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Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 juin 2005Lecture 5 min

Les antiagrégants dans l'angioplastie coronaire

N. AMABILE et F. PAGANELLI, CHU Nord, Marseille

Le traitement antiagrégant plaquettaire est un traitement complémentaire important, capable de réduire les complications ischémiques survenant chez les patients ayant bénéficié d’une angioplastie coronaire transluminale percutanée (ACTP). En effet, en plus du prétraitement, l’association clopidogrel-aspirine permet une réduction des événements ischémiques majeurs pendant une durée moyenne de traitement de 9 mois.
Cet effet a été observé soit lors d’un traitement médical seul (CURE), soit lors de l’association avec la pratique d’une ACTP avec ou sans mise en place d’une endoprothèse coronaire (PCI-CURE). Suite à ces observations, de nouvelles recommandations concernant les antiagrégants plaquettaires et leur association ont été publiées par la Société européenne de cardiologie dans l’European Heart Journal de mars 2005.
Celles-ci précisent l’utilisation et la durée de prescription de ces agents après une procédure d’ACTP.

Traitement initial   L’aspirine a été maintenue dans toutes les indications : angor stable, syndrome coronaire aigu (SCA) avec ou sans sus-décalage du segment ST. En cas d’ACTP, une dose de charge d’environ 500 mg per os (< 3 h) ou 300 mg par voie intraveineuse directe doit être utilisée. Il n’est pas nécessaire d’utiliser des dosages > 100 mg en cas de traitement chronique. Le clopidogrel peut se substituer à la ticlopidine en raison la médiocre tolérance de cette molécule (troubles digestifs, réactions allergiques, neutropénie, thrombopénie). Par conséquent, le clopidogrel remplace la ticlopidine car il est mieux toléré et possède une efficacité comparable. La très grande majorité des patients éligibles pour l’ACTP étant susceptibles de présenter une sténose accessible à la mise en place d’une endoprothèse, un prétraitement est recommandé : - 300 mg (administrés au mieux la veille) si l’ACTP se déroule après la 6e heure (CREDO) ; - sinon, une dose de charge de 600 mg (8 comprimés) peut être administrée au moins 2 h avant la procédure (ARMYDA-2, Circulation 2005). Dans le cadre de l’angor stable, après ACTP, la durée du maintien de l’association antiagrégante dépend de la méthode et du choix de l’endoprothèse utilisée : - 1 mois en cas de stent acier, - 12 mois en cas de brachythérapie, - 6 à 12 mois lors de la mise en place d’une endoprothèse « active ». Concernant les SCA ST+ (STE-ACS), au regard des deux dernières études présentées (CLARITY et COMMIT), les auteurs recommandent une dose de charge de clopidogrel (extrapolée à 600 mg) avec une durée de prescription du clopidogrel similaire à celle utilisée lors du SCA sans sus-décalage (NSTE-ACS), c'est-à-dire 12 mois. Il s’agit d’une extrapolation des résultats des études CURE (Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent ischemic Events) et PCI-CURE (Percutaneous Coronary Intervention-Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent ischemic Events), qui peut être raisonnablement envisagée sans risque supplémentaire pour le patient. Après un SCA sans sus-décalage de ST traité par ACTP ou médicalement, les recommandations n’ont pas changé ; il faut poursuivre l’association clopidogrel-aspirine pendant 12 mois. Le problème de la variabilité de réponse à l’aspirine, et plus encore de celle au clopidogrel, n’a été évoqué que dans 2 lignes sur 44 pages, sans aucune référence suffisamment établie. L’ensemble de ces recommandations est résumé dans le tableau. Que faire après la bithérapie antiagrégante des 12 premiers mois ? Malgré des mises à jour régulières tous les 5 ans, le problème du traitement antiagrégant au long cours reste un casse-tête pour le praticien. Après les 12 premiers mois, se pose la question du choix du traitement antiagrégant : aspirine ou clopidogrel au long cours ? En cas d’ACTP avec stent acier implanté dans le postinfarctus du myocarde, l’aspirine restait le pivot de l’ordonnance. En effet, dans la métaanalyse de l’Antiplatelet Trialists’Collaboration (145 essais randomisés ont testé l’efficacité des AAP vs placebo après IDM sur 96 316 patients [BMJ 2002]), l’aspirine était prescrite dans la plupart des cas (suivi moyen de 27 mois) et permettrait une réduction relative de 25 % (p < 0,00001) de la survenue des décès CV, IDM non fatals et des AVC non fatals. Le problème de la substitution de l’aspirine par le clopidogrel peut se poser depuis la publication de CAPRIE (Clopidogrel vs Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events). En effet, cette étude a montré que le clopidogrel offre un bénéfice supérieur à l’aspirine chez les patients souffrant d’athérothrombose et confirme l’importance de la voie de l’ADP comparativement à celle du thromboxane dans cette pathologie (figure 1). Figure 1. Intérêt du clopidogrel in vivo (Étude CAPRIE). La Société française de cardiologie en 2001, sur la base de l’AMM du clopidogrel en 2001, recommande son utilisation en première intention; toutefois, les recommandations préconisent son emploi en substitution de l’aspirine en présence d’une contre-indication de l’aspirine (intolérance ou complications). On peut se demander pourquoi. S’appuyant sur une analyse de sous-groupes, il apparaît une équivalence dans le sous-groupe de patients inclus pour antécédent d’infarctus (figure 2). Or, il s’agit d’une analyse en sous-groupe qui ne peut se substituer à l’objectif principal de l’étude. Comme les auteurs le soulignent dans la publication, « les séparations entre sous-groupes n’étaient pas nécessaires puisque la maladie sous-jacente est l’athérothrombose ». De plus, la métaanalyse parue dans le BMJ est en faveur du clopidogrel (figure 3). Figure 2. Réduction du risque relatif et IC 95 % par sous-groupes de pathologies.   Figure 3. Efficacité de différents agents antiagrégants plaquettaires oraux comparativement à l’aspirine. Il faut bien comprendre que la prescription d’un antiagrégant plaquettaire de type aspirine sera à vie. Elle peut entraîner des troubles dyspeptiques, des lésions de la muqueuse gastroduodénale non détectables, voire des hémorragies ulcéreuses chez 15 à 30 % des patients. Ainsi, l’utilisation d’aspirine, même à faible dose, peut s’accompagner d’un taux d’hémorragies, notamment digestives, non négligeable. Certains ont proposé un test à l’urée afin d’effectuer une éradication systématique de l’Helicobacter pylori avant la prescription d’aspirine au long cours, ce qui complique singulièrement la question. D’autres proposent que l’aspirine soit associée à la prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons, dans certaines populations à risque (> 70 ans) (Lai KC et al. NEJM 2002), ce qui allonge l’ordonnance de base, déjà bien difficile à faire respecter. Ainsi, la prescription d’aspirine au long cours n’est pas dénuée de risque et son efficacité est moindre que celle du clopidogrel dans certains sous-groupes de patients. Les analyses de Bhatt ont permis d’identifier plusieurs sous-groupes de patients chez lesquels le bénéfice clinique du clopidogrel est amplifié : les diabétiques, les patients présentant une dyslipidémie, les patients ayant des antécédents de pontages aortocoronaires et les patients à haut risque vasculaire (IDM et/ou accident vasculaire cérébral ischémique) (figures 4, 5, 6 et 7). Figure 4. Bénéfice du clopidogrel amplifié chez les patients à risque vasculaire élevé.   Figure 5. Bénéfice du clopidogrel amplifié chez les patients présentant une dysplipidémie.   Figure 6. Bénéfice du clopidogrel amplifié chez les patients ayant des antécédents de PAC.   Figure 7. Bénéfice du clopidogrel amplifié chez les patients diabétiques. En pratique Il existe de nombreux arguments cliniques en faveur de la poursuite du clopidogrel au long cours après un accident cardio-vasculaire d’origine ischémique ou une revascularisation : - meilleure tolérance et moins d’hémorragies (étude CAPRIE) ; - meilleure efficacité, particulièrement dans certains sous-groupes à risque (métaanalyse de Bahtt). Aucune recommandation n’a été établie concernant l’utilisation de tel ou tel type d’antiagrégant plaquettaire au long cours. La prescription est laissée au bon sens clinique en fonction du risque encouru par le patient, des connaissances de chacun et des résultats des études cliniques.

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