angioplastie sur une autre lésion (138 patients). La survie à 5 ans était comparable dans les 2 groupes (85,4 % dans le groupe chirurgie contre 89,4 % dans l’autre groupe, p = 0,48). De même, la survie à 5 ans sans événement était identique (82,8 % vs 74,2 % p = 0,50). Il est par ailleurs très intéressant de noter que s’il existait dans ce travail une corrélation entre la FFR et la sévérité angiographique de la lésion (r = -0,38, p < 0,001), 23 % des patients avec une sténose inférieure à 50 % avaient une FFR < 0,80 !
Cette étude suggère que, dans les lésions intermédiaires du tronc commun, dont on sait que la quantification angiographique est souvent difficile, la FFR peut être une aide précieuse dans la décision de revascularisation, épargnant ainsi une revascularisation de certains patients ou, au contraire, poussant à revasculariser certains patients dont la lésion n’apparaît pas forcément serrée. La corrélation avec l’évolution clinique est par ailleurs excellente dans cette étude.
D’autres études ont été publiées pour proposer l’utilisation de la FFR dans les lésions longues pour ne dilater qu’une partie de la lésion en repérant la partie « ischémique ». La FFR est mesurée avec un retrait du cathéter le long de la lésion durant l’épreuve d’hyperémie. D’autres travaux modélisent la FFR dans les lésions en tandem. En effet, il a été montré que la FFR mesurée au niveau de chacune des lésions était influencée par l’autre lésion et qu’il était donc nécessaire de modéliser une mesure permettant d’obtenir la FFR de chaque lésion en s’affranchissant de l’effet de l’une sur l’autre(6).
La FFR : un outil au quotidien ?
La mesure de la fraction de réserve du flux coronaire ou FFR est une technique connue depuis de nombreuses années mais dont la place aujourd’hui tend à devenir de plus en plus importante au cours de procédures de coronarographie ou d’angioplastie. Elle permet surtout de prendre une décision devant des lésions intermédiaires. Ce développement s’est fait, d’une part, grâce à l’amélioration du matériel qui rend actuellement cette mesure aisée en pratique quotidienne, mais aussi grâce aux nombreuses publications qui ont montré son excellente corrélation avec le pronostic clinique. La FFR a prouvé son intérêt chez les patients pluritronculaires permettant de ne revasculariser que les lésions « ischémiantes », rendant obsolète le réflexe « occulodilatateur » de certains angioplasticiens. Le choix du seuil de FFR reste une limite évidente, puisque, si originellement le seuil de 0,75 a montré son excellente corrélation avec les tests d’ischémie et avec le pronostic clinique des patients, certains auteurs ont choisi d’augmenter ce seuil à 0,80 pour diminuer le risque de faux négatif pouvant conduire à ne pas revasculariser une lésion ischémiante. Il convient donc d’harmoniser ce seuil pour pouvoir comparer les nombreuses études sur la FFR. Il n’en reste pas moins que la FFR s’impose aujourd’hui comme un outil indispensable en salle de cathétérisme pour l’aide à la décision chez certains patients.
Lésions du tronc commun distal et de L’IVA moyenne : Apport de la FFR.
Mesure de la FFR : 1- Egalisation des courbes de pressions aortique et coronaire en plaçant le guide en sortie de guiding. 2- Mise en place du guide de FFR en aval de la lésion
Avec le soutien de St Jude Medical
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