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Explorations-Imagerie

Publié le 19 fév 2008Lecture 11 min

Doppler tissulaire - Les bases théoriques

G. DERUMEAUX(1) et G. HABIB(2) (1)Hôpital Louis Pradel, Bron (2)CHU La Timone, Marseille

Le mode Doppler tissulaire myocardique proposé sur la plupart des appareils d’échographie est donc accessible pour la pratique quotidienne. Cardiologie Pratique publiera cette année une mise au point largement illustrée sur cette technique. Ce premier chapitre fait état des bases théoriques de ce mode d’exploration.

    Introduction L’effet Doppler identifié en 1842 par Christian Doppler, a permis le développement de l’hémodynamique non invasive par la quantification des vitesses des flux sanguins intracardiaques et vasculaires. En 1989, Karl Isaaz a été le précurseur du Doppler tissulaire myocardique en appliquant à l’analyse de la cinétique myocardique le Doppler spectral pulsé conventionnel. McDicken, puis Sutherland, ont introduit en 1992 le codage couleur des vélocités myocardiques puis le concept de gradient de vélocité myocardique en mode TM couleur. Actuellement, le mode Doppler tissulaire myocardique est implémenté sur la plupart des plates-formes échographiques, notamment grâce à la modification des filtres passe-haut et l’ajustement de l’échelle des vélocités. Des améliorations technologiques plus récentes ont permis des acquisitions rapides d’une cartographie des vélocités en mode bidimensionnel avec des logiciels permettant le calcul de paramètres de déformation myocardique à partir des profils de vélocité myocardique. Le futur de l’analyse de la fonction myocardique régionale repose sur des indices de déformation s’affranchissant des limites inhérentes au mode Doppler grâce à la quantification du déplacement des échos (speckles) intramyocardiques et permettant ainsi la quantification simultanée des composantes longitudinale et radiale de la contraction myocardique segmentaire.   Bases théoriques   Principe du Doppler tissulaire myocardique La détection ultrasonore des flux sanguins et la quantification de leur vitesse repose sur la vélocimétrie Doppler. Cette quantification des vitesses de déplacement des globules rouges est possible en estimant le délai temporel ou le décalage de phase entre les signaux de radiofréquence (RF) réfléchis après l’émission de deux ou plusieurs impulsions ultrasonores. Le principe du Doppler conventionnel (utilisé dans l’étude des flux sanguins) est applicable à l’exploration ultrasonore de la cinétique myocardique. Cependant, il existe une différence des propriétés physiques et acoustiques des flux sanguins et du tissu myocardique : - les vitesses de déplacement des parois myocardiques sont plus basses (< 30 cm/s) que celles des flux sanguins intracardiaques (20-150 cm/s) ; - la réflectivité acoustique des interfaces myocardiques est supérieure à celle des interfaces sanguins, d’où un signal ultrasonore réfléchi au niveau des parois cardiaques de plus grande amplitude et de plus grande puissance (+40 dB environ) que celui en provenance du sang. Cette différence des propriétés physiques et acoustiques a donc été mise à profit pour individualiser spécifiquement les signaux ultrasonores tissulaires et exclure l’information dérivée des flux sanguins : – par la suppression des filtres passe-haut des acquisitions Doppler traditionnelles, –  et par une autocorrélation du signal Doppler aux amplitudes les plus élevées (figure 1). Figure 1. Vélocimétrie Doppler conventionnelle et tissulaire myocardique : les caractéristiques physiques distinctes des tissus myocardiques et du sang en terme de vitesse de déplacement et de réflectivité ultrasonore sont mises à profit pour filtrer le signal d’intérêt. Le sang circule à des vitesses relativement élevées dans les cavités cardiaques (20-100 cm/s) contrastant avec un déplacement myocardique plus lent (1-20 cm/s). De plus les variations d’impédance acoustique des interfaces myocardiques sont plus importantes avec un signal de radiofréquence réfléchi de plus haute énergie que celui obtenu à partir du sang. Ainsi en appliquant un filtre passe-haut en intensité, on diminue considérablement le signal Doppler en provenance des parois et des tissus cardiaques. Par contre, en éliminant ce filtre et en diminuant le gain, on privilégie le signal myocardique. Cinétique myocardique régionale La fonction myocardique régionale est caractérisée par un épaississement et un amincissement de la paroi myocardique au cours du cycle cardiaque. Elle résulte d’une part de l’organisation des fibres myocardiques disposées en couches d’orientations différentes de l’endocarde vers l’épicarde, d’autre part de la perfusion régionale myocardique et, enfin, du stress pariétal. Orientation des fibres myocardiques Les fibres myocardiques sont organisées de façon complexe en spirale ou en éventail autour de la cavité ventriculaire gauche. Les fibres les plus internes et externes ont une disposition longitudinale par rapport à la cavité ventriculaire gauche tandis que les fibres à mi-paroi ont une disposition circonférentielle (figure 2). Figure 2. Schématisation de l’organisation des fibres myocardiques en spirale avec modification de l’angle entre les différentes couches myocardiques. Direction des mouvements du ventricule gauche Cette disposition des fibres myocardiques en éventail est responsable d’une cinétique complexe des parois myocardiques que l’on peut décomposer en un mouvement de contraction radiale, un mouvement de contraction longitudinale, et un mouvement de contraction circonférentielle, tous trois influencés par la rotation cyclique entre les portions basale et apicale ventriculaires gauches (figure 3). Figure 3. Schématisation des mouvements myocardiques : (1) longitudinal, (2) radial et (3) circonférentiel. Il existe donc une hétérogénéité architecturale et cinétique, à laquelle s’ajoute la répartition non homogène de la charge et du «stress pariétal». En effet, le stress pariétal est plus important au niveau de l’endocarde qu’au niveau de l’épicarde. Ces facteurs influencent donc l’analyse des vélocités obtenues en mode Doppler tissulaire myocardique. Toute interprétation des vélocités myocardiques nécessite donc leur connaissance.   Paramètres dérivés du Doppler tissulaire myocardique On peut classer ces paramètres en deux grandes catégories (figure 4) : - paramètres de mouvement (vélocité et déplacement myocardiques), - paramètres de déformation (vitesse de déformation ou strain rate et déformation ou strain myocardiques relatives). Figure 4. Schématisation des relations entre les paramètres de déplacement (vitesse et déplacement) et les paramètres de déformation (strain rate  ou vitesse de déformation et  strain  ou pourcentage de déformation). Le déplacement est obtenu par l’intégrale temps – vitesse du profil des vélocités myocardiques. Le strain rate est obtenu par le gradient des courbes de vitesses dans un échantillon donné de segment myocardique. Le strain est obtenu par l’intégrale temps – vitesse du profil des vitesses de déformation ou strain rate. La vélocité myocardique peut être estimée à chaque instant t d’échantillonnage temporel et représente une distance parcourue par unité de temps (exprimée en cm/s). L’intégrale temporelle des vélocités d’un temps de départ t0 à un temps t représente le déplacement myocardique (exprimé en cm). La vitesse de déplacement d’un segment myocardique donné dépend de la contractilité et de l’élasticité de ce segment, mais également des conditions de charge, et en particulier de la contrainte régionale, de la cinétique des segments myocardiques adjacents et, enfin, de la fonction globale ainsi que de la forme géométrique du ventricule. Pour expliquer la déformation, prenons l’exemple d’un objet unidimensionnel de dimension de référence L0 à l’instant t0 lorsque aucune force ne lui est appliquée. L’application d’une force à ce matériau élastique entraîne sa déformation. À l’instant t, le matériau atteint la dimension L. La déformation absolue peut être exprimée par la valeur DL = L-L0 qui dépend de l’importance de la force et des propriétés viscoélastiques du tissu étudié. Toutefois, pour pouvoir comparer la déformation d’objets de dimensions différentes, il convient de calculer la déformation relative e (ou strain en terminologie anglo-saxonne) en normalisant par la dimension de référence L0. Deux formulations sont possibles : La formulation lagrangienne : Et la formulation naturelle : La vitesse de déformation ou strain rate  (exprimée en s-1) peut ainsi être calculée par une dérivée temporelle du Strain (exprimé en %). Il existe également une relation entre déformation et vitesse de déplacement d’un objet. Cette relation suppose une distribution homogène de la vitesse de déformation entre les points A et B, et une accélération négligeable. Ainsi, la vitesse de déformation n’est autre que le gradient de vélocité myocardique normalisé par la distance.   Modalités d’acquisition du Doppler tissulaire myocardique Le Doppler tissulaire myocardique peut s’acquérir selon trois modalités (figure 5) : – mode spectral pulsé mono-porte, – mode TM couleur, – mode bidimensionnel couleur . Figure 5. Modalités d’acquisition du Doppler tissulaire myocardique. Mode 2D couleur (A) ; mode TM couleur (B) ; mode spectral pulsé monoporte (C). Doppler tissulaire myocardique en mode pulsé Son principe est superposable à celui du Doppler spectral pulsé utilisé dans l’évaluation de l’hémodynamique des flux. Le profil de vélocité myocardique en mode pulsé peut être obtenu soit à partir d’une coupe parasternale, soit d’une coupe apicale pour explorer respectivement la fonction régionale myocardique radiale ou longitudinale. Quelle que soit l’incidence utilisée, on peut identifier sur ces profils les différentes phases du cycle cardiaque. Ainsi, en incidence apicale permettant l’analyse du mouvement longitudinal, on peut décrire les phases suivantes (figure 6) : (I) Contraction isovolumique (CIV) de durée brève caractérisée par une onde de vélocité positive ou biphasique. (II) Systole avec une onde positive (S). (III) Relaxation isovolumique (RIV) caractérisée par une onde de vélocité négative ou biphasique. (IV) Protodiastole ou remplissage initial avec une onde négative (E). (VI) Diastasis avec des vélocités régionales proches de zéro. Télédiastole avec une onde négative (A) correspondant à la systole atriale. Figure 6. Exemple d’un tracé enregistré en mode Doppler pulsé dans un segment myocardique. Les événements mécaniques sont indiqués sur ce profil de vitesse : (1) ouverture de la valve aortique, (2) fermeture de la valve aortique, (3) ouverture de la valve mitrale. À partir de ces profils de vélocité, la mesure des différents paramètres est réalisable sans le recours à des logiciels d’analyse spécifique : quantification des pics de vélocité, des intégrales des ondes de vélocité ainsi que des intervalles temporels régionaux comme la durée de la systole et des phases de relaxation et contraction isovolumique. Le Doppler pulsé possède une excellente résolution temporelle (< 4 ms), ce qui permet le calcul précis des intervalles de temps, utiles dans le diagnostic d’asynchronisme intraventriculaire. Cette modalité présente les limitations suivantes : – la résolution spatiale est théoriquement plus basse qu’en imagerie conventionnelle mais reste suffisante si l’on s’intéresse aux vélocités à l’échelon segmentaire ; – il existe une limite maximale de vitesse détectable inversement proportionnelle à la profondeur du champ ultrasonore et à la fréquence centrale du transducteur. Au-delà de cette limite survient le phénomène de repliement spectral (aliasing) ; – il n’y a pas d’information sur la déformation myocardique régionale, mais uniquement de la vitesse de déplacement de la région d’intérêt. Doppler tissulaire myocardique en mode TM couleur Cette modalité permet la détermination des vélocités myocardiques le long d’une ligne ultrasonore unique (figure 7). La représentation visuelle de ces informations est effectuée par un codage couleur (généralement en une échelle rouge et bleu pour les réflecteurs se dirigeant vers ou à l’opposé du transducteur respectivement). Figure 7. Doppler tissulaire myocardique (DTM) en mode TM couleur. A et B : Le tracé est obtenu après repérage en mode bidimensionnel (ici en incidence parasternale long axe). Les vélocités myocardiques sont codées en échelle couleur et des logiciels spécifiques permettent de les quantifier en chaque point. La comparaison des vitesses instantanées de deux points A et B à chaque instant t permet de calculer un gradient de vélocité myocardique (GVM) qui n’est autre que la vitesse de déformation segmentaire. Ce gradient traduit la vitesse de déplacement plus élevée de l’endocarde que de l’épicarde. C : À partir des vitesses et des coordonnées de plusieurs points le long d’une ligne, le GVM peut être estimé en calculant la pente de la droite de régression à chaque instant du cycle cardiaque. En mode TM couleur, les images doivent être analysées avec l’aide de logiciels spécifiques permettant l’estimation des vélocités à un instant t en chaque point de la ligne d’acquisition. Grâce à cette cartographie, on peut calculer la répartition transmurale des vitesses et en déduire ainsi le gradient de vélocité myocardique qui représente une estimation de la vitesse de déformation segmentaire normalisée. Le gradient de vélocité myocardique peut être calculé de deux façons : soit par soustraction des vitesses entre deux points et une normalisation par la distance, soit par la pente de la droite de régression des vélocités fonction de leurs coordonnées spatiales entre deux points. Cette estimation suppose une distribution linéaire des vélocités myocardiques. Le Doppler tissulaire en mode TM couleur possède une très bonne résolution temporelle (< 4 ms) ce qui permet le calcul précis d’intervalles de temps, utiles dans le diagnostic d’asynchronisme intraventriculaire. Doppler tissulaire myocardique en mode bidimensionnel couleur Très longtemps, cette modalité a été limitée en résolution temporelle avec des cadences d’images ne dépassant pas 30 images/s. Le développement de nouveaux protocoles d’émission-réception ultrasonore et l’émission intercalée d’une ou plusieurs nouvelles impulsions lors du temps d’écoute permet actuellement d’obtenir une cadence d’image entre 100 et 200 images/s (soit une résolution temporelle < 10 ms) pour un angle de champ ultrasonore de 30 à 45°. Cette cadence d’image élevée est indispensable à l’obtention de profils de vitesse analysables avec une bonne fiabilité (figure 8). Figure 8. Influence de la cadence d’image sur la qualité d’un profil de strain rate (90 images/s). On obtient ainsi les profils de vélocité et de déplacement myocardique, ainsi que des profils de vitesse de déformation (Strain rate : SR) et de déformation myocardique (e) normalisés. La composante radiale de la déformation myocardique s’obtient en incidence parasternale alors que la composante longitudinale s’explore par voie apicale (figure 9). Figure 9. Modes d’obtention de la fonction radiale et de la fonction longitudinale. L’analyse des vélocités myocardiques radiales montre l’existence d’un gradient de vélocité entre l’endocarde et l’épicarde (figure 6) alors que l’analyse des vélocités longitudinales montre un gradient de vélocité entre base et apex (figure 10). L’existence de ces gradients de vélocité (base-apex et endocarde-épicarde) est liée à la déformation longitudinale et radiale du myocarde. L’avantage principal de cette modalité par rapport au mode pulsé et TM est la rapidité de l’acquisition des données avec une interrogation simultanée de plusieurs segments myocardiques. Figure 10. Exemple de la diminution des vitesses myocardiques de la base vers l’apex en incidence apicale. Limites du Doppler tissulaire myocardique Les limitations de la méthodologie Doppler tissulaire et des calculs dérivés de l’acquisition en mode bidimensionnel sont importantes à reconnaître. La première limitation est l’impact de l’angle d’incidence (j) entre le faisceau ultrasonore et le déplacement ou la déformation de la structure myocardique à examiner. Cette limitation est commune à toutes les techniques ultrasonores quantitatives de type Doppler. La vitesse réelle est en effet inversement proportionnelle à cosinus j. La recommandation est d’assurer un alignement optimal afin de minimiser l’angle j. Les limitations générales des ultrasons, avec notamment les artefacts, s’appliquent également aux acquisitions en mode Doppler tissulaire. Une attention toute particulière doit être apportée aux artefacts de réverbération provenant généralement d’une interface acoustique fortement réflective proche du transducteur. Leur présence entraîne une erreur d’estimation des vélocités myocardiques segmentaires avec un effet encore plus important sur le calcul du gradient de vélocité. L’utilisation d’une dérivation comme fonction mathématique d’estimation de la vitesse de déformation (gradient de vitesse) entraîne sa grande sensibilité au bruit. D’où la nécessité de filtrer le signal et de moyenner les valeurs de plusieurs points sur un segment. Une limitation plus spécifique du Doppler tissulaire est l’estimation unidimensionnelle de la déformation, ne permettant pas l’analyse simultanée de la déformation radiale et longitudinale. Des développements récents des techniques ultrasonores (2D strain basé sur l’analyse du déplacement des speckles ou échos denses intramyocardiques) sont très prometteuses et permettent déjà une estimation bidimensionnelle de la déformation.

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