publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Valvulopathies

Publié le 24 juin 2008Lecture 9 min

Les fuites paraprothétiques

B. CORMIER, Institut cardiovasculaire Paris Sud, Massy

Les fuites paraprothétiques constituent la principale cause de dysfonction non structurelle de prothèse valvulaire, motif de réopération dans 15 à 30 % des cas, et sont en cause dans environ 15 % des interventions itératives. On différencie les fuites paraprothétiques en rapport avec une endocardite active avec infection de l’anneau qui pose des problèmes thérapeutiques spécifiques que nous ne développerons pas et les fuites paraprothétiques « mécaniques » en dehors de tout contexte infectieux ou après endocardite stérilisée.

Facteurs prédisposants  On différencie les facteurs liés aux patients, ceux liés à la prothèse, et enfin les facteurs liés au chirurgien. • Certains facteurs anatomiques, en particulier la friabilité des tissus (antécédents d’endocardite) et les calcifications annulaires extensives, sont à l’origine de problèmes de suture ou de difficulté d’insertion de la prothèse. • Le risque de désinsertion semble plus important après implantation de prothèse mécanique que de bioprothèse, quel que soit l’orifice considéré. Dans l’étude des Vétérans, la probabilité de désinsertion, après remplacement valvulaire aortique, était de 8 % pour les prothèses mécaniques et 2 % pour les bioprothèses et, après remplacement valvulaire mitral, de 17 % pour les prothèses mécaniques et 7 % pour les bioprothèses. Certains modèles de prothèse semblent également augmenter le risque de désinsertion. À la fin des années 90, la firme Saint Jude Medical avait développé une prothèse utilisant de l’argent pour ses propriétés antimicrobiennes, qui a été retirée du marché après des essais cliniques documentant une augmentation de l’incidence des fuites paraprothétiques et des thromboses. Les fuites paraprothétiques étaient également fréquemment observées avec les premiers modèles de bioprothèse aortique percutanée, disponibles en une seule taille et ne permettant pas une congruence parfaite entre le stent et les structures natives. • Enfin, l’expertise du chirurgien semble être un paramètre important mais naturellement difficilement quantifiable ; la technique d’implantation (surjet ou points séparés) influe également sur le risque de désinsertion. Au plan anatomique, les désinsertions multiples ou intéressant plus de 50 % de la circonférence de l’anneau sont fréquentes, observées dans plus de la moitié des cas. Certaines études mentionnent certaines localisations préférentielles : portion postéromédiane de l’anneau pour les prothèses mitrales et sinus non coronaire pour les prothèses aortiques.   Histoire naturelle, présentation clinique  L’histoire naturelle des désinsertions mécaniques de prothèse est imparfaitement connue. Une étude prospective concernant 84 patients ayant eu un remplacement valvulaire aortique a montré la fréquence des petites fuites paraprothétiques (48 % au contrôle postopératoire précoce), sans traduction clinique et stables au cours du suivi à long terme. Certains travaux ont montré que ces petites fuites étaient susceptibles de disparaître en fonction du processus d’endothélialisation des zones de sutures. Dans le travail de Miller, 70 % des patients réopérés pour désinsertion de prothèse avaient une évaluation échographique postopératoire précoce normale, 10 % avaient une petite fuite paraprothétique et seulement 20 % avaient une fuite significative. La présentation clinique est variable, essentiellement fonction de l’importance de la désinsertion : - la majorité des petites fuites paraprothétiques, découvertes d’examen échographique systématique, n’ont pas de traduction clinique. Lorsque la fuite est plus importante, les signes fonctionnels sont peu spécifiques, à type de fatigue ou de dyspnée ; - des signes d’insuffisance cardiaque congestive ont été rapportés dans 70 % des cas de fuite paraprothétique sévère ; - l’hémolyse est classiquement associée aux désinsertions sans qu’il n’y ait de corrélation entre la taille du pertuis et l’importance de l’anémie. Les désinsertions importantes sont habituellement associées avec l’apparition d’un souffle de régurgitation, quoique l’auscultation puisse être difficile en cas de prothèses multiples ou de jet très excentré.   Diagnostic Le diagnostic de désinsertion repose sur l’échographie transthoracique éventuellement complétée par une échographie transœsophagienne. La première étape est de différencier les fuites paraprothétiques « anormales », des « jets physiologiques » observés avec tous les types de prothèse mécanique et 30 % des bioprothèses. Ces jets physiologiques surviennent lors de la fermeture de l’élément mobile en rapport avec la mobilisation d’un petit volume sanguin ou après la fermeture de la valve en rapport avec des jets de lavage (figures 1 et 2). L’aspect de ces jets régurgitants dépend du type de valve et de la fréquence cardiaque. Il s’agit habituellement de jets de basse vélocité situés à l’intérieur de l’anneau prothétique, ayant une faible propagation et un aspect en flamme d’allumette. Figure 1. Jets de lavage normaux sur prothèse à ailettes en position aortique. ETT, coupe petit axe. Figure 2. Jets de lavage normaux sur prothèse à ailettes en position mitrale. ETO Les jets paraprothétiques sont au contraire des jets de haute vitesse, excentrés, turbulents, en dehors de l’anneau prothétique (figures 3 et 4). Figure 3. Petite fuite aortique paraprothétique, prothèse biologique. ETT, coupe petit axe. Figure 4. Fuite paraprothétique interne sur prothèse mitrale. ETT, coupe petit axe. Ces jets paraprothétiques sont souvent difficiles à mettre en évidence en échographie transthoracique car localisés, proches des structures cardiaques avoisinantes, masqués par le cône d’ombre de la prothèse, notamment en position mitrale (figures 5 et 6). Les désinsertions de prothèse aortique peuvent être également difficiles à mettre en évidence en raison de l’interaction avec le flux de remplissage ventriculaire gauche, notamment en cas d’association à une valvulopathie ou une prothèse mitrale. Figure 5. Fuite paraprothétique prothèse mitrale. ETT, coupe apicale. Figure 6. Petite fuite aortique paraprothétique sur prothèse aortique Edwards percutanée. ETT, coupe apicale 5 cavités et petit axe. Certaines études ont montré l’importance de l’étude de la zone de convergence pour détecter et localiser le jet régurgitant. Il faut enfin souligner l’absence de corrélation stricte entre la représentation du jet régurgitant en Doppler couleur et les paramètres quantitatifs. La mise en évidence en échographie bidimensionnelle d’un mouvement anormal de bascule de la prothèse témoignant d’une désinsertion majeure est rarement observée. Les problèmes techniques précédemment évoqués soulignent l’importance des arguments indirects essentiellement représentés par une augmentation du débit orificiel avec une élévation des gradients prothétiques, d’autant plus suspecte que non notée antérieurement. Les indices suivants ont été proposés : - en position mitrale, une vitesse maximum de l’onde E > 1,9 m/s avec une pente de décroissance (PHT) < 120 ms permettant de différencier la désinsertion de l’obstruction prothétique ; une diminution du débit systémique avec un rapport intégrale temps-vitesse (ITV) mitral sur ITV aortique > 2,2 ; un jet régurgitant intense au Doppler continu et, enfin, une hypertension artérielle pulmonaire récente et inexpliquée ; - au niveau aortique, un jet de régurgitation intense avec une PHT < 300 ms ; un reflux holodiastolique dans la crosse. Il importe enfin de rappeler que des abaques ont été publiées concernant les gradients moyens habituellement enregistrés avec les différents types de prothèse en fonction de la taille et de l’orifice considéré et de rappeler l’importance du suivi longitudinal permettant de détecter toute augmentation de gradient par rapport aux valeurs précédemment observées. L’échographie transœsophagienne est un complément indispensable à l’échographie transthoracique lorsqu’il existe un doute quant à une dysfonction de prothèse ou pour préciser les caractéristiques anatomiques en cas de dysfonction avérée. La quantification de la fuite est souvent difficile et repose sur une confrontation des données obtenues en échographies transthoracique et transœsophagienne.   Traitement des désinsertions de prothèse Ce traitement ne s’adresse bien sûr qu’aux patients symptomatiques. Le traitement médical peut être envisagé en cas d’hémolyse modérée et comporte une supplémentation ferrique et en acide folique ; le traitement bêtabloquant a été proposé dans le but de réduire la fréquence cardiaque et éventuellement l’importance des turbulences. À un stade plus avancé, en cas d’insuffisance cardiaque ou d’anémie hémolytique importante, le traitement médical non spécifique associe diurétique, IEC et transfusion. L’érythropoïétine a été proposée chez les patients à haut risque chirurgical avec une anémie hémolytique non compensée. Le traitement chirurgical est, bien sûr, le traitement de référence pour les fuites importantes symptomatiques. La date de la réopération doit être individualisée en fonction des symptômes, de l’importance de la régurgitation, du retentissement ventriculaire gauche et de la condition générale du patient. La mortalité opératoire est supérieure à celle rapportée en cas de primo-intervention, mais avec des résultats variables. • En moyenne, le risque d’une réopération pour désinsertion de prothèse est compris entre 7 et 11 %, soit 3 fois plus élevé que l’incidence rapportée lors de la première intervention, sans qu’il n’y ait de différence entre l’orifice aortique ou mitral. Ce risque est inférieur au risque rapporté pour une réintervention sur endocardite ou thrombose de prothèse ; l’âge, les lésions coronaires associées, les comorbidités sont les principaux facteurs de risque opératoire. Une procédure associée est nécessaire dans 20 à 40 % des cas. La technique chirurgicale est variable : lorsque la désinsertion est relativement limitée, une réinsertion de la prothèse peut être réalisée, notamment en position mitrale (Akins, 2005) ; dans les autres cas, un remplacement valvulaire redux est réalisé par un substitut, variable selon le contexte clinique (prothèse mécanique ou bioprothèse). Les résultats à long terme semblent satisfaisants avec dans la série d’Akins, 63 % de patients indemnes de désinsertion à 10 ans. Quelques patients posent des problèmes difficiles de désinsertions itératives favorisées par la fragilité des tissus ou une infection latente. C’est dans ce contexte qu’est parfois discutée une fermeture percutanée du défect paraprothétique (figure 7). Figure 7. Fuite mitrale paraprothétique – ETO. Avant (A), pendant (B) et après (C) mise en place d’un « coil » par voie percutanée. Ce type d’intervention se heurte à un certain nombre de problèmes techniques : les coils ou ombrelles utilisés pour fermer le pertuis sont rigides avec une forme rarement comparable aux defects dont la géométrie est rarement régulière plate ou ronde ; les tissus paraprothétiques sont volontiers friables, calcifiés ; une occlusion partielle est susceptible de diminuer l’importance de l’insuffisance cardiaque mais, en contre-partie, peut générer ou accentuer une éventuelle hémolyse. Enfin, le risque d’infection ne peut être totalement écarté. Sur le plan technique, ces procédures sont naturellement complexes et les rares séries de la littérature rapportent un taux d’échecs ou de complications conséquent. La plus large série est l’étude canadienne de Pate, publiée en 2006, totalisant 14 procédures chez 10 patients (9 prothèses mitrales, 1 prothèse aortique). Il s’agissait en moyenne de la troisième procédure valvulaire, 13 ans après l’intervention initiale. La durée moyenne de la procédure a été de 178 min, une procédure unique a été réalisée chez 6 patients et 4 ont eu une deuxième tentative en raison d’une fuite résiduelle. Au final, un succès a été rapporté chez 5 patients sur 10. Les incidents techniques les plus courants, en dehors de l’impossibilité de cathéteriser le pertuis, sont l’interférence du dispositif d’occlusion avec les éléments mobiles de la prothèse, la migration secondaire, les complications vasculaires et les risques du cathétérisme transseptal.   En pratique   Les désinsertions de prothèse représentent la cause la plus fréquente de dysfonction non structurelle et sont responsables d’environ un tiers de toutes les défaillances de prothèse valvulaire. Cette proportion est plus importante chez les patients opérés initialement pour une endocardite active. Des études échographiques itératives suggèrent que les fuites paraprothétiques importantes sont plutôt d’apparition tardive après chirurgie qu’en rapport avec l’évolutivité d’une petite fuite postopératoire immédiate. Les indications thérapeutiques concernent les patients symptomatiques ou ayant une anémie hémolytique nécessitant des transfusions itératives. Le traitement de référence est la chirurgie redux. Dans certains cas difficiles de désinsertion itérative chez des patients fragiles, une tentative de fermeture par voie percutanée peut être discutée, malgré les obstacles théoriques et les problèmes techniques.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 8 sur 51

Vidéo sur le même thème