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Cardiologie générale

Publié le 20 juin 2006Lecture 6 min

Prise en charge des dyslipidémies - Les données d'observation

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Historiquement, la prise en charge des dyslipidémies peut être décrite en trois grandes phases :
• les études épidémiologiques (1940 à 80) qui ont démontré la relation directe et sans seuil entre LDL cholestérol et risque coronarien ;
• une première phase d’essais cliniques (1960 à 90) mais sans que puisse être démontré un bénéfice clinique à modifier le cholestérol ;
• une troisième phase (1994 à 2004) qui a permis de lever tous les doutes sur le bénéfice clinique des traitements.
La diminution du risque coronarien est strictement dépendante de la diminution du LDL et lui est directement proportionnelle, quelle que soit la valeur initiale du LDL.

Le cholestérol Le cholestérol est : – un composant essentiel des membranes cellulaires ; – nécessaire à la biosynthèse de plusieurs hormones : la progestérone, le cortisol, la testostérone, l’estradiol ; – absorbé depuis sa source alimentaire par l’estomac et par l’intestin en tant que composant de la bile ; – aussi synthétisé par les tissus, tel le foie en particulier ; – indispensable à la vie.     Mais le cholestérol ne représente pas le seul composant lipidique plasmatique et les valeurs des paramètres lipidiques chez l’homme sont variables en fonction de données génétiques et environnementales, notamment nutritionnelles. La classification de Fredrickson (tableau 1) aujourd’hui encore, reposant sur les profils lipidiques déterminés par l’électrophorèse des lipoprotéines, est en vogue alors qu’elle a été élaborée en 1965, avant les principaux résultats de l’étude de Framingham et ceux de nombreuses études génétiques sur le risque cardiovasculaire. La classification de Fredrickson repose sur l’appréciation d’un phénotype et les avancées dans le domaine de la génétique ont conduit à en minimiser la portée ; toutefois, son intérêt à l’époque est double : – avoir fourni un cadre de raisonnement, – avoir dévié l’attention de la cholestérolémie et de la triglycéridémie vers la prise en compte des classes de lipoprotéines (tableau 1). Prévalence des phénotypes lipidiques Une mise au point parue en 2003 dans le Lancet (Lancet 2003 ; 362 : 717-31) a fourni une synthèse de la prévalence des différentes formes de dyslipidémies chez les adultes européens (tableau 2) : il est possible de constater que les deux formes dominantes sont celles où il existe une élévation du LDL-C et celle où il existe une diminution du HDL-C. L’hypertriglycéridémie isolée est, quant à elle, rare. Les données colligées aux États-Unis de 1988 à 1994 par le National Center for Health Statistics ont montré que : – 17,5 % des hommes et 20 % des femmes âgés de 20 à 74 ans avaient une cholestérolémie totale > 2,40 g/l ; – les valeurs moyennes de la cholestérolémie totale étaient chez l’homme de 2,02 g/l et chez la femme de 2,04 g/l ; – 6 % des hommes avaient une cholestérolémie totale inférieure à 2,00 g/l et une HDL-cholestérolémie < 0,35 g/l ; – 5 % des hommes avaient une cholestérolémie totale comprise entre 2,00 et 2,39 g/l et une HDL-cholestérolémie < 0,35 g/l ; Toujours aux États-Unis, les données colligées entre 1991 et 1994 par le National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES III) ont montré que 28 % des hommes blancs âgés de 35 à 65 ans et 12 % des femmes blanches âgées de 45 à 65 ans avaient un rapport cholestérol total/HDL cholestérol > 6.   Relation entre paramètres lipidiques et risque coronarien   Nous rapporterons ici les résultats-clés des études épidémiologiques d’observation et de leurs métaanalyses.   Relation avec le risque coronaire Cholestérolémie totale et LDL La relation entre la cholestérolémie totale ou la cholestérolémie-LDL-C et le risque d’événements coronaires est puissante, indépendante, linéaire et sans seuil. La relation entre LDL-C et risque coronarien peut être illustré de diverses façons : – lorsque ces graphiques sont exprimées graphiquement en coordonnées arithmétiques, la relation prend un aspect curvilinéaire ; – lorsqu’ils sont exprimés en coordonnées semi-logarithmiques, la relation est linéaire (figures 1 et 2). Figure 1. INTERHEART : rapport apolipoprotéine B/A et risque d’IDM. Figure 2. Relation entre la cholestérolémie plasmatique et risque cardiovasculaire exprimée en coordonnées arithmétiques. (données provenant de l’étude Muliple Risk Factor Intervention Trial, n = 316 099). De même, en coordonnées semi-logarithmiques, la relation entre le rapport apoB/apoA1 dans l’étude INTERHEART est apparue linéaire sans aucun seuil discernable avec un rapport de risque de 4,73 (IC99 % : 3,93 à 5,69) pour le plus haut décile par rapport au plus bas (figure 3). Figure 3. Relation log-linéaire entre le niveau de LDL cholestérol et le risque relatif de maladie coronaire. HDL-cholestérolémie La synthèse des études de cohortes indique que toute élévation de 1 à 3 % du HDL-cholestérol s’accompagne d’une diminution de 1% , le risque d’événements coronariens. Part attribuable En termes de part attribuable, dans l’étude de Framingham, il a été calculé que l’élévation de la cholestérolémie totale, au-dessus de 2 g/l a été responsable de 27 % des événements coronariens chez l’homme et de 34 % chez la femme. Dans l’étude INTERHEART, les facteurs les plus fortement associés au risque d’infarctus du myocarde sont par ordre de relation décroissante en puissance : le tabagisme en cours, l’élévation du rapport apoB/apoA1 (en considérant la différence entre le quintile le plus bas et le plus élevé), le diabète, l’HTA et le stress psychosocial.   Relation avec le risque d’accident vasculaire cérébral Une importante métaanalyse portant sur 13 397 AVC survenus chez 450 000 patients suivis en moyenne 16 ans et inclus dans 45 études de cohortes a été publiée dans le Lancet en 1995. Après ajustement sur l’âge, il n’a été mis en évidence aucune association entre la valeur de la cholestérolémie et la survenue d’un AVC. Cette absence d’association n’a pas été modifiée après ajustement sur le sexe, la PAD, un antécédent coronarien ou l’ethnie. Toutefois, en 2003, une métaanalyse a été publiée dans le BMJ par Law et coll. Leur analyse des études de cohorte rendait compte que pour toute diminution de 1 mmol/l de LDL-cholestérol (0,387 g/l) : – l’incidence des AVC thromboemboliques est moindre de 15 % (IC95 % : 6 à 21 % ; p < 0,001) ; – l’incidence des AVC hémorragiques est supérieure de 19 % (IC95 % : 10 à 29 % ; p < 0,001) ; – l’incidence des AVC sous-arachnoïdiens est supérieure de 16 % et celles des hémorragies intracérébrales de 22 %. Ainsi, l’absence de relation entre la valeur de la cholestérolémie totale et le risque d’AVC tiendrait à l’existence d’un lien positif entre la cholestérolémie et le risque d’AVC ischémique et d’un lien négatif entre la cholestérolémie et le risque d’AVC hémorragique.   Et la triglycéridémie ? Nous allons déborder du simple cadre des données d’observation concernant la triglycéridémie pour rendre compte de la place qui lui est accordée dans la pratique clinique, afin de ne plus guère revenir ensuite sur ce paramètre. En 2006, la place à accorder à la triglycéridémie reste controversée et il ne peut pas être affirmé qu’il s’agit d’un facteur, voire même d’un marqueur de risque cardiovasculaire indépendant.   Relation avec le risque Une métaanalyse d’études de cohortes (Austin) a indiqué que la triglycéridémie serait corrélée au risque d’événements coronariens : ainsi, pour toute augmentation d’1 mmol/l de la triglycéridémie (0,88 g/l), ce travail a mis en évidence une augmentation du risque relatif d’événements coronariens de 1,32 (IC95 % : 1,26 à 1,39) chez l’homme et de 1,76 (IC95 % : 1,50 à 2,07) chez la femme, mais ce résultat est obtenu en analyse univariée. En analyse multivariée incluant le HDL-cholestérol, la puissance de la relation était moindre : risque relatif de 1,14 (IC95 % : 1,05 à 1,28) chez l’homme et 1,37 (IC95 % : 1,13 à 1,66) chez la femme. La plupart des autres travaux de même type publiés sur le sujet sont discordants et le plus souvent, dès que l’analyse de la relation est effectuée en mode multivarié incluant le HDL-cholestérol, il n’est pas mis en évidence de relation significative entre la triglycéridémie et le risque coronarien.   Effets du traitement Nous ne disposons d’encore aucune étude ayant démontré formellement que l’abaissement de la triglycéridémie procure un bénéfice cardiovasculaire quelconque.   Place de la triglycéridémie dans la pratique La valeur de la triglycéridémie n’est pas comprise dans les principales grilles d’évaluation du risque disponibles (Framingham, SCORE…). De même, toutes les recommandations thérapeutiques depuis une dizaine d’années sont centrées sur la diminution du LDL cholestérol avec des recommandations le plus souvent de niveau 1A, le problème de la triglycéridémie fait partie des sujets le plus souvent annexes et conduit à des recommandations du type « accord professionnel ».

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