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HTA

Publié le 01 avr 2008Lecture 7 min

L'élévation tensionnelle aiguë : savoir recontrôler la PA

O. HANON, hôpital Broca, Paris

Face à une élévation tensionnelle aiguë définie par une PAS ≥ 180 mmHg et/ou une PAD ≥ 110 mmHg, la principale question à se poser est celle de l’existence d’une souffrance viscérale associée, permettant de bien différencier deux situations (AFSSAPS 2002)(1) :
• la « poussée hypertensive simple », fréquente, sans souffrance viscérale, ne mettant pas en jeu le pronostic vital à court terme ;
• l’« urgence hypertensive », rare, avec souffrance viscérale (cardiaque, cérébrale, vasculaire, oculaire ou rénale) mettant en jeu le pronostic vital à très court terme.

Chez le patient asymptomatique : sans souffrance viscérale, il n’y a pas d’urgence   Poussée hypertensive simple : aucun signe d’urgence Cette situation est de loin la plus fréquente. Il s’agit d’une élévation aiguë de la pression artérielle qui ne menace pas le pronostic vital. La plupart du temps, elle est parfaitement asymptomatique. La présence de céphalées, d’une épistaxis, de sensations vertigineuses, de bourdonnements d’oreilles, n’est pas un signe de gravité et n’est pas associée à une évolution plus défavorable(2). Ces symptômes ne justifient donc pas un traitement en urgence de l’hypertension artérielle. L’essentiel est de s’assurer de l’absence de signes de gravité qui définissent l’urgence hypertensive (œdème aigu du poumon, douleur thoracique, accident vasculaire cérébral, dissection aortique, éclampsie, encéphalopathie, hypertension maligne). Dans ce cadre, les recommandations de l’AFSSAPS(1) indiquent clairement qu’« un traitement hypotenseur injectable ou un traitement hypotenseur d’action rapide administré par voie orale n’est pas justifié dans la prise en charge de l’élévation tensionnelle sans souffrance viscérale immédiate ». En effet, il a été démontré qu’en cas de poussée hypertensive sans souffrance viscérale : - le repos simple conduit à une baisse tensionnelle, - une baisse rapide de la pression artérielle initiale n’améliore pas le contrôle tensionnel et la morbi-mortalité à long terme, - en revanche, une chute trop brutale de la pression artérielle peut se compliquer d’une atteinte neurologique grave. Dans un travail mené chez des patients avec une poussée tensionnelle aiguë (PAD > 120 mmHg) sans atteinte viscérale, le traitement par placebo a permis une baisse suffisante de la PAD au bout de 2 heures, pour ramener la pression artérielle à un niveau modéré(3). Dans une autre étude, menées chez des sujets asymptomatiques avec une PAD entre 116 et 139 mmHg, l’utilisation en urgence d’antihypertenseurs a été comparée au placebo(4) ; dans un second temps, le traitement antihypertenseur a été donné à la sortie de l’hôpital à tous les patients. Au 7e jour, les niveaux de PAD étaient similaires dans les deux groupes (traitement antihypertenseur en urgence vs traitement antihypertenseur à la sortie), soulignant l’inutilité du traitement en urgence chez ces patients. En revanche, certains travaux ont décrit la survenue de déficits neurologiques lors de l’administration aiguë de nifédipine (voie sublinguale ou orale), en raison d’une hypotension trop brutale et non contrôlable(5). Dans le même sens, la prescription en urgence d’antihypertenseurs d’action rapide risque d’être à l’origine d’effets indésirables (céphalées, flush, tachycardie, sédation, etc.) qui transforment alors un patient asymptomatique en patient symptomatique. L’intérêt des anxiolytiques (benzodiazépines) par voie orale en cas de poussée tensionnelle aiguë est mal évalué. Cette stratégie peut être proposée dans les situations où il existe une importante anxiété. En cas d’épistaxis, le traitement est basé sur la mise en place d’une compression locale de la région à l’origine du saignement. Les effets favorables d’une baisse tensionnelle rapide sur la guérison de l’hémorragie n’ont pas été démontrés.   Dédramatiser et recontrôler Dans l’immédiat, en l’absence d’urgence, il n’est pas utile de donner un traitement antihypertenseur. Il faut surtout dédramatiser la situation qui est souvent en partie liée à une réaction d’alarme sous l’effet de facteurs tels que l’émotion. Le patient est mis au repos si possible quelques heures. Les chiffres tensionnels doivent être recontrôlés avec un appareil validé (idéalement un appareil électronique) muni d’un brassard adapté. Au terme de cette surveillance, si les valeurs de la pression artérielle restent élevées (quelques heures après), les recommandations usuelles pour la prise en charge de l’hypertension artérielle s’appliquent (HAS 2005)(6).   Chercher un facteur déséquilibrant Il convient de rechercher une cause au déséquilibre tensionnel : syndrome douloureux quelle qu’en soit la cause (avec une mention pour le globe vésical chez le patient âgé), fièvre, médicaments (AINS, corticoïdes, vasoconstricteurs nasaux, cocaïne, LSD, amphétamines, certains antidépresseurs…), prise d’alcool, exposition au froid, réponse au stress ou à l’émotion (un état d’anxiété aiguë est d’observation courante). Enfin, chez l’hypertendu connu, une rupture de traitement datant de quelques heures, jours ou semaines est à rechercher systématiquement. Facteurs favorisant la poussée hypertensive • Rupture du traitement (heures, jours, semaines) • Syndrome douloureux : rétention aiguë urine, … • Médicaments : AINS, corticoïdes, vasoconstricteurs nasaux, cocaïne, LSD, amphétamines… • Attaque de panique, stress • Fièvre • Alcool   Réévaluer le patient dans les 15 jours La décision de mise en route d’un traitement antihypertenseur ne doit pas se poser en urgence dans le cadre d’une poussée hypertensive sans atteinte viscérale. Le risque de surestimation du vrai niveau tensionnel du patient étant important. En revanche, il convient d’entreprendre une surveillance rapprochée de la pression artérielle afin de confirmer le diagnostic d’hypertension artérielle permanente. Le patient est ainsi revu dans un délai d’une quinzaine de jours, voire plus tôt selon le contexte et l’importance des chiffres tensionnels(6). Cette période est mise à profit pour faire le bilan classique d’hypertension artérielle à la recherche d’éléments en faveur d’une étiologie ou d’un retentissement sur les organes cibles : - ionogramme sanguin, créatinine, débit de filtration glomérulaire, - bandelette urinaire, - ECG, - glycémie, bilan lipidique complet. Les autres examens de retentissement ne seront demandés qu’en fonction du contexte clinique : radiographie de thorax, échocardiographie, écho-Doppler artériel. L’idéal est de pouvoir disposer d’une mesure ambulatoire (MAPA ou automesure) qui permettra de confirmer le caractère permanent de l’hypertension artérielle. Si des valeurs tensionnelles élevées se confirment, il s’agit d’une hypertension permanente qui va nécessiter un traitement adapté. L’évaluation du risque vasculaire du patient est ainsi effectuée, prenant en compte les facteurs de risque cardiovasculaire, l’atteinte des organes cibles et les maladies cardiovasculaires et rénales associées. Si les chiffres de PA restent ≥ 180 mmHg (PAS) et/ou 110 mmHg (PAD), le niveau de risque est élevé(6).   Quand des valeurs élevées de PA se confirment   Sujet hypertendu non connu Pour une personne vierge de tout traitement, il est habituel de commencer par une monothérapie pour une durée de 4 semaines puis de passer à une bithérapie si l’objectif tensionnel n’est pas atteint. Toutefois, la bithérapie peut être instaurée plus rapidement si les chiffres tensionnels restent ≥ 180/110 mmHg (HAS 2005(6)). Sujet hypertendu connu Il s’agit de la situation la plus fréquemment rencontrée. Si le patient est déjà traité pour son hypertension ; il convient de rechercher : - une mauvaise observance ou un arrêt du traitement, - une mauvaise adaptation du traitement antihypertenseur, - une hypertension secondaire. Le traitement antihypertenseur doit être majoré en utilisant des associations adaptées (synergiques/additives) selon la stratégie d’association proposée par la HAS(6) (figure 1) : - si le patient est déjà sous une monothérapie, on passe à une bithérapie ; - si le patient est déjà sous bithérapie, il faut vérifier que celle-ci est pertinente. Si c’est le cas, on envisage une trithérapie qui comprend un diurétique thiazidique. Figure 1. Association des classes thérapeutiques favorisant la baisse tensionnelle : traits pleins = effet additif sur la baisse tensionnelle. Figure 2. Prise en charge de l’élévation tensionnelle aiguë. Rechercher une HTA secondaire La probabilité de trouver une cause secondaire d’hypertension artérielle est plus élevée en cas de poussée hypertensive aiguë et doit faire entreprendre la recherche d’une étiologie rénovasculaire (sténose des artères rénales) ou surrénalienne (phéochromocytome, hyperaldostéronisme primaire) en particulier : - chez le patient jeune, - devant une HTA sévère d’emblée ( ≥ 180/110 mmHg) ou s’aggravant rapidement, - en cas d’HTA résistant à une trithérapie.   Urgences hypertensives vraies : rares mais graves Elles sont constituées d’un ensemble de situations associant élévation tensionnelle et souffrance viscérale immédiate mettant en jeu le pronostic vital : - œdème aigu du poumon, - ischémie myocardique, - accident vasculaire cérébral, - dissection aortique, - éclampsie, - encéphalopathie hypertensive, - HTA maligne (très rare de nos jours, elle se caractérise par une PAD > 130 mmHg dans le cadre d’une altération de l’état général avec amaigrissement, soif intense, pollakiurie, insuffisance rénale mixte liée à une néphro-angiosclérose et une déshydratation. Il existe au FO une rétinopathie hypertensive stade III ou IV. Anémie hémolytique et thrombopénie sont possibles). L’hospitalisation est nécessaire pour surveillance continue et prise en charge intensive. L’objectif tensionnel recommandé est une réduction de 25 % de la pression artérielle en quelques minutes à 2 heures, puis une réduction graduelle vers 160/100 mmHg en 2 à 6 heures (AFSSAPS 1). Le traitement se fait sous surveillance intensive par voie intraveineuse. L’utilisation de la nifédipine par voie sublinguale ou orale ne doit plus se faire (l’AMM poussée hypertensive a été retirée pour ce médicament en 1996) en raison du risque d’ischémie cérébrale ou rénale liée à la baisse trop importante et non contrôlable de la PA.   Conclusion L’élévation tensionnelle aiguë se définit par une PAS ≥ 180 mmHg et/ou une PAD ≥ 110 mmHg. La plupart du temps, elle est asymptomatique ou pauci symptomatique et ne nécessite aucun traitement en urgence. Dans cette situation, les recommandations de l’HAS 2005 indiquent : « Pour une PA mesurée ≥ 180/110 mmHg, il est recommandé de recontrôler la PA dans les 15 jours » avant de débuter (ou majorer) le traitement antihypertenseur si l’hypertension permanente est confirmée. Il n’y a urgence qu’en cas d’atteinte viscérale mettant en jeu le pronostic vital.

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