Cardiomyopathies
Publié le 07 nov 2006Lecture 5 min
Le traitement médicamenteux des CMD : est-il standardisé ?
Y. JUILLIÈRE, CHU Nancy-Brabois, Vandoeuvre-les-Nancy
Le traitement de la cardiomyopathie dilatée (CMD) emprunte beaucoup à la stratégie médicamenteuse établie dans l’insuffisance cardiaque (IC) par les recommandations internationales. En effet, la CMD est responsable d’une dysfonction ventriculaire gauche (VG) systolique, symptomatique ou non, pour laquelle l’efficacité de certaines classes thérapeutiques n’est plus à démontrer. Il va de soi qu’en fonction de l’étiologie, un traitement spécifique peut être considéré. La discussion de la standardisation du traitement concerne surtout la CMD ischémique, entité où l’altération de la contractilité est telle qu’elle ne peut s’expliquer par l’étendue de la maladie coronaire ou l’atteinte ischémique myocardique mais où il existe tout de même une participation ischémique. En effet, dans ce cas de figure, certaines thérapeutiques ayant fait leurs preuves uniquement dans la dysfonction VG postinfarctus peuvent se discuter.
La base standardisée du traitement
Consignes hygiéno-diététiques
Le traitement doit débuter par les consignes hygiéno-diététiques habituelles. Le régime hyposodé (plutôt que sans sel strict, souvent délétère chez les sujets âgés) et une restriction hydrique dont l’importance est fonction de l’état clinique, sont impératifs. L’obtention d’une abstinence totale en alcool ne peut être que favorable, même en l’absence d’une consommation excessive avérée, en raison de l’action négative de l’alcool sur la fonction cardiaque. Il convient d’y associer la prise en charge d’éventuels facteurs déclenchants d’une IC clinique, et la mise en route d’une rééducation progressive à l’effort.
IEC
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont devenus la pierre angulaire du traitement de toute dysfonction VG quels que soient les symptômes. Les grands essais ayant conduit à étayer l’efficacité des IEC dans l’IC en démontrant l’importante réduction de la morbi-mortalité ont globalement inclus 50 % de patients avec CMD. Les IEC s’imposent donc à toute CMD symptomatique ou non, dès le diagnostic posé. Ils doivent être prescrits à la forte posologie ayant démontré leur efficacité dans les essais cliniques ou à la posologie maximale tolérée par le patient.
Bêtabloquants
Le bêtabloquant est, lui aussi, devenu incontournable chez le patient avec dysfonction VG systolique symptomatique. Depuis la démonstration d’une réduction de morbi-mortalité très importante avec certains bêtabloquants (carvédilol, bisoprolol, métoprolol ou nébivolol), la prescription d’un bêtabloquant est nécessaire dès lors que les patients sont symptomatiques. Tout comme pour les IEC, la posologie optimale doit être recherchée. Leur intérêt dans la CMD asymptomatique n’a pas été démontré. L’intérêt des bêtabloquants dans la dysfonction VG asymptomatique n’a été montré qu’en postinfarctus. Ils ne sont donc pas recommandés dans la CMD asymptomatique, même si beaucoup pensent que le bénéfice que l’on pourrait en attendre peut être important.
Diurétiques
Un diurétique est nécessaire dès que des symptômes d’inflation hydrique existent. Tous peuvent être utilisés mais, souvent, les diurétiques de l’anse présentent une efficacité plus marquée et plus rapide. En cas d’inefficacité de ces derniers, une association avec un thiazidique est possible, les deux produits ayant une action synergique. Leur efficacité au long cours chez des patients devenus asymptomatiques étant inconnue, il convient souvent d’essayer de réduire la posologie à la dose minimale nécessaire à l’équilibre hémodynamique.
Le manque de standardisation pour les autres bloqueurs du SRAA
Les ARAII
La preuve de l’efficacité des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII) est maintenant faite, du moins pour le candésartan. Le programme CHARM (Candesartan in Heart failure : Assessment of Reduction in Mortality and morbidity) a démontré la réduction de morbi-mortalité que l’on pouvait obtenir avec le candésartan chez les patients intolérants aux IEC ou en association avec un IEC. On doit donc envisager ce produit en cas d’intolérance aux IEC et l’on peut envisager son association à l’IEC si des symptômes persistent.
En ce qui concerne les autres ARAII, les résultats sont moins en faveur de leur prescription dans la CMD. Le losartan n’a rien démontré face au captopril dans l’étude ELITE II (Evaluation of Losartan In The Elderly study). Le valsartan en association à un IEC dans l’étude Val-HeFT (Valsartan Heart Failure Trial) n’apporte pas de réduction supplémentaire de mortalité mais un bénéfice modéré en termes de morbidité, lié surtout à une réduction du nombre d’hospitalisations pour IC. Toutefois, la triple association IEC + bêtabloquant + valsartan apparaît délétère avec un excès de mortalité sans explication très claire. En cas d’intolérance aux IEC, le valsartan semble avoir un rôle semblable au captopril mais cela n’a été montré que dans le postinfarctus. De ce fait, seul le candésartan tire pour l’instant son épingle du jeu dans la CMD.
Les antialdostérones
Les antialdostérones ont une place à part. Depuis l’étude RALES (Randomized ALdactone Evaluation Study), il apparaît que la spironolactone réduit la morbi-mortalité chez les patients ayant des symptômes d’IC sévère. Leur adjonction pourrait donc s’avérer bénéfique dans la CMD très symptomatique malgré un traitement standard, avec de plus un effet positif sur la réduction du risque de mort subite. Une nouvelle thérapeutique est maintenant commercialisée, l’éplérénone. Mais son efficacité n’a été démontrée que dans la dysfonction VG postinfarctus symptomatique ou non. La similitude des deux produits pourrait conduire dans le futur proche à l’utilisation de l’un ou de l’autre sans distinction. Toutefois, chez les patients demeurant en classe II sous traitement standard, l’absence totale de preuves dans la CMD non ischémique doit faire préférer le candésartan à la prescription d’un antisaldostérone.
Le problème de la digoxine
La digoxine, seul médicament tonicardiaque n’occasionnant pas de surmortalité, réduit la morbidité avec un effet net sur le risque d’hospitalisation. L'efficacité retrouvée dans l’étude DIG (Digitalis Investigation Group) concerne d’ailleurs les CMD et non pas les cardiopathies ischémiques. La posologie prescrite doit être modérée car l’effet favorable sur l’amélioration de la fraction d’éjection VG n'existe qu’aux faibles concentrations sériques. Il existerait néanmoins un effet défavorable chez la femme sans que l’explication physiopathologique en soit bien établie. Dans tous les cas, lorsque la digoxine est prescrite au long cours, l’arrêt du traitement entraîne un effet défavorable avec excès de mortalité et d’hospitalisations pour IC. Au final, ce médicament, pendant un temps décrié sauf en cas de fibrillation atriale, garde probablement un intérêt, même en cas de rythme sinusal, comme le suggèrent les recommandations européennes.
Le faible intérêt pour les autres médicaments
Les dérivés nitrés peuvent être efficaces lors de poussée d’IC. Les inhibiteurs calciques de seconde génération n’ont pas l’effet délétère sur la fonction cardiaque de leurs prédécesseurs, mais n’apportent pas de bénéfice supplémentaire. Les antiarythmiques de classe I sont contre-indiqués. Si une indication antiarythmique persiste en dehors d’une défaillance hémodynamique, l’amiodarone est le traitement de choix en sachant qu’elle ne prévient pas la survenue de la mort subite. Les antithrombotiques n’ont pas prouvé leur intérêt, y compris dans les grosses dilatations VG. Seuls les patients en fibrillation atriale représentent des indications formelles pour l’anticoagulation.
En pratique
Le traitement médical de la CMD est finalement standardisé en grande partie puisqu’il se base fortement sur les recommandations internationales retenues pour l’IC à fonction systolique altérée.
Comparativement aux patients atteints de cardiopathies ischémiques, seuls les patients asymptomatiques se différencient avec des points d’interrogation qui persistent concernant l’ensemble des classes à l’exception des IEC.
Un traitement étiologique approprié peut être important avec notamment l’exemple de l’absorption d’alcool qu’il est préférable de stopper même si l’intoxication paraît modérée.
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