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Coronaires

Publié le 31 jan 2006Lecture 10 min

Le score calcique coronaire : un outil pour la pratique ?

L. BONNEVIE et O. GUIRAUDET, Hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé

Les manifestations cliniques de la maladie coronaire se modifient. On assiste à une diminution des infarctus non fatals et de la mortalité coronarienne grâce à une prise en charge précoce et à des interventions thérapeutiques de plus en plus agressives de la maladie athéromateuse. L’évaluation du risque cardiovasculaire à partir des tables de Framingham ou SCORE peut être optimisée par l’utilisation de nouveaux marqueurs dont le score calcique coronaire (SCC). Le SCC dont l’intérêt pratique a été controversé est actuellement reconnu comme marqueur d’athérosclérose coronaire et facteur prédictif indépendant d’événements cardiovasculaires.

Pandémie mondiale responsable de la première cause de mortalité, la maladie coronaire est particulièrement insidieuse : environ la moitié des infarctus du myocarde et des morts subites sont inauguraux. Les différentes sociétés savantes (American Heart Association (AHA), European Society of Cardiology (ESC)) insistent actuellement sur l’importance d’un dépistage précoce des sujets à risque intermédiaire ou à haut risque. Le calcium est un composant habituel de l’athérome et constitue donc un marqueur de l’athérosclérose coronaire, notamment infraclinique.   Limites des méthodes actuelles Une méthode de dépistage suppose notamment d’être non invasive, valide, précise, facilement applicable et acceptable et non génératrice d’effets indésirables. Celles actuellement disponibles concernant la maladie coronaire sont limitées. Les recommandations de l’AHA de 2002 concernant la pratique de l’ECG d’effort supposent une stratification prétest du niveau de risque, éventuellement aidée d’autres facteurs de « substitution » comme l’épaisseur intima-média ou l’index de pression systolique. L’indication reste de classe II b chez le sujet asymptomatique, en cas de facteurs de risque multiples ou de maladie vasculaire connue autre que coronaire mais de classe III dans les autres situations. La sensibilité est voisine de 50 % et la spécificité de 90 %. L’échographie de stress et la scintigraphie myocardique, plus performantes, sont indiquées en cas de non-faisabilité de l’ECG d’effort pour la première ; la deuxième, à l’origine d’une irradiation (10 à 15 mSv), est de plus relativement coûteuse. Compte-tenu des limites des méthodes non invasives actuellement disponibles, force est de souvent recourir à la coronarographie, qui reste le gold-standard. Cependant, la coronarographie répond mal au prérequis d’une méthode de dépistage : elle reste invasive, à l’origine d’une irradiation (6 à 10 mSv), nécessite l’injection de produit de contraste, est coûteuse, de plus elle image le flux et la lumière mais méconnaît l’évaluation de la paroi, comme en témoigne l’échographie endocoronaire. Et l’on connaît actuellement l’importance des lésions intermédiaires dans la genèse des accidents coronariens.   Score calcique coronaire Le scanner est une méthode d’imagerie en coupes développée depuis 1990 pour la tomographie par faisceau d’électrons (TFE) et 1999 pour son concurrent le scanner multi-détecteur. L’apport de ce dernier est proportionnel au niveau de progression technologique et informatique le concernant (initialement 2 puis 4 détecteurs, actuellement 16, 32, voire 64). En effet, les impératifs associés de résolution spatiale, temporelle et de contraste sont une gageure pour imager l’athérosclérose coronaire.   Une acquisition très rapide Actuellement, les scanners « 64 » coupes permettent l’acquisition volumique de l’ensemble du massif cardiaque en moins de 12 secondes, avec une épaisseur de coupe inframillimétrique (0,6 mm), un temps de rotation de 330 ms. La synchronisation ECG est indispensable à la reconstruction en télédiastole. L’examen est réalisé en contraste spontané. L’irradiation est comparable à celle d’une coronarographie conventionnelle, atteignant 4 à 6 mSv. L’optimisation par la modulation ECG (« ECG pulsing ») et en fonction de l’anatomie permet des réductions de dose > 50 % ; la dose délivrée étant alors de 2 à 3 mSv en moyenne. Les calcifications sont détectables par le scanner, ce qui permet de quantifier leur dépôt global sous forme d’un score de calcification.   Le calcul du score calcique Le score calcique coronaire est calculé selon la méthode décrite par Agatston et al. en 1990. Sur la console de posttraitement, on utilise un logiciel spécifique : sur chaque coupe, on définit une région d’intérêt (ROI) englobant une portion de l’artère coronaire à étudier (figure 1). Le logiciel cible immédiatement toute lésion calcique dont la densité est > 130 UH et la surface > 1 mm2. L’affichage des valeurs des ROI est automatique avec deux paramètres : la surface des calcifications en mm2 et le pic de densité à l’intérieur de cette ROI. Figure 1. Détermination de la zone d’intérêt de l’artère circonflexe au sein de laquelle le logiciel de post-traitement identifie et quantifie les calcifications coronaires selon la méthode d’Agatston. Le score associé à une ROI est la surface de la calcification pondérée par un facteur dépendant du pic de densité. Celui-ci est de 0 pour un pic < 130 UH, de 1 pour un pic de 130 à 199, 2 pour 200 à 299, 3 pour 300 à 399, 4 pour toute valeur > 400 UH. L’opération est renouvelée sur toutes les artères coronaires d’une même coupe. Le score total correspond à la somme de tous les scores retrouvés sur les différentes coupes pour chaque artère coronaire (figure 2). Figure 2. Calcul du score calcique. Le scanner multicoupes est validé Si la tomographie à faisceau d’électrons (TFE) constitue la technique de référence pour le calcul du SCC, Car et al. ont établi l’excellente corrélation avec le scanner multicoupes qui a été validé dans cette indication (ACC/ESC). Celui-ci présente l’avantage d’une meilleure reproductibilité et d’une meilleure résolution spatiale que la TFE, avec cependant une moins bonne résolution temporelle (figure 3). Les études histopathologiques démontrent une excellente corrélation avec la charge athéroscléreuse totale. Environ deux tiers des plaques sont calcifiées. Figure 3. Comparaison des images de calcifications coronaires obtenues par la tomographie par faisceau d’électrons (TFE) (en haut) puis avec un scanner multicoupes (en bas). Un marqueur de vulnérabilité Pour l’AHA, le degré de calcification est également un marqueur de vulnérabilité au niveau de la plaque, de même que la charge calcique coronaire totale à l’étage panartériel. Au niveau systémique, la protéine C réactive (autre marqueur de vulnérabilité) est corrélée au score calcique. La calcification est un phénomène actif, favorisé par l’apoptose et les lipides oxydés. La vitesse de progression du score calcique a une valeur pronostique ; en effet, elle est corrélée aux événements coronariens. Le prix est compétitif : Z19 + forfait technique, soit environ 136 euros, versus K40 soit plus de 400 euros pour une épreuve d’effort. Le temps de réalisation de l’examen est d’environ 15 min. La mauvaise reproductibilité intra- et interobservateurs n’est plus d’actualité avec les scanners de dernière génération.   Recommandations ACC/AHA 2000 Elles retiennent, pour la TFE, une sensibilité de 92 % et une spécificité de 55 % pour le diagnostic de sténose coronaire significative. La valeur seuil est située dès la positivité du score. Elles soulignent l’excellente valeur prédictive négative : l’absence de calcification élimine très probablement la présence de plaque d’athérosclérose. A contrario, un score élevé implique la présence de plaques et plus celui-ci est élevé plus grande est la probabilité de sténose(s) serrée(s), sans toutefois de relation absolument linéaire avec ces dernières. Il n’existe pas non plus de rendez-vous anatomique entre la localisation des calcifications et celle des sténoses serrées. L’indication diagnostique est limitée par la faible spécificité. Pour le pronostic, l’insuffisance des données à cette période conduit à une proposition d’utilisation au cas par cas afin de permettre une meilleure stratification du risque et notamment le dépistage des patients à haut risque, dans le sous-groupe des patients initialement classés comme à risque intermédiaire.   Recommandations de l’ESC 2003 Pour le diagnostic, la valeur prédictive négative de près de 100 % permet, pour des douleurs atypiques avec un score nul, « d’éviter facilement » la coronarographie, d’éliminer les faux positifs de l’ECG d’effort ; très rarement pas ou peu de calcium est observé en cas d’infarctus du myocarde. Le score d’Agatston est devenu un facteur de risque indépendant pour l’extension de la maladie coronaire et pour le pronostic, apportant une information forte, graduée et supplémentaire à celle fournie par l’analyse des facteurs de risque conventionnels. Les valeurs seuils alors habituellement proposées se situent entre 80 et 160 ou intéressent les scores élevés (400, voire 1 000) proposés initialement par Rumberger. L’utilisation des percentiles distribués en fonction de l’âge et du sexe permet une meilleure stratification (classes extrêmes : < 25°, > 75° ou 90° percentile). La détermination d’un niveau de risque équivalent à celui de la prévention secondaire est possible ; la majorité des événements surviennent pour des scores > 75° percentile. Cette classification est préférée par l’ESC qui retient par ailleurs des indications identiques à celles de l’AHA.   En 2005   Principalement aux États-Unis et en Allemagne, le score calcique est utilisé seul ou en association avec la recherche d’ischémie pour une stratification pronostique chez les sujets à risque, avec comme à l’occasion de la réalisation d’un examen diagnostique de l’ischémie, établissement d’une probabilité prétest, puis posttest d’événement. L’objectif est le traitement des sujets à risque intermédiaire ou élevé. Se développe le concept d’âge coronaire, avec proposition de remplacement de l’âge de l’état civil par un équivalent dérivé du score calcique, intégré ensuite dans l’équation de Framingham, afin d’affiner la stratification du risque. La valeur pronostique forte, indépendante, des calcifications coronaires est également retrouvée en prévention secondaire.   Évaluation de la valeur prédictive négative dans les études - Haberl a réalisé une étude prospective monocentrique incluant 1 764 patients symptomatiques ou présentant une épreuve d’effort positive, donc relevant d’une coronarographie diagnostique, d’âge moyen 58 ans, comprenant environ un tiers de femmes. Il a montré que l’absence de calcifications artérielles coronaires (CAC) est associée à une probabilité de sténose significative de 0,7 % chez les hommes (avec revascularisation pour 0,3 %) et nulle chez les femmes, avec une précision diagnostique conservée dans les différents sous-groupes. Il propose donc un filtrage par le SCC en cas de douleur atypique avec une épreuve d’effort non réalisable ou litigieuse. - Shemesh a montré, sur une petite population de femmes agées (en moyenne 66 ans), symptomatiques, que l’absence de CAC élimine des lésions significatives à la coronarographie. - Budoff a réalisé une étude prospective multicentrique incluant 1 851 patients, d’âge moyen 58 ans, comprenant environ un tiers de femmes, nécessitant une coronarographie diagnostique. L’absence de CAC est corrélée à une très faible probabilité de sténose significative. - De même, LaMont a montré que l’absence de CAC permet d’identifier un faux positif de l’ECG d’effort, dans une population de 153 patients symptomatiques ayant tous bénéficié de la triple évaluation. La sensibilité d’un SCC positif est de 98 %, avec pour les deux faux négatifs une seule lésion sur une artère de deuxième ordre. - Mc Laughlin a réalisé un calcul du SCC chez 181 patients se présentant aux urgences pour douleurs thoraciques d’origine a priori cardiaque, sans antécédent coronarien connu, lorsque l’ECG initial et le dosage des CPK-MB étaient négatifs. L’âge moyen de la cohorte est 53 ans, avec deux tiers de femmes. Il a montré la survenue d’un seul (soit 2 %) événement cardiaque grave dans le mois suivant l’admission, pour les cas où le SCC est négatif, compliquant une intoxication à la cocaïne chez un patient de 45 ans. Cela confirme l’excellente valeur prédictive négative (VPN) du test (98 % et passant à 100 % hors cocaïne).   Recommandations de la SAI et de l’ESC La Society of Atherosclerosis Imaging (SAI) aux États-Unis propose, dans ses recommandations édictées en 2000, en classe I : • la réalisation du SCC comme test diagnostique initial en cas de douleurs atypiques survenant sans pathologie cardiovasculaire connue et chez des patients < 66 ans, • sa réalisation comme examen supplémentaire, toujours en l’absence de pathologie cardiovasculaire et, avant 66 ans, en cas d’épreuve de stress non contributive ; • le diagnostic des syndromes douloureux thoraciques aux urgences, avant 50 ans chez l’homme et 60 ans chez la femme, en l’absence de pathologie cardiovasculaire connue, avec des ECG non modifiés. L’ESC reconnaît la VPN de presque de 100 % d’un SCC nul, qui permet « d’éviter facilement » la coronarographie en cas de douleurs atypiques, insiste sur son intérêt pour repérer les faux positifs de l’ECG d’effort.   Valeur prédictive négative Pour la classe des scores élevés, au-delà de 400, la valeur prédictive positive (VPP) de 95 % est également concordante avec les données de l’AHA. Cependant, compte-tenu des faux positifs, l’ESC recommande de ne recourir à la coronarographie qu’en cas d’ischémie. - Taylor et al. (2005), ont montré au sein d’une population de 2 000 militaires asymptomatiques d’âge moyen 43 ans, suivis 3 ans (1 à 6 ans) (prospective army coronary calcium project) que la présence de CAC (SCC > 0) est un facteur indépendant prédictif d’événement coronarien (risque multiplié par 12) (figure 4), augmentant avec le niveau du SCC (RR x par 4,3 par tertile). Figure 4. Taux cumulé d’événements coronariens (décès, angor instable, infarctus ) d’aprèsTaylor et al., JACC, 2005. CAC : calcifications artérielles coronaires. - Arad et al. (2005) ont retrouvé lors d’une étude prospective chez 4 613 sujets asymptomatiques agés de 50 à 70 ans, suivis 4,3 ans, un SCC significativement plus élevé lors de la survenue d’événement cardiovasculaire. Le SCC prédit les événements cardiovasculaires indépendamment des facteurs de risques habituels, de la protéine C-réactive, est supérieur au score de Framingham pour la prédiction d’événements, et affine la catégorisation issue de ce score chez les patients à risque intermédiaire permettant de reclasser les patients en risque « faible » en cas d’absence de CAC, « haut » risque pour un SCC > 100 et maintien du risque « intermédiaire » dans les autres cas.   Pour la pratique Le SCC est un excellent marqueur de l’athérosclérose, outil sous-utilisé en pratique quotidienne, ayant un intérêt : - diagnostique : excellente valeur prédictive négative pour les scores nuls ; mais une valeur prédictive positive faible dans le cas de douleurs thoraciques atypiques ; - pronostique : en prévention primaire, chez les patients asymptomatiques à risque cardiovasculaire intermédiaire comme facteur indépendant prédictif d’événement cardiovasculaire ; en prévention secondaire, dans le postinfarctus comme facteur de gravité.

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