Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 02 fév 2010Lecture 16 min
Le traitement médicamenteux de la FA
J.-M. DAVY, F. CRANSAC, F. ROUBILLE, F. RACZKA, T. TRI CUNG, J.-L. PASQUIÉ, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier
Depuis une dizaine d’années, à la suite de J. Camm, 4 formes de fibrillation atriale (FA) sont usuellement distinguées : les formes paroxystique, persistante, permanente et la FA de premier accès. Ces 4 formes ont bien été reprises dans les recommandations de 2006. L’intérêt de cette classification est d’abandonner la notion de FA aiguë et chronique qui ne manquait pas d’ambiguïté.
Nous analyserons successivement :
• les médicaments anti-arythmiques,
• les médicaments bradycardisants,
• le contrôle du rythme : les acquis et les doutes,
• le contrôle de la fréquence : les acquis et les doutes,
Le choix actuel : un contrôle du rythme et de la fréquence ?
La place du traitement anticoagulant, et la prévention des complications thrombo-emboliques, sont évoquées ailleurs et ne seront donc pas analysées.
La classification actuelle a permis de clarifier les diverses situations courantes.
Une FA chronique correspondait tout autant à une FA permanente, qu’à une FA chronique paroxystique et récidivante : le terme était donc ambivalent ; la FA aiguë pouvait correspondre à un premier accès, mais ce n’était qu’au décours de l’évolution, permettant de confirmer le caractère sans lendemain de cet épisode, que le diagnostic pouvait être affirmé. La classification actuelle avec ses 4 « P » est donc beaucoup plus pragmatique. Mais il ne faut pas oublier que la différence entre FA persistante et FA permanente dépend uniquement de la volonté, voire de l’acharnement thérapeutique du praticien, et que la différence entre FA paroxystique et FA persistante dépend souvent de l’existence et de l’intensité du traitement médicamenteux du patient.
En effet, ces 4 formes rythment l’histoire naturelle de la FA, et l’attitude classique a longtemps été de proposer un traitement anti-arythmique devant une FA paroxystique, de réaliser une cardioversion volontiers électrique en cas de FA rebelle et persistante, et de respecter la FA et donc d’accepter la FA dans sa forme permanente au bout de 3 à 5 échecs de cardioversion. Cependant, dans les années 90, cette attitude a largement été discutée, entre un traitement médicamenteux actif sur le rythme, visant à réduire la FA et à prévenir les accès, contrôler le rythme et un traitement médicamenteux uniquement bradycardisant, cherchant à contrôler la fréquence ventriculaire, indépendamment de l’existence ou non d’accès de FA, et quelle que soit donc la forme, paroxystique ou permanente de la FA. Ces controverses ont abouti à la réalisation de cinq études, publiées entre 2000 et 2004, comparant les 2 attitudes de contrôle de la fréquence et de contrôle du rythme, chez les patients avec FA à haut risque, et les conclusions de ces études, souvent très homogènes, ont été l’architecture des recommandations actuelles AHA/ACC/ESC datant de 2006.
Les médicaments anti-arythmiques à l’étage atrial
On distingue les médicaments anti-arythmiques classiques, les médicaments anti-arythmiques en cours de développement, et les médicaments du substrat atrial(1,2).
Les anti-arythmiques classiques
La classification de Vaughan-Williams est toujours d’actualité, et en pratique on distingue :
- les anti-arythmiques de classe I : flécaïnide, propafénone, mais aussi cibenzoline, disopyramide, quinidine/hydroquinidine,
- les anti-arythmiques de classe III : sotalol et amiodarone,
- les anti-arythmiques de classe II ou de classe IV étant avant tout des médicaments bradycardisants.
Alors que les médicaments anti-arythmiques de classe I sont relativement purs, agissant essentiellement comme bloqueurs du canal sodique, les médicaments de classe III commercialisés à ce jour sont plus complexes, agissant certes sur la repolarisation, qu’ils allongent, mais aussi en comportant tous les deux d’autres effets :
- le sotalol est un médicament de classe III qui est aussi un bêtabloquant. Cependant, ce n’est plus qu’un anti-arythmique, les autres AMM (notamment HTA) ont été supprimées ;
- l’amiodarone est un médicament de classe III, mais comportant aussi des effets de classe I, II et IV ; cette efficacité multiple intervient sans doute dans son efficacité et sa bonne tolérance cardiaque.
En effet, la tolérance cardiaque reste le facteur limitant l’utilisation des anti-arythmiques :
- tous les anti-arythmiques altèrent la fonction sinusale et la conduction atrio-ventriculaire, tous les bloqueurs du canal sodique, de classe I, altèrent la conduction intra-ventriculaire et sont contre-indiqués en présence de blocs de branche complets, et tous les anti-arythmiques peuvent entraîner des effets pro-arythmiques ventriculaires, soit des tachycardies ventriculaires comme les bloqueurs du canal sodique, ou des torsades de pointe pour les anti-arythmiques de classe III comme le sotalol ou de classe I comme la quinidine.
La meilleure tolérance cardiaque est obtenue pour l’amiodarone, ce qui explique sa grande diffusion. Malheureusement, sa tolérance extra cardiaque n’est pas du tout satisfaisante, avec 30 % d’effets secondaires entraînant l’arrêt du médicament après 1 an, et surtout l’existence d’effets secondaires graves portant sur les poumons, la thyroïde, le foie, et le système nerveux central. C’est ainsi que des études comparatives(3) sur la mortalité des patients sous anti-arythmiques et des patients sous simples médicaments bradycardisants ont montré une mortalité cardio-vasculaire à 5 ans identique (9 % vs 10 %), mais une augmentation de la mortalité non cardio-vasculaire (12 % vs 8 %), portant notamment sur les pathologies pulmonaires, et dans cette étude la majorité des patients traités par anti-arythmiques était sous amiodarone.
Les anti-arythmiques en développement
De très nombreuses molécules anti-arythmiques(2) ont été étudiées, avec de multiples approches électrophysiologiques :
- soit des médicaments de classe III purs, cherchant à bénéficier des propriétés anti-fibrillatoires de la classe III, et à prévenir les risques pro-arythmique notamment de torsades de pointe, si fréquents dans cette classe, par l’inhibition sélective de certains canaux potassiques : tedisamil, azimilide, dofétilide, ibutilide
- d’autres approches ont cherché à développer des molécules bloquant de multiples canaux, à l’instar de l’amiodarone : c’est le cas de la dronédarone et de la célivarone
- une troisième approche est celle portant sur des blocages ioniques très spécifiques, comme des canaux ioniques du myocarde atrial (IKur comme le vernakalant, ou IKAch), ou des canaux ioniques apparaissant dans des conditions pathologiques comme le canal sodique lent ou ceux activés par l’étirement,
- une quatrième approche est celle explorant d’autres mécanismes électrophysiologiques que les canaux ioniques membranaires, agissant notamment sur les divers échangeurs Na/H ou Na/Ca, les connexines (rotigaptide), ou d’autres récepteurs membranaires (bloqueurs des récepteurs muscariniques M2, antagonistes des récepteurs 5-HT4 de la sérotonine).
Parmi ces approches depuis près de 30 ans, de nombreuses molécules n’ont pas franchi le stade des essais cliniques, avec notamment des médicaments de classe III, pourtant bien avancés comme le dofétilide (TIKOSYN), l’ibutilide (CORVERT) et l’azimilide (STEDICOR), ont dû être abandonnés ou limités à un usage très restreint en raison de leurs effets secondaires, surtout des torsades de pointe. Mais l’année 2009 est marquée par l’arrivée prochaine de 2 molécules nouvelles, la dronédarone (MULTAQ®), qui est un anti-arythmique multicanal (cf infra), et le vernakalant, développé initialement sous forme intraveineuse pour la cardioversion atriale, puis par voie orale.
Le vernakalant (RSD 1235, KYNAPID®) est un bloqueur des canaux potassiques rapides (IKur) spécifiques du tissu atrial. Administré par voie intraveineuse(4), un retour au rythme sinusal a été observé dans 40 à 60 % de FA rapide, récente, de moins de sept jours, en moins de 90 minutes, alors que dans le groupe placebo le pourcentage de réduction était de 3 à 4 %. La posologie est de 3 mg/kg en 10 minutes, suivi d’une perfusion de 2 mg/kg 15 minutes plus tard si la réduction n’est pas obtenue. La tolérance est satisfaisante, il n’y a pas de risque de torsade pointe, seuls des troubles digestifs, nausées et dysgueusies, ont été observés. Ce médicament pourrait prendre la place d’un autre médicament, l’ibutilide, qui n’est plus commercialisé en Europe, car il nécessitait une surveillance rigoureuse en raison des risques de torsade de pointe.
Les médicaments du substrat atrial
Cette voie a été aussi l’occasion de nombreux travaux, à la fois expérimentaux et cliniques(5).
C’est d’abord des analyses rétrospectives de plusieurs études ou registres qui ont permis de montrer l’efficacité inattendue de plusieurs agents thérapeutiques dans la prévention des troubles du rythme auriculaire :
- les bloqueurs du système rénine angiotensine, IEC, sartans, ou spironolactone, dans les études sur l’insuffisance cardiaque (-44 %), l’hypertension artérielle(-12 %), ou le post-infarctus (-27 %),
- les statines, dans les études de prévention primaire ou secondaire du risque vasculaire ou de la cardiopathie ischémique, avec des résultats discordants : par exemple -24 %, et non significatif, dans une méta-analyse portant sur 7 041 patients(6),
- et enfin vers les oméga-3, sur des populations similaires, avec des résultats là aussi discordants : par exemple positifs, de -28 % dans la Cardiovascular Health Study, sur 4 815 adultes âgés au moins de 65 ans et suivi 12 ans, mais négatifs dans les 2 études de population danoise ou hollandaise.
Cependant, analysés de façon prospective, ces médicaments n’ont pas montré une efficacité très significative. De petites études avaient pourtant été prometteuses, par exemple celles associant irbésartan et amiodarone dans la prévention des récidives de la FA. Mais les grandes études récemment publiées ou présentées oralement en 2009 (étude ACTIVE I, étude OMEGA) ont été décevantes, et il semble possible de conclure que si les médicaments du substrat atrial sont intéressants pour prévenir la survenue de la FA, leur place seule est par contre limitée, voire nulle, une fois que la FA est installée, qu’il s’agisse de prévenir les récidives, ou de faciliter la cardioversion médicamenteuse.
Bien traiter la cardiopathie sous-jacente et prévenir le risque vasculaire reste par contre un objectif thérapeutique fondamental dans la prévention de la survenue de la FA.
Les médicaments bradycardisants
Ils sont au nombre de 4, les bêtabloquants, les anticalciques, les digitaliques, et l’amiodarone.
Seuls les trois premiers méritent d’être utilisés en routine
Leur effet comme médicaments bradycardisants a été largement documenté par de nombreuses études, avec des efficacités variables selon que l’on considère la fréquence de repos, bien contrôlée par les digitaliques, et la fréquence au maximum de l’effort, pour laquelle un traitement bêtabloquant ou anticalcique est indispensable. Tous les 3 ont un temps été suspectés de bénéficier en outre d’une efficacité anti-arythmique, mais ce bénéfice est actuellement largement battu en brèche :
- bien que la FA s’accompagne d’un remodelage électrophysiologique, associé donc à une surcharge calcique, les médicaments anticalciques n’ont pas d’efficacité pour prévenir ce remodelage et encore moins d’efficacité anti-arythmique,
- bien que la stimulation adrénergique soit arythmogène, et qu’elle favorise largement la survenue d’accès de FA, l’efficacité anti-arythmique des bêtabloquants est faible, et seul le bénéfice de contrôle de la fréquence peut être retenu,
- enfin, il n’y a aucun bénéfice à proposer des digitaliques pour réduire la FA ; les études randomisés ont été tout à fait concluantes, et même sur le plan électrophysiologique, les digitaliques, qui raccourcissent les périodes des potentiels d’action et les périodes réfractaires auriculaires, auraient plutôt un effet contraire ; par contre ce traitement est souvent très bien toléré et tout à fait efficace pour ralentir la fréquence ventriculaire d’une récidive de FA.
Le cas dFe l’amiodarone
Comme tous les anti-arythmiques, l’amiodarone est un médicament bradycardisant, et son effet sur le contrôle de la fréquence ventriculaire a été bien documenté. Par contre, l’importance des effets secondaires notamment extra cardiaques ne permet pas de retenir l’amiodarone dans le groupe des médicaments bradycardisants, et sa place dans les recommandations de 2006 est très réduite, de classe IIB : simplement possible lorsque les autres médicaments sont inefficaces ou mal tolérés. Les recommandations proposent donc l’utilisation en première intention des bêtabloquants et des calcium-bloquants pour ralentir la FA, et réservent l’usage de la digoxine aux patients qui sont en insuffisance cardiaque ou présentent une dysfonction ventriculaire (classe I). L’association de digoxine et de bêtabloquants ou de calcium-bloquant est proposée en classe IIa, tandis que l’amiodarone est donc autorisée si nécessaire (classe IIb).
Contrôler le rythme : les acquis et les doutes
Les acquis : un traitement anti-arythmique pour la fibrillation paro-xystique, récidivante, symptomatique, sans cardiopathie
Les recommandations AHA/ACC/ESC sont claires : dans ce cas un traitement anti-arythmique (figure 1) doit être proposé aux patients, associé éventuellement à un traitement bradycardisant notamment bêtabloquant, selon la fréquence ventriculaire en cours d’arythmie. Les trois médicaments anti-arythmiques cités sont le flécaïnide, la propafénone, le sotalol, mais les autres anti-arythmiques la quinidine ou la cibenzoline sont possibles. En effet chez ces patients, volontiers jeunes, la qualité de vie peut-être tout à fait altérée si les symptômes sont marqués. En cas d’échec d’un médicament AA, l’ablation peut être envisagée.
Figure 1. Algorithme décisionnel en cas de FA paroxystique récidivante.
Les doutes : tous les autres cas
Ainsi, les patients pauci symptomatiques ne justifient probablement pas d’un traitement anti-arythmique. Il n’a jamais été prouvé que les médicaments anti-arythmiques actuels amélioraient le pronostic vital, thrombo-embolique, ou myocardique.
Les 2 seules précautions chez un patient asymptomatique est de vérifier la fréquence ventriculaire lors des arythmies, pour utiliser un médicament bradycardisant si la fréquence est trop rapide, et de discuter l’opportunité d’un traitement antithrombotique, selon le nombre des critères de risque présents.
Le deuxième cas est celui des patients avec cardiopathie : qu’il s’agisse d’une coronaropathie, d’une cardiopathie hypertensive avec hypertrophie ventriculaire gauche, ou d’une insuffisance cardiaque. Le choix médicamenteux se réduit beaucoup, et selon les recommandations de 2006, les traitements anti-arythmiques usuels sont contre-indiqués, en dehors de l’amiodarone qui reste le seul médicament autorisé.
Très particulier est aussi le cas de la FA de premier accès. La question posée est alors celle de la pertinence de mettre en route un traitement au long cours (figure 2), même si souvent dans un contexte de FA aiguë un traitement préventif est laissé en route pendant quelques semaines.
Figure 2. Algorithme décisionnel en cas de premier accès de FA.
Contrôler la fréquence : les acquis et les doutes
Suite à cinq études(7) publiées entre 2000 et 2004 (PIAF en 2000 ; RACE et AFFIRM en 2002 ; STAF en 2003 ; HOT CAFE en 2004), contrôler la fréquence ventriculaire apparaît maintenant comme un choix thérapeutique à part entière.
Les acquis : dans la FA à haut risque, bénéfique, facile, et bien toléré
Les études publiées, regroupant plus de 5 000 patients, ont toutes porté sur des patients à haut risque : patients âgés de 65 ou 70 ans, patients hypertendus, diabétiques, porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche, d’une hypertension artérielle, ou ayant présenté des accidents ischémiques transitoires ou des accidents vasculaires cérébraux.
Ralentir est bénéfique : ces études ont confirmé qu’il n’y avait aucune différence significative entre « ralentir » et « réduire » sur le pronostic des patients, avec des critères d’études « durs », correspondant à la mortalité globale ou cardio-vasculaire (13 % vs 14 %), ou au risque d’accidents vasculaires cérébraux (3,5 % vs 3,9 %). Il n’a jamais été possible de démontrer dans ce groupe de patients avec FA à haut risque une supériorité du traitement anti-arythmique visant à conserver le rythme sinusal(7). Et même lorsque la qualité de vie est considérée, le traitement bradycardisant est aussi bénéfique, 61 % vs 55 % dans PIAF.
Ralentir est facile : les objectifs thérapeutiques fixés dans ces études(8), (par exemple dans AFFIRM) au repos une fréquence < à 80 par minute, et à l’effort 110 par minute (au test de marche de six minutes) et 100 par minute (fréquence moyenne sur le Holter de 24 heures), ont été facilement atteints sur la durée de l’étude. Ainsi, le pourcentage s’améliorait pendant l’étude (figure 3) et à la fin 80 à 90 % des patients du groupe « ralentir » étaient à l’objectif thérapeutique (une fréquence cible de repos et/ou d’effort), alors que le pourcentage se dégradait tout au long de l’étude et en fin d’étude seuls 40 à 60 % des patients du groupe « réduire » étaient eux à l’objectif thérapeutique (un rythme sinusal).
Figure 3. « Ralentir est facile ».
Ralentir est bien toléré : les modifications thérapeutiques ont souvent été minimes, notamment lorsque le premier traitement choisi était un traitement bêtabloquant (19 %) : ce traitement était encore présent à 4 ans chez 80 % d’entre eux. Les modifications ont été plus fréquentes lorsque le traitement initial était des anticalciques (23 %) ou un traitement digitalique (34 %), dont la tolérance et/ou l’efficacité au long cours est sans doute moindre.
Au total, dans cette catégorie de patients de FA à haut risque, le choix d’une attitude simple, « ralentir pour contrôler la fréquence », doit toujours être discuté, en raison des résultats très homogènes de ces 5 études.
Les doutes
De nombreuses discussions ont cependant suivi ces travaux.
Ralentir reste empirique : il a été démontré, et c’est effectivement surprenant, que le résultat obtenu dans le groupe « ralentir » est indépendant de la cible thérapeutique. Une sous-étude portant sur 680 patients(9) a ainsi montré que le niveau de bradycardie obtenu, qu’il s’agisse de la fréquence au repos ou à l’effort, a été sans influence sur le bénéfice final, sur la mortalité, la morbi-mortalité ou les risques d’accidents vasculaires cérébraux. De même, lorsque 2 études (AFFIRM et RACE) sont comparées(10), dont les objectifs de contrôle de la fréquence étaient différents (fréquence moyenne autour de 80 par minute pour la première et 90 pour la seconde), les résultats à la fin de l’étude étaient curieusement similaires sur l’objectif principal, et la seule différence, si une exigence plus importante sur le niveau de fréquence ventriculaire était requise, était une augmentation significative du taux de stimulateur cardiaque !
Ainsi les recommandations concernant la « fréquence cible » sont très souples et encouragent simplement à obtenir « une fréquence cardiaque physiologique » !
L’autre doute concerne les patients en insuffisance cardiaque : ces patients étaient exclus des études princeps. Cependant, dans les analyses en sous-groupes, lorsqu’il existait une altération de la fonction cardiaque, un bénéfice en faveur du groupe « réduire » semblait être retrouvé. De même, dans une analyse multivariée des causes de mortalité, l’existence d’un rythme sinusal était accompagné d’un bénéfice important de près de 50 %, sur la survie(11). Paradoxalement c’est l’existence d’un traitement anti-arythmique, qui était lui associé avec augmentation de la mortalité. L’idéal aurait été ainsi le maintien d’un rythme sinusal sans les anti-arythmiques actuels !
C’est pourtant l’objectif qui est poursuivi par l’ablation de la FA, et sur des études encore préliminaires(12) portant sur les patients en insuffisance cardiaque, cette approche thérapeutique non médicamenteuse s’est révélée très prometteuse, avec un bénéfice important sur la fonction ventriculaire, qui pouvait être augmenté de 35 à 55 % par exemple. Cependant, l’ablation par radiofréquence est particulièrement difficile dans ce groupe de patients, et ne peut certainement pas être actuellement considérée comme une approche généralisable à de nombreux patients.
Le cas particulier des patients en insuffisance cardiaque a donc été l’occasion d’une étude spécifique comparant « contrôle du rythme » et « contrôle de la fréquence », AF CHF publiée en 2008(13). Cette étude a là encore été totalement négative, et aucun bénéfice du traitement anti-arythmique n’a été démontré par rapport au simple traitement bradycardisant. Aussi en dehors de cas particuliers, il faut garder une attitude pragmatique, et reconnaître que le traitement anti-arythmique actuel (à la différence du maintien du rythme sinusal) n’a pas pu être associé avec un bénéfice sur la morbi-mortalité.
Contrôler le rythme et la fréquence ?
La question actuelle
Une nouvelle approche du traitement médicamenteux, prometteuse, a été apportée par les études portant sur la dronédarone, déjà disponible aux USA et au Canada et qui doit être disponible en France dans les prochains mois.
Il bloque de multiples canaux sodiques, potassiques et calciques myocardiques. À la différence de l'amiodarone, il ne comporte pas d’iode et il a une demi-vie plus courte.
Sa tolérance cardiaque et extra-cardiaque a été satisfaisante dans les études préliminaires : faible effet pro-arythmique, pas d’atteinte thyroïdienne, rénale ou hépatique.
Dans les essais, les effets indésirables fréquents ont été un allongement du QTc (Bazett), une augmentation de la créatinémie, une bradycardie et des troubles gastro-intestinaux. L'augmentation de la créatinémie est en rapport avec une inhibition partielle de la sécrétion de la créatinine au niveau tubulaire, sans effet sur la filtration glomérulaire.
Au niveau des bénéfices cliniques, les études de phase 3 ont permis de démontrer une action sur le contrôle du rythme et de la fréquence, mais aussi une réduction du risque d’hospitalisation d’origine cardiovasculaire ou de mortalité toutes causes chez les patients atteints de fibrillation atriale/flutter atrial :
• sur 1 237 patients avec FA paroxystique ou persistante, l’étude EURIDIS/ADONIS(14) a montré un bénéfice par rapport au placebo :
– réduction de 25 % du taux de récidives (75 % sous placebo et 64 % sous dronédarone, p < 0,001),
– réduction de 29 % du taux de récidives symptomatiques (46 % sous placebo et seulement 38 % sous dronédarone), (p < 0,001),
• une étude portant sur 165 patients (étude ERATO)(15) a rapporté un intérêt dans la FA permanente, permettant d'obtenir un ralentissement de la fréquence ventriculaire de 12 à 24 battements par rapport au placebo au repos ou à l'effort, respectivement, (p < 0,0001).
• L’étude DIONYSOS non encore publiée s’est attaché à comparer l’efficacité et la tolérance de la dronédarone et de l’amiodarone. Le taux de récidive de FA était significativement plus bas dans le groupe amiodarone (24,3 %) que dans le groupe dronédarone (36,5 %), mais les patients sous amiodarone ont tendance à interrompre leur traitement plus souvent que ceux traités par dronédarone en raison d’un manque d’efficacité ou d’effets indésirables.
• Dans un deuxième temps, une grande étude de morbi-mortalité a été proposée, ATHENA, regroupant 4 628 patients en FA et à haut risque vasculaire(16) celle-ci a montré un bénéfice par rapport au placebo en complément des traitements standards sur le critère hospitalisation cardiovasculaire et décès toutes causes : -24 %, (p < 0,001) (critère principal), les hospitalisations cardio-vasculaires (-26 %, p < 0,001), la mortalité cardio-vasculaire (-29 % p = 0,03), après un suivi moyen de 21 mois.
Certes, une efficacité sur la FA elle-même a été retrouvée, avec une diminution des hospitalisations pour FA (-37 %, p < 0,001), mais elle n'était pas systématiquement recherchée (pas d'étude sur la charge en FA par exemple).
L'efficacité inédite sur la morbi-mortalité de ces patients à haut risque par l'utilisation d'un médicament anti-arythmique repose sans doute sur le triple apport d'un médicament permettant de prévenir la FA, de ralentir la fréquence ventriculaire d'une FA installée, et possédant un bon profil de tolérance cardiaque et extra-cardiaque. En effet, le profil métabolique du médicament paraît favorable, sur le risque angineux et peut-être sur la tension artérielle, avec diminution des syndromes coronariens aigus (-30 % p = 0,03) et des morts subites (-45 %), éventuellement en rapport avec les propriétés bêtabloquantes et anticalciques de la molécule. Il faut donc espérer que ces aspects très positifs soient confirmés dans la vie réelle, lors de l'utilisation au long cours, et à large échelle du médicament.
Il faut noter que suite aux résultats de l’étude ANDROMEDA(17) (réalisée chez des patients en insuffisance cardiaque de stades 3 et 4 récemment décompensée avec fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %), la dronédarone est contre-indiquée chez les patients présentant des conditions hémodynamiques instables incluant les patients avec des symptômes d’insuffisance cardiaque au repos ou lors d’un effort minime (classe IV NYHA et de classe III NYHA instables).
En pratique
Le traitement médicamenteux s’est incontestablement affiné ces dernières années, à l’occasion d’études à première vue négatives et pourtant riches d’enseignement.
Les dernières études parues, faisant pour la première fois apparaître un bénéfice sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients traités, vont sans aucun doute changer notre approche du traitement médicamenteux de la FA « maladie ».
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