Publié le 20 jan 2009Lecture 9 min
L'intérêt de l'angioplastie par cathétérisme des artères pulmonaires
A. FRAISSE, A. DRAGULESCU, Hôpital de la Timone-Enfants, Marseille
L’angioplastie des artères pulmonaires est réalisée en substitut ou complément de la chirurgie. Ses indications sont justifiées par la symptomatologie, et par le retentissement hémodynamique ou sur le développement du poumon.
L'angioplastie des artères pulmonaires constitue un substitut ou un complément de la chirurgie des cardiopathies congénitales. Dans les sténoses proximales elle est souvent plus efficace que la chirurgie. Dans les sténoses pulmonaires distales, elle permet de traiter des lésions inaccessibles au chirurgien, souvent en complément d’une chirurgie de réparation de la voie de sortie du ventricule droit. La sténose d’une artère pulmonaire peut compliquer l’évolution de nombreuses cardiopathies. Même si elle est parfois asymptomatique, elle peut entraîner des modifications hémodynamiques et une gêne fonctionnelle importantes.
Les indications généralement retenues pour l’angioplastie des artères pulmonaire sont :
– l’existence d’un retentissement clinique,
– une hypertension ventriculaire droite (> 60 % de la pression systémique),
– une hypoperfusion franche (< 30 %) du poumon concerné en cas de sténose unilatérale,
– un rétrécissement angiographique (> 50 %) avec ou sans gradient.
Grâce à la dualité de sa circulation pulmonaire et bronchique, le poumon semble protégé d’une éventuelle ischémie lors de l’occlusion d’une artère pulmonaire. Cependant, le développement plus ou moins lent des artères bronchiques associé à d’éventuels troubles de la ventilation peuvent avoir des effets délétères sur le métabolisme pulmonaire aérobie avec une diminution des concentrations d’ATP du poumon hypovascularisé. Même si le poumon reste toujours viable, l’occlusion d’une artère pulmonaire peut entraîner une hypoplasie définitive, surtout lorsqu’elle survient dans les premiers mois de vie.
L’angioplastie simple
Malgré une technique et des résultats en progrès constants depuis 25 ans, certaines sténoses ne répondent pas favorablement à l’angioplastie simple et nécessitent fréquemment l’implantation d’endoprothèses.
L’angioplastie des artères pulmonaires a considérablement évolué depuis son apparition au début des années 80. Initialement, avec utilisation de ballonnets à basse pression, le taux de succès était à peine de plus de 50 % aussi bien pour les artères pulmonaires centrales que périphériques. Depuis le début des années 90, sont utilisés des ballonnets à haute pression pouvant supporter des inflations de 17 à 20 atmosphères, ce qui a permis d’améliorer le pourcentage de succès. Malgré cela, un bon nombre de sténoses ne répondent toujours pas favorablement à l’angioplastie pour différentes raisons.
Les échecs précoces peuvent parfois être le fait de lésions trop rigides pour être dilatées, de compressions extrinsèques de la paroi vasculaire, de thromboses, voire de dissections. Plus souvent, ils sont dus à un phénomène de « recoil » ou « ressaut élastique ». Des échecs tardifs avec des resténoses peuvent survenir malgré un excellent résultat initial.
L’apparition de « cutting-balloons » également dérivés de la radiologie interventionnelle a permis de faire céder certaines sténoses rigides voire de diminuer les phénomènes de « recoil ». Ils peuvent améliorer les résultats de l’angioplastie en incisant la média de l’artère pulmonaire à dilater. Ils sont plutôt réservés aux sténoses périphériques en raison du risque traumatique sur les vaisseaux très proximaux. Malgré tous ces progrès techniques, les échecs de l’angioplastie au ballonnet restent encore fréquents.
Les endoprothèses ont permis de grands progrès
L’implantation d’endoprothèses, issue de la radiologie interventionnelle, permet d’améliorer considérablement ces résultats avec un taux de succès qui dépasse 80 % (figure 1).
Les endoprothèses utilisées sont encore le plus souvent non prémontées, avec une force radiale importante et doivent parfois être redilatées avec la croissance de l’artère. Les endoprothèses utilisées pour l’angioplastie des artères pulmonaires sont encore de nos jours le plus souvent non prémontées. Elles sont serties manuellement sur le ballon approprié au diamètre de la sténose à dilater. En effet, la plupart des endoprothèses prémontées utilisées en radiologie interventionnelle ne sont pas redilatables et ne doivent donc pas être utilisées chez des enfants puisque le succès initial d’une angioplastie artérielle pulmonaire risque de se transformer en échec avec la croissance de l’enfant et du vaisseau adjacent.
Figure 1. Sténose de l’artère pulmonaire gauche (A). Malgré l’utilisation d’un ballon à haute pression de 14 mm de diamètre gonflé à 12 atmosphères avec disparition de l’incisure (B), la sténose reste inchangée avec « recoil » immédiat. Cette sténose est alors traitée efficacement par l’implantation d’une endoprothèse non prémontée « Palmaz Genesis PG2910P » sur un ballon de 12 mm de diamètre (C).
Il est important de choisir des endoprothèses redilatables jusqu’à un diamètre suffisamment proche de la taille du vaisseau à l’âge adulte. L’inconvénient des stents non prémontés est qu’ils doivent être acheminés jusqu’au niveau de la sténose à dilater à travers des gaines de dimension d’1 ou 2 French en plus de la taille du ballon, en particulier pour le franchissement des valves tricuspides et/ou pulmonaires. Cela est parfois difficile lorsqu’il s’agit de sténoses pulmonaires périphériques, à gauche, ou chez le tout petit. Il peut être plus intéressant dans certains cas d’utiliser comme voie d’abord la veine jugulaire interne pour faciliter l’acheminement de ces gaines.
Enfin, en ce qui concerne les endoprothèses auto-expansibles, elles n’ont pas une force radiale suffisante et, avec un taux de néo-prolifération intimale important, elles restent pour le moment inadaptées à l’angioplastie pulmonaire.
Des innovations récentes ont fait progresser la technique
Depuis une dizaine d’années, le « Balloon In Balloon » (NuMED, Inc., Nicholville, NY, USA) est spécifiquement conçu pour l’implantation d’endoprothèses dans des sténoses congénitales ou acquises sur des gros vaisseaux. Il comprend un ballonnet interne et externe. Le ballonnet interne est plus court de 1 cm et s’expand à la moitié du diamètre du ballonnet externe, ce qui permet de stabiliser l’endoprothèse en regard de la lésion à dilater. Le ballonnet externe, dont le diamètre varie de 8 à 24 mm, permet d’implanter l’endoprothèse de la manière la plus précise sur la lésion à dilater.
De manière concomitante, a été développé le stent « CP » (NuMED, Inc., Nicholville, NY, USA), susceptible de fournir une meilleure stabilité et une force radiale plus importante que les autres endoprothèses dérivées de la radiologie interventionnelle. Ce stent peut être redilaté facilement, ce qui permet de l’adapter ultérieurement à la croissance somatique du vaisseau. Il se raccourcit également moins à l’expansion, ce qui permet une implantation plus précise. Enfin, sa constitution en platinium-irridium le rend plus radio-opaque et il est également mieux visualisé en IRM. Il faut aussi souligner l’existence d’endoprothèses CP couvertes qui peuvent être indiquées dans les lésions extrêmement serrées, lorsqu’une dissection ou une rupture de vaisseau est à craindre à la suite de l’angioplastie (figure 2).
Figure 2. Endoprothèse de type CP nue et couverte qui se caractérise par des bords arrondis, la rendant plus souple et moins traumatique ; elle peut être dilatée jusqu’à 25mm.
Parmi les nombreuses autres endoprothèses disponibles, le stent « Palmaz Genesis » (Cordis, Warren, NJ, USA), initialement développé pour traiter des sténoses biliaires en radiologie interventionnelle est, depuis 2003, l’une des endoprothèses les plus utilisées pour l’angioplastie des artères pulmonaires. Très flexible, il est facile à sertir et dispose d’une force radiale comparable à celle des anciens stent iliaques Palmaz, beaucoup moins flexibles. En fonction des différentes tailles, il peut être dilaté jusqu’à 20 mm de diamètre. Enfin, certaines endoprothèses prémontées sont maintenant redilatables, ce qui facilite les cathétérismes, même si les plus grandes tailles n’existent pas encore. On peut citer par exemple les stents de type « Genesis » (Cordis, Warren, NJ, USA), prémontés le plus souvent sur des ballons de type « Opta » (Cordis, Warren, NJ, USA).
Une technique rigoureuse
La méthodologie de l’angioplastie des artères pulmonaires obéit à une hiérarchie rigoureuse. Le risque reste modéré à condition que ce geste soit réalisé par un opérateur expérimenté dans un centre avec la chirurgie cardiaque sur site.
Dans tous les cas, il est souhaitable de commencer par une angioplastie simple au ballonnet, utilisant d’emblée des ballons à haute pression, dont le diamètre doit être au moins deux fois égal à la sténose à dilater. En cas d’échec de l’expansion du ballon en raison d’une paroi artérielle trop rigide sur une sténose pulmonaire distale, l’utilisation d’un cutting-balloon peut être parfois envisagée, dont le diamètre doit être inférieur ou égal à celui du vaisseau adjacent à la sténose. En cas d’échec, le plus souvent lié à un phénomène de « recoil », il faut envisager l’implantation d’une endoprothèse, sauf en cas de sténose rigide et calcifiée ne permettant pas l’expansion des différents ballons utilisés.
Même s’il n’y a pas de consensus, les critères de réussite de l’angioplastie pulmonaire habituellement retenus sont les suivants :
- > 20 % de diminution du rapport de pression systolique ventricule droit/aorte en cas de lésions multiples et bilatérales ;
- > 20 % d’augmentation du flux pulmonaire dans le poumon sténosé sur la scintigraphie en cas de sténose pulmonaire unilatérale.
Malgré des procédures souvent longues et complexes en cas de sténoses multiples, le risque de l’angioplastie des artères pulmonaires reste relativement modéré. Une série rétrospective de près de 800 patients du Children’s Hospital de Boston a identifié environ 3 % de complications traumatiques graves avec 0,7 % de décès. Compte tenu des risques de dissection voire de rupture de l’artère pulmonaire, il est fortement souhaitable de réaliser toute angioplastie pulmonaire dans un centre avec la chirurgie cardiaque sur site.
L’implantation d’endoprothèses n’est pas contre-indiquée chez le petit enfant
Elle doit pourtant être réservée aux cas où l’indication est vitale pour sauvegarder la perfusion pulmonaire. On peut se contenter d’un résultat suboptimal avec l’angioplastie au ballonnet à haute pression pour éviter l’implantation d’endoprothèse chez le tout petit. Celle-ci n’est néanmoins pas contre-indiquée dans la mesure où elle peut être redilatée et s’expandre jusqu’à un diamètre voisin de celui du vaisseau à l’âge adulte (figure 3).
Figure 3. A. Résultat de l’angioplastie de la portion moyenne de l’artère pulmonaire droite chez une fillette de 4 ans (12 kg) avec l’implantation d’une endoprothèse non prémontée « Palmaz Genesis PG184P » (18 mm de longueur, à dilater au minimum à 4 mm) sur un ballon de 8 mm de diamètre. Trois ans et demi plus tard, en raison d’une resténose avec néoprolifération intimale et également d’une sténose en amont (B), l’endoprothèse est redilatée à son diamètre maximal (12 mm), ce qui entraîne un raccourcissement extrême de celle-ci (C) et correspond à peu près au diamètre définitif de cette portion de l’artère pulmonaire droite à l’âge adulte. La sténose plus proximale est alors traitée efficacement par l’implantation d’une endoprothèse non prémontée « Palmaz Génésis PG2910P » sur un ballon de 12 mm de diamètre (D) après échec de l’angioplastie au ballonnet à haute pression. Cette endoprothèse est redilatable jusqu’à un diamètre de 18-20 mm.
En cas de sténose unilatérale, la scintigraphie pulmonaire de perfusion est particulièrement intéressante pour l’évaluation et la surveillance de la perfusion pulmonaire. Elle est peu irradiante et, dès que le degré de coopération des enfants le permet, c’est-à-dire vers l’âge de 7-8 ans, elle peut être couplée à une étude de la ventilation avec le Krypton 81m afin d’avoir une idée de l’espace mort généré par l’hypoperfusion du poumon gauche. Sa courte période et son émission g pure minimisent les problèmes de radioprotection et autorisent son emploi chez le tout jeune enfant.
En pratique
L’angioplastie des artères pulmonaires réalisée en substitut ou complément de la chirurgie de cardiopathies congénitales parfois complexes permet, dans la majorité des cas, de restaurer une perfusion pulmonaire voisine de la normale et de minimiser les conséquences hémodynamiques sur le ventricule droit.
Elle nécessite souvent des procédures longues et complexes et les meilleurs résultats sont fréquemment obtenus au prix de l’implantation d’endoprothèses. Ces dernières, lorsqu’elles sont utilisées chez l’enfant, sont le plus souvent non prémontées avec la possibilité d’être redilatées avec la croissance de l’artère.
Le risque de l’angioplastie des artères pulmonaires est relativement maîtrisé, sous réserve qu’il soit réalisé par un opérateur expérimenté avec la chirurgie cardiaque sur site.
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