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Cardiologie interventionnelle

Publié le 03 juin 2008Lecture 5 min

L'angioplastie ne doit pas être banalisée ! Pour le dépistage de l'ischémie avant angioplastie

J.-L. DUBOIS-RANDÉ, hôpital Henri Mondor, Paris

Il en est de la médecine comme des autres aspects de notre actualité quotidienne. Il suffit de parler de mauvaises nouvelles ou de supposées mauvaises nouvelles pour jeter le doute sur tel ou tel aspect de nos pratiques. La nouvelle est donc remise en question et il faut savoir alors se défendre ce qui est toujours une position difficile. Ainsi, récemment l’étude COURAGE a créé l’événement dans la presse : le « zapping » a eu pour effet d’inciter chacun à faire moins d’angioplasties, le traitement médical ferait a priori tout aussi bien. Il faut donc réexpliquer les choses et sans doute faut-il reconnaître que la réputation du cardiologue interventionnel s’est brouillée dans notre univers cardiologique, certains parlent même de « cathéterroristes ». Par les temps qui courent, restons raisonnables.

L’angioplastie coronaire améliore les symptômes sans modifier le pronostic chez les patients ayant un angor stabilisé Pour paraphraser un général célèbre, de quoi s’agit-il ? En fait, rien de vraiment nouveau car on connaît depuis plus d’une dizaine d’années la place de l’angioplastie dans l’arsenal thérapeutique mis à notre disposition pour traiter un patient angineux. Si on prend l’ensemble de la population, le pronostic d’un patient ayant un angor stabilisé avec une bonne fonction ventriculaire gauche est globalement bon avec une très bonne survie à 5 ans. Il est donc difficile pour les techniques de revascularisation, englobant aussi la chirurgie, de montrer un bénéfice sur la survie. De fait, les études maintenant anciennes (années 1970-80), avant le développement de l’angioplastie et étudiant le bénéfice de la chirurgie de revascularisation, ne montraient un apport en termes de survie que chez les patients pluritronculaires avec atteinte de l’IVA ayant une dysfonction ventriculaire gauche ou les patients présentant une atteinte du tronc commun. Dès lors, les bases mêmes du bénéfice de l’angioplastie en termes de survie ne pouvait que concerner une population proche de celle-ci et difficilement un patient mono- ou bitronculaire. Ainsi, parmi les études randomisées, l’étude ACME avait montré dans le New England Journal of Medecine en 1992 que l’angioplastie était supérieure au traitement médical pour soigner l’angor chez des patients mono- ou bitronculaires. L’angioplastie permettait un contrôle meilleur et plus précoce de l’angor que le traitement médical associé à une meilleure amélioration de la performance d’effort. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs métaanalyses puissent conclure (HC Bucher et al, BMJ 2000 ; G Demosthenes et al, Circulation 2005) que l’angioplastie est efficace sur les symptômes chez des patients en angor stable sans démontrer de bénéfices tangibles sur la survenue d’infarctus et de décès lors du suivi. L’étude RITA-2 (RA Henderson et al, J Am Coll Cardiol 2003), plus récente, donnait les mêmes conclusions. Les propos de l’étude COURAGE sont équivalents mais il en existe plusieurs lectures. En effet, après avoir pris connaissance des résultats de l’étude COURAGE, quelles sont les limites que nous pouvons trouver à une stratégie médicale par comparaison à l’angioplastie de première intention chez les patients en angor stable ? L’angioplastie de première intention permet de mieux contrôler cliniquement un patient, sans avantage réel sur les événements coronaires, et donc en termes pronostiques. Il est à signaler que, dans le groupe médical, malgré un traitement bien conduit, en particulier en termes de prévention des facteurs de risque, plus de 30 % des patients relèveront d’une revascularisation lors du suivi. Ce chiffre est en général semblable dans d’autres études. La revascularisation incomplète s’accompagne dans le groupe angioplastie de davantage de revascularisations, ce qui en soit est compréhensible et incite à une meilleure évaluation des territoires nécessitant une revascularisation.   L’angioplastie a un impact pronostique si elle agit sur une large ischémie myocardique Il est néanmoins rassurant en cardiologie d’asseoir nos indications sur des preuves, surtout lorsqu’elles s’accordent à des bases physiopathologiques. L’étude ACIP (CJ Pepine et al, J Am Coll Cardio 1994) avait montré une réduction de la mortalité totale lorsque la revascularisation est choisie par rapport aux groupes médicaux, chez des patients ayant une ischémie franche démontrée. L’importance de l’ischémie était quantifiée, chez des patients symptomatiques ou non, par la tolérance à l’exercice (ou un test pharmacologique) et l’existence d’au moins un épisode d’ischémie sur un Holter de 48 h. Les études ACME et ACIP sont d’ailleurs retenues dans les recommandations européennes comme donnant le niveau de preuve IA pour l’angioplastie chez les patients ayant une coronaropathie stabilisée (Guidelines for Percutaneous Coronary Interventions. Eur Heart J 2005). Récemment, une étude ancillaire de l’étude COURAGE (LJ Shaw Circulation 2008) a montré que, chez les patients ayant une ischémie myocardique importante objectivée par scintigraphie (> 10 % du myocarde), l’angioplastie associée au traitement médical diminue l’ischémie myocardique avec un impact sur le pronostic (décès et infarctus). Il résulte de ces études que l’angioplastie peut être proposée en première intention sans une culpabilité extrême chez un patient ayant une coronaropathie stabilisée. Son impact sur le pronostic sera d’autant plus évident que l’ischémie myocardique est importante. En conséquence, il est fortement souhaitable de disposer d’une imagerie objectivant l’importance de l’ischémie myocardique pour anticiper au mieux l’utilité de l’angioplastie coronaire chez un patient stable en optant pour le traitement des lésions responsables de l’ischémie. On peut suggérer l’utilité per procédure de la mesure de la réserve coronaire par des guides de pressions (FFR A. Berger J Am Coll Cardiol 2005).   Tout est dans la mesure   Vers une attitude pragmatique : primum non nocere L’angioplastie est une thérapeutique fantastique qui ne représente pas dans la réalité une attitude systématique chez un patient coronarien. Aux États-Unis, pays où l’angioplastie est supposée débridée, si l’on estime que 15 millions d’Américains ont une maladie coronaire, 2 millions ont un cathétérisme diagnostique, 1 million bénéficient d’angioplasties (30 % d’entre elles en angor stable) et 350 000 de pontages aorto-coronaires. Les données européennes sur nos pratiques (Euro Heart Survey. Eur Heart J 2005) n’expriment pas une dérive scandaleuse en dehors des recommandations. Enfin, il n’est pas exclu qu’à plus large échelle, les techniques de revascularisation, dont l’angioplastie, ont de fait un impact sur le pronostic, même si la prévention est de loin décisive (US death in US from Coronary disease 1980-2000, N Engl J Med 2007). Cependant, les publications récentes ont rappelé que l’angioplastie n’était pas une technique à banaliser dans le traitement de la maladie coronaire. La polémique récente sur les endoprothèses actives et la confusion sur le maintien ou non de l’antiagrégation plaquettaire chez des patients nécessitant une intervention chirurgicale extracardiaque montrent qu’il faut encore résoudre des difficultés, faute de créer une morbi-mortalité pénalisante. Les progrès techniques et pharmacologiques devraient à terme apporter des solutions.   En pratique   Dans le contexte actuel, la justification du geste d’angioplastie est décisive et doit suivre les recommandations dans le cadre d’une maladie coronaire stabilisée et a fortiori asymptomatique. Lorsqu’il y a indication clinique chez un patient non stabilisé médicalement, il y a peu de discussions. Lorsqu’il s’agit de traiter une ischémie myocardique, il faut que celle-ci soit conséquente et les techniques d’imagerie ont ici toutes leur place.

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