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Coronaires

Publié le 07 oct 2008Lecture 7 min

Les syndromes coronaires aigus : plaidoyer pour un retour vers le bons sens clinique

S. WEBER, Hôpital Cochin, Paris

La prise en charge des diverses manifestations aiguës de l’insuffisance coronaire a connu ces deux dernières décennies de profonds bouleversements, aussi bien en matière de compréhension de physiopathologie, que de diagnostic et de prise en charge thérapeutique. Le bilan de cette période très « turbulente » est massivement positif avec ce que l’on peut qualifier sans emphase d’effondrement de la mortalité hospitalière de l’infarctus du myocarde (IDM), tout du moins chez les patients non gériatriques vus dans les 6 premières heures, ainsi qu’une nette amélioration, peut-être un peu moins spectaculaire, puisque le pronostic initial était un peu moins grave, de l’angor instable. Ces brillants résultats sont la conséquence d’une démarche fondamentale et clinique parfaitement logique et coordonnée : meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques aboutissant à la mise au point de nouveaux instruments diagnostics et de nouveaux traitements, pharmacologiques ou interventionnels.

De l’ancienne classification… Curieusement, alors que les progrès enregistrés sont la source d’un raisonnement logique et bien ordonné, la modification de la terminologie et des sacro-saintes classifications apparemment indispensables à notre profession a été, au contraire, source de complexité, de confusion, voire de contresens. La terminologie ancienne, moyenâgeuse, voire même préhistorique pour certains, différenciait ce que l’on appelait, d’une part, un angor instable (ou, terme encore plus pédagogique, une menace d’infarctus) et, d’autre part, un infarctus myocardique, dont certaines formes (transmurales) concernaient toute l’épaisseur du myocarde (générant électriquement un sus-décalage de ST puis une onde Q) et d’autres ne concernaient que les couches profondes sous-endocardiques et étaient qualifiées d’infarctus rudimentaire ou d’infarctus sans onde Q.   …À la classification actuelle Aujourd’hui, la classification se veut unificatrice puisque tout n’est plus que « syndrome coronaire aigu », dont on distingue, à partir d’un seul et unique critère électrocardiographique (ne concernant de surcroît que la repolarisation), les formes avec ou sans sus-décalage de ST. Cette dichotomie, blanc noir, établie sur une partie des résultats d’un seul examen complémentaire (l’électrocardiogramme) ne pouvant, bien entendu, rendre compte de la réalité clinique, de nombreux arbres décisionnels (organigrammes, tableaux, etc.) ont rapidement démembré ces deux catégories en fonction d’autres critères notamment biologiques. Bien entendu, le cardiologue est parfaitement familier du moindre frémissement de l’actualisation, au gré des réunions successives, des diverses conférences de consensus, boards, etc., de cette nouvelle classification. Ce que le cardiologue a un peu parfois tendance à oublier, est que ce qui lui paraît évident, la prise en charge des coronariens aigus, représentant souvent le cœur de son métier, l’est beaucoup moins pour les médecins non cardiologues, les étudiants en médecine, sans même parler des patients, de leur famille et du grand public ! Il n’est plus évident pour nos jeunes étudiants en médecine que l’angor instable, s’il n’est pas correctement pris en charge, précède chronologiquement un infarctus et qu’au demeurant, aujourd’hui encore, près de la moitié des infarctus ont été précédés d’un syndrome de menace non diagnostiqué (le plus souvent parce que le patient n’a pas consulté) ou imparfaitement pris en charge. Il n’est effectivement pas intuitivement évident que le sous-décalage de ST puisse mener au sus-décalage de ST s’il n’a pas été correctement pris en charge… Il est encore plus gênant que malheureusement certains patients ne sachent pas très bien, au bout de quelques jours d’hospitalisation en USIC, ce qui leur est réellement arrivé… Certes, ils savent qu’ils ont bénéficié de l’implantation d’un ou de plusieurs stents, et c’est probablement là l’essentiel, ils reçoivent une ordonnance de prévention secondaire et des conseils de changement de mode de vie adaptés à leur situation. Toutefois, il n’aurait peut-être pas été inintéressant qu’ils aient une vision un peu plus claire et simple de la pathologie de l’événement qu’ils ont subi, notion qui leur était un peu plus accessible dans l’époque lointaine où le mot « infarctus du myocarde » n’était pas encore un « gros mot »… Je ne préconiserai pas un retour en arrière. L’histoire de la médecine et l’histoire tout court nous enseignent que de telles tentatives de « retour aux sources » sont quasi inéluctablement vouées à l’échec, mais simplement un tout petit peu de bon sens et de clarté dans la prise en compte des acquisitions de ces deux dernières décennies.   La compréhension du phénomène physiopathologique Ce qui justifie effectivement l’appellation commune de syndrome coronaire aigu est la réalité d’un phénomène physiopathologique unique, commun à la quasi-totalité de ces entités : la rupture de plaque compliquée de thrombose endocoronaire. Les conséquences en sont une réduction plus ou moins importante, de constitution plus ou moins rapide, de la lumière du vaisseau concerné au site de la rupture : – parfois, cette réduction de calibre est totale (occlusion) et quasi instantanée ; les conséquences en sont, bien sûr, l’infarctus du myocarde ou la mort subite. – parfois au contraire, la thrombose ne fait que « cicatriser » la rupture de plaque sans augmentation significative de la gêne à l’écoulement du flux sanguin coronaire ; la traduction clinique de ce phénomène est le plus souvent absente ; – entre ces deux extrêmes se situe une vaste population de patients ayant subi une rupture de plaque avec une thrombose étendue, réduisant fortement ou très fortement la lumière de l’artère coronaire. Selon la sévérité de ce processus de réduction luminale et sa rapidité peuvent ou non se mettre en jeu des mécanismes adaptatifs vasculaires (développement d’une circulation collatérale) et myocardique (préconditionnement). De surcroît, le thrombus endoluminal peut se fragmenter et donner lieu à des micro-embolies coronaires génératrices de tout autant d’îlots de micro nécroses sous-endocardiques. Les tableaux cliniques réalisés sont très variables avec un gradient de gravité entre l’apparition d’un angor d’effort de novo, l’aggravation brutale d’un angor d’effort stable, l’apparition de douleurs de repos sporadiques et espacées, la constitution d’un tableau clinique d’angor subintrant et enfin la douleur continue témoignant de l’évolution vers l’infarctus.   Les moyens du diagnostic Nous disposons de plusieurs instruments fiables pour « photographier » la séquence des événements précités.   L’électrocardiogramme Lorsque l’occlusion est brutale et complète, ne laissant le temps à aucun mécanisme compensateur de se déclencher, la souffrance myocardique qui en résulte est le plus souvent transmurale, générant un sus--décalage du segment ST. Les territoires qui, malgré le traitement ou en l’absence de traitement, basculeront vers la mort cellulaire irréversible (infarctus) se traduiront par l’apparition d’onde Q. Cette règle n’a cependant rien d’absolu. Une occlusion complète d’une artère, même de gros calibre, peut ne générer ni ascension de ST ni onde Q s’il y a eu collatéralisation ou préconditionnement. À l’inverse, une ischémie électrique sévère et prolongée mais sans mort cellulaire peut être à l’origine d’onde Q. Lorsque la réduction luminale n’atteint pas l’occlusion, l’ischémie se cantonne généralement aux couches sous-endocardiques du myocarde, l’électrocardiogramme inscrivant un sous-décalage de ST ou des ondes T négatives. Ce sous-décalage peut être strictement contemporain des douleurs thoraciques et donc intermittent ou, dans les formes le plus graves, persister entre deux épisodes douloureux ,ce qui est un marqueur de plus grande sévérité. L’absence de sus-décalage de ST ne signifie cependant pas que les dégâts myocardiques sont limités : si l’occlusion coronaire se constitue lentement, si l’infarctus fait suite à une longue période d’angor instable, d’importants territoires myocardiques peuvent être détruits sans qu’il n’y ait jamais eu de sus-décalage de ST. De même, chez le coronarien évolué (notamment chez le coronarien âgé) tritronculaire dont la circulation coronaire est très richement anastomosée, un sous-décalage circonférentiel du segment ST peut correspondre à une nécrose, certes, non transmurale mais massive avec effondrement de la fonction ventriculaire gauche de très mauvais pronostic. Cette grande variabilité de l’électrocardiogramme souligne les limites des classifications ne se basant que sur la dynamique du segment ST.   Les marqueurs biologiques Ils sont maintenant plus sensibles qu’auparavant avec la validation des dosages de troponine. Lorsqu’il y a nécrose cellulaire importante, c’est-à-dire dans la quasi-totalité des infarctus transmuraux et dans les infarctus sous-endocardiques étendus, l’élévation enzymatique est franche ; un simple dosage de CPK est largement suffisant pour poser le diagnostic et avoir une première idée de l’extension de la nécrose. Le dosage de la troponine est le seul à permettre la détection de zones de « micro nécroses » myocardiques qui échappaient au simple dosage des CPK. De telles zones de micro nécroses peuvent se voir dans les formes les plus sévères d’angors instables, soit par embolisation de fragments de thrombus à partir de la plaque rompue, soit à partir de souffrances extrêmes sous-endocardiques lors d’épisodes ischémiques prolongés. Un taux positif de troponine, une fois éliminées les causes non coronaires d’élévation de ce marqueur, est donc synonyme non seulement d’angor instable, mais d’angor instable grave. L’absence d’élévation de troponine, même sur deux dosages successifs séparés de 6 heures, n’est pas, en revanche, synonyme d’absence de pathologie coronaire ni même d’absence de rupture de plaque endocoronaire. Les étudiants, les jeunes internes sont souvent perplexes devant l’entité « syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST et sans élévation de troponine ». Cet avatar des nouvelles classifications est effectivement pour le moins abscons. La réalité clinique est que certains de ces patients ne sont pas du tout coronariens et que la douleur thoracique ayant motivé leur admission relève d’une autre cause. D’autres, au contraire, sont porteurs d’authentiques maladies coronaires n’ayant encore donné lieu à aucune micro nécrose myocardique.  

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