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Risque

Publié le 08 mai 2007Lecture 10 min

Le HDL-cholestérol en suspens

P. SABOURET, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris


Le congrès de l’American College of Cardiology a été le lieu de la communication de plusieurs études randomisées dans le domaine des dyslipidémies. Les résultats de METEOR et d’ARMYDA-ACS confirment l’importance d’une forte baisse du LDL-cholestérol pour stabiliser les lésions athéromateuses et, par là même, diminuer les événements cardiovasculaires majeurs des patients à haut risque athérothrombotique. Cependant, l’ensemble des études randomisées avec les statines montre un risque résiduel non négligeable d’ECM (événements cardiovasculaires majeurs), qui incite à intensifier soit la baisse du LDL-C, soit la prise en charge des autres facteurs de risque et notamment à essayer d’augmenter le taux de HDL-cholestérol (HDL-C) afin de faciliter le transport inverse du cholestérol libre.

Évaluation d'un agoniste PPAR-a La première étude rapportée est l’étude ADS (Atherogenic Dyslipidemia Study) évaluant l’efficacité d’un agoniste PPAR-a (LY518674) chez des patients présentant un taux de HDL-C bas (< 0 ,45 g/l chez les hommes, < 0,50 g/l chez les femmes), avec un taux de triglycérides entre 1,5 et 6 g/l, et un taux de LDL-C < 1,60 g/l. Cette étude a inclus 309 patients répartis en différents bras de randomisation : fénofibrate, ou différentes posologies du PPAR-a (10, 25, 50, 100 µg), ou placebo. Une deuxième étude HCS (Hypercholesterolemia Study) a inclus 276 pa-tients, répartis en 3 bras recevant respectivement l’atorvastatine à 10 mg, à 40 mg, et un placebo, durant 4 semaines. Chaque bras étant ensuite randomisé en 3 branches qui recevaient l’agoniste PPAR-a à des posologies de 25, 50, et 100 µg/j, pendant 12 semaines (JAMA 2007 ; 297 : 1362-73). Le traitement par l’agoniste PPAR-a permet en moyenne une augmentation du HDL-C de 15 %, avec une diminution de 35 % du taux des triglycérides. On note en monothérapie une diminution du LDL-C de 20 %, sans bénéfice additionnel en cas d’association avec l’atorvastatine. Sur le plan de la tolérance, une élévation de la créatininémie est notée chez 35 % des patients, comparable à celle observée sous fénofibrate, ce qui imposera les règles de prudence déjà appliquées pour les fibrates en cas d’insuffisance rénale. Évaluation d’un inhibiteur CETP   L’étude ILLUSTRATE (Investigation of Lipid Level Management Using Coronary Ultrasound to Assess Reduction of Atherosclerosis by CETP Inhibition and HDL Elevation) a été rapportée par S. Nissen et publiée le jour même (New Engl J Med 2007 ; 356 : 1304-16). Cette étude avait pour objectif d’évaluer un inhibiteur de la CETP (Cholesteryl-Ester Transferase Protein), le torcétrapib, en plus d’un traitement par atorvastatine chez des patients coronariens ; 1 888 patients ont été inclus dans cette étude d’échographie endocoronaire. Tous les patients ont bénéficié d’un traitement par atorvastatine pour obtenir un LDL-C < 1 g/l, puis ils ont été randomisés entre un placebo et le torcétrapib à la posologie quotidienne de 60 mg. À 24 mois de suivi, une nouvelle échographie endocoronaire était réalisée pour juger de l’évolution des lésions coronaires athéromateuses dans les deux groupes de randomisation et a été effectuée chez 77 % des patients inclus (n = 910). Résultats : 910 patients ont été inclus et une nouvelle écho-endocoronaire a été réalisée chez 77 % d’entre eux. Les résultats sur les paramètres biologiques et cliniques objectivent dans le groupe atorvastatine + torcétrapib : une élévation du HDL-C de 61 %, avec une baisse additionnelle de 20 % du LDL-C et un rapport LDL/HDL < 1. La PA systolique a augmenté en moyenne de 4,6 mmHg dans le groupe torcétrapib. Le pourcentage du volume athéromateux, critère primaire de l’étude, a augmenté de 0,19 % dans le groupe atorvastatine + placebo et de 0,12 % dans le groupe atorvastatine + torcetrapib, ce qui n’est pas significatif (p = 0,72). L’hypothèse initiale n’ayant pas été confirmée, l’analyse des critères secondaires n’est donc pas valide sur le plan statistique. Le manque d’efficacité du torcétrapib sur l’évolution de l’athérome coronaire, jugé par échographie endovasculaire suscite plusieurs questions : - L’échographie endocoronaire est-elle un critère intermédiaire valide ? - L’inhibition de la CETP est-elle une cible pertinente ? En effet, cette molécule inhibe le transfert du HDL vers le LDL-C, qui assure une partie du transport inverse vers le foie. L’étude ILLUMINATE (Investigation of Lipid Level Management to Understand Its Impact in Atherosclerotic Events), après avoir inclus 15 000 patients à risque coronarien élevé, a été interrompue après un peu plus d’un an de suivi, en raison d’un surcroît de décès, d’infarctus du myocarde, d’angor, de revascularisations coronaires et d’insuffisance cardiaque dans le groupe recevant l’atorvastatine + torcétrapib par rapport au groupe atorvastatine seule. L’élévation tensionnelle (PA > 140/90 mmHg), observée chez 21,3 % des patients, avec une élévation de la PA systolique > 15 mmHg chez 9 % d’entre eux, est-elle un effet de classe ou propre au torcétrapib ? Suffit-elle à expliquer l’excès de mortalité ou d’ECM, ou bien le torcétrapib entraîne-t-il un dysfonctionnement des particules de HDL-C qui faciliterait une toxicité vasculaire ? Des réponses précises seront indispensables, d’autant que les études RADIANCE 1 et 2 rapportent des résultats comparables. L’étude RADIANCE 1 (N Engl J Med 2007 ; 356 : 1620-30) a inclus des patients présentant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote ; 850 patients étaient prérandomisés sous atorvastatine (10 à 80 mg) puis répartis en deux groupes, l’un recevant l’atorvastatine + placebo, l’autre recevant l’atorvastatine + torcétrapib (60 mg/j, comme dans l’étude ILLUSTRATE). Le critère primaire d’évaluation était échographique, reposant sur l’évolution de l’épaisseur intima-média carotidienne (EIM). Les résultats biologiques montrent un HDL-C à 0,52 g/l, un LDL-C à 1,43 g/l sous atorvastatine, alors que le HDL-C est à 0,81 g/l et le LDL-C à 1,15 g/l sous l’association atorvastatine + torcétrapib. La PA systolique s’est élevée de 2,8 mmHg dans le groupe torcétrapib. Là encore, la stratégie atorvastatine + torcétrapib n’a pas montré de bénéfices sur le critère primaire, à savoir l’évolution de l’EIM en fonction du temps (suivi moyen de 2 ans) (p = 0,87). L’analyse des critères secondaires est là encore non valide, puisque l’hypothèse initiale n’a pas été vérifiée. Dans l’étude RADIANCE 2, non encore publiée, les patients âgés en moyenne de 58 ans, caucasiens (93 %) avec une PA initiale à 121/74 mmHg, ont été prérandomisés sous atorvastatine (10-80 mg, dose moyenne journalière : 13,5 mg) avec un bilan lipidique initial qui montrait un LDL-C à 1 g/l, un HDL-C à 0,47 g/l, des triglycérides à 1,67 g/l. Les patients ont été randomisés entre l’atorvastatine + placebo et l’association atorvastatine + torcétrapib. L’évolution des paramètres lipidiques montre une élévation de 63,4 % du HDL-C avec diminution de 17,7 % du LDL-C sous torcétrapib, et une PA systolique qui s’élève de 5,1 mmHg en moyenne. Aucun bénéfice n’est constaté sur le critère primaire (évolution de l’EIM carotidienne), avec une tendance à un excès d’événements cardiovasculaires dans le groupe torcétrapib.   Évaluation d’un HDL recombinant   L’étude ERASE (JAMA 2007 ; 297 : 1675-1682) a évalué les effets d’un recombinant du HDL-C (nommé CSL-111) versus placebo sur l’évolution des lésions coronaires, évaluée par l’échographie endocoronaire ; 183 patients coronariens ont eu une échographie endocoronaire puis ont été répartis en 3 groupes : un groupe placebo (perfusion saline) (n = 60), un groupe perfusion de CSL-111 à la posologie de 40 mg/kg (n = 111),et un groupe perfusion de CSL-111 à la posologie de 80 mg/kg (n = 12). Les perfusions étaient hebdomadaires avec nouvelle échographie endocoronaire à 6 semaines, qui a été réalisée chez 145 patients. Des perturbations importantes du bilan hépatique sont apparus sous CSL-111 à la dose de 80 mg/kg entraînant un arrêt prématuré du groupe de randomisation. Pour le groupe sous CSL-111 à la posologie de 40 mg/kg, il n’y a pas eu d’évolution favorable sur les paramètres d’échographie endocoronaire, notamment sur le critère primaire. On note un surcroît d’élévation modérée des transaminases, transitoire, sans conséquence clinique, sur un suivi à court terme. Voilà un ensemble de résultats qui pourrait décourager les partisans du HDL-C, mais devrait surtout inciter à s’intéresser au plus près à la physiologie du cholestérol.   Quelles stratégies pour le HDL- cholestérol après ces résultats ? Les particules lipoprotéiniques de HDL-cholestérol (HDL-C) ont un effet protecteur sur les événements athérothrombotiques, qui semble principalement lié à leurs actions sur le transport inverse du cholestérol plasmatique, en permettant le passage du cholestérol des macrophages ou des cellules spumeuses situées au niveau des lésions athéromateuses des parois artérielles pour l’apporter au foie, afin de permettre son élimination biliaire. Les études épidémiologiques (PROCAM, FRAMINGHAM) ont mis en exergue qu’un taux de HDL-C spontanément élevé est associé à un moindre risque cardiovasculaire, tandis qu’un niveau spontanément bas de HDL-C est un marqueur de risque d’événements cardiovasculaires ischémiques. Les études randomisées utilisant les hypolipémiants ont montré des résultats discordants concernant l’évolution du HDL-C sous traitement et le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (ECM) associés. Une étude ancillaire de TNT, communiquée lors de l’ACC 2006, avait montré qu’une élévation du HDL-C sous statine s’associe à une réduction des ECM, mais il reste à mesurer l’impact précis de l’élévation du HDL-C sous traitement, ainsi qu’il a été possible de l’estimer par la baisse du LDL-C lors de deux métaanalyses récentes (issues d’études randomisées concordantes). Plusieurs molécules jouent un rôle clé dans le transport inverse du cholestérol circulant, qui est généré par l’hydrolyse des stocks intracellulaires de cholestéryl-ester (CE). Les molécules jouant un rôle fondamental sont les ABCA1 (ATP-Binding Cassette Protein A1), la Lecithin-Cholesterol AcylTransferase (LCAT), et les SR-BI (Scavenger Receptor class B, type I). La modulation de ces cibles pourrait permettre de modifier le HDL-C et de réduire les événements cardiovasculaires. Le transporteur protéique intracellulaire ABCA1 transporte l’excès de cholestérol libre au sein de la cellule vers l’ApoA1. La transcription de l’ABCA1 est régulée par le récepteur nucléaire Liver X Receptor/Retinoid X Receptor (LXR/RXR). Les stérols oxydés, synthétisés à partir du cholestérol, sont un des ligands principaux du LXR/RXR et stimulent la transcription de ABCA1. La transcription est également modulée par les PPAR-a et PPAR-g, ce qui explique l’élévation du HDL-C sous fibrates, et plus modérément sous glitazones. Là encore, il faut distinguer l’effet biologique des effets cliniques en termes de réduction des événements cardiovasculaires majeurs (ECM), puisque les études randomisées réalisées avec les fibrates sont dans l’ensemble décevantes (études BIP, FIELD…) et que l’impact cardiovasculaire des glitazones reste discuté. Seule l’étude VA-HIT (the Veterans Affairs High-Density Lipoprotein Cholesterol Intervention Trial) avait objectivé un bénéfice du traitement par gemfibrozil chez des patients présentant un HDL-C bas en prévention secondaire coronarienne, avec une réduction du risque relatif des événements cardiovasculaires de 22 % versus placebo, pour une élévation modeste du HDL-C de 6 %, et une diminution des triglycérides de 31 %, sans modification du taux de LDL-C sur un suivi de 5 ans. La recherche fondamentale s’oriente vers des agonistes des LXR/RXR pour stimuler l’expression des ABCA1 et favoriser le transport inverse. • Une autre cible thérapeutique visant à augmenter le HDL-C a récemment fait couler beaucoup d’encre, compte tenu de la négativité des études cliniques sur l’athérosclérose, s’accompagnant même d’une surmortalité dans le groupe de patients recevant le torcétrapib. L’inhibition de la CETP reste cependant une cible thérapeutique qui présente un rationnel physiopathologique, puisque cette protéine transfère le cholestérol estérifié (CE) des particules de HDL-C vers les lipoprotéines athérogènes LDL-C et VLDL. Les études RADIANCE 1 et 2 et ILLUSTRATE se sont avérées décevantes, puisque l’augmentation > 50 % du HDL-C, associée à une diminution de 20 % du LDL-C n’a pas permis de régression de l’athérosclérose, la surmortalité observée étant possiblement en relation avec les élévations tensionnelles observées sous torcétrapib (élévation de la PA systolique > 15 mmHg chez 8,8 % des patients sous torcétrapib 80 mg). Cette élévation tensionnelle semble spécifique de la molécule torcétrapib, puisque la PA n’est pas augmentée avec d’autres inhibiteurs de la CETP (MK0859). Les effets des inhibiteurs de la CETP sont peut-être dépendants du taux d’activation des récepteurs hépatiques au HDL-C (les SR-BI), mais aussi de celui des LDL-récepteurs hépatiques, qui assurent également une part du transport inverse du cholestérol. La classe des inhibiteurs de la CETP n’est donc pas enterrée si les nouveaux inhibiteurs n’élèvent pas la PA et si les modifications de régulation du cholestérol sous traitement sont mieux appréhendées. • Une autre voie de recherche vise à améliorer la fonction des particules de HDL-C plutôt que de modifier leur taux circulant. En effet, des études récentes ont montré un rôle du HDL-C dans la régulation de l’immunité : le HDL est une plate-forme pour l’assemblage de complexes immuns (via l’apolipoprotéine AI), et régule des substances pro-inflammatoires telles que la SPLA2. Les voies de recherche actuelles visent à augmenter le taux d’ABCAI, et/ou à stimuler la production de apolipoprotéine AI par une stimulation de la transcription au niveau du foie et de l’intestin, principaux producteurs d’Apo AI, ou bien encore à augmenter la synthèse de particules de HDL-C « matures » via les récepteurs ABCG1 (ATP-Binding Cassette Protein G1), situés sur la membrane des macrophages. • Concernant l’acide nicotinique, il semble agir sur des récepteurs adipocytaires pour bloquer la libération d’acides gras libres (AGL) qui vont enrichir les triglycérides, et aussi sur la captation hépatique des HDL-C riches en apoAI. Des agonistes des récepteurs de l’acide nicotinique sont en développement pour obtenir une meilleure efficacité et un meilleur profil de tolérance. • Des inhibiteurs de la lipase endothéliale constitueraient une solution thérapeutique séduisante puisque la lipase endothéliale détruit l’Apo AI et contribue à l’élimination des particules de HDL-C au niveau rénal. Ce phénomène est particulièrement marqué dans le cadre de l’obésité, où il existe une augmentation des cytokines qui stimulent la production de la lipase endothéliale, et participent aux anomalies lipidiques, qui sont un des critères diagnostiques du syndrome métabolique. • Les agonistes des récepteurs macrophagiques LXR/RXR sont actuellement à l’étude, en sachant que les agonistes des PPAR a, d, et g présentent un potentiel à évaluer plus précisément. • Des produits stimulant les propriétés anti-inflammatoires des particules de HDL-C sont également évalués, notamment le D-4F, qui est un peptide de 18 acides aminés, qui améliore l’indice anti-inflammatoire du HDL-C. • Dans la même optique, des biomarqueurs de l’activité anti-inflammatoire des HDL-C sont développés afin d’avoir une application clinique dans un futur proche. On constate donc que les stratégies thérapeutiques, visant à augmenter le taux des particules de HDL-C ou à améliorer leur fonctionnalité, sont variées et prometteuses. Les résultats décevants des dernières études randomisées ne doivent signer un coup d’arrêt à la recherche sur le transport inverse du cholestérol circulant.

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