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Cardiomyopathies

Publié le 29 nov 2011Lecture 5 min

La cardiomyopathie du péripartum : quelle place pour la bromocriptine ?

F. MOUQUET1, P. DE GROOTE2 1. Polyclinique du Bois, Lille, 2. CHRU Lille

La cardiomyopathie du péripartum (CPP) est une étiologie rare d’insuffisance cardiaque. Sa définition a récemment été reformulée par le groupe de travail européen comme « une dysfonction systolique ventriculaire gauche, sans étiologie identifiable, survenant en fin de grossesse ou durant les mois suivant l’accouchement, responsable d’un tableau clinique d’insuffisance cardiaque. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Le diagnostic doit être confirmé par la mesure de la fonction systolique qui est < 45 %(1) ».

Cette cardiomyopathie atteint donc, par définition, des femmes jeunes, et se traduit par une dysfonction systolique ventriculaire gauche dont le traitement actuel est basé sur l’association classique IEC/bêtabloquant. Bien que plusieurs hypothèses physiopathologiques aient été avancées, les causes exactes de cette affection restent inconnues. Récemment, l’hypothèse de la toxicité d’un peptide issu de la dégradation de la prolactine a été suggérée, laissant entrevoir de nouvelles perspectives thérapeutiques.   Traitement et pronostic actuel L’évolution est favorable chez 40 à 50 % des patientes qui, au décours de la phase aiguë, récupéreront une fonction systolique ventriculaire gauche normale. Parmi les patientes qui ne normalisent par leur fonction systolique, la majorité restera stable sous traitement médicamenteux. La mortalité dans les populations caucasiennes est évaluée à 1-2 %, mais peut atteindre 15 à 20 % dans les populations africaines. Le traitement médicamenteux ne présente pas de spécificité et associe les diurétiques et la restriction hydrosodée à la phase aiguë, avec un traitement de fond associant les IEC et les bêtabloquants (en gardant en mémoire que les IEC ne peuvent pas être introduits avant l’accouchement). Par ailleurs, le risque thromboembolique semblant plus élevé chez ces patientes, certaines équipes recommandent l’instauration systématique d’un traitement anticoagulant efficace si la fonction systolique est < 35 %(2).   Physiopathologie : l’hypothèse de la prolactine Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été avancées, mais aucune ne fait l’unanimité. Ces hypothèses reposent sur les effets délétères des médiateurs de l’inflammation (IL6, IFN, etc.), l’infection virale par les parvovirus B19, HSV6, EBV ou CMV, ou une réaction auto-immune, notamment par la synthèse d’anticorps anti-actine/myosine. Plus récemment, l’équipe d’Hilfiker-Kleiner a pointé le rôle d’un peptide issu du clivage de la prolactine, hormone de la lactation(3). Il a, en effet, été démontré dans un modèle expérimental murin que l’augmentation du stress oxydant intramyocardique augmente l’activité enzymatique de la cathepsine D et son relargage dans la circulation sanguine, responsable du clivage de la prolactine qui aboutit à la libération d’un peptide de 16 kda. Ce peptide a des propriétés antiangiogénique et proapoptotique, responsables d’une inadéquation de la vascularisation myocardique et d’une dysfonction contractile des cardiomyocytes (figure). Il en résulte une inadaptation du myocarde au stress hémodynamique de la grossesse, avec dysfonction systolique et insuffisance cardiaque clinique. Dans ce modèle expérimental, le traitement des animaux par la bromocriptine, inhibiteur de la sécrétion de la prolactine, prévient la survenue d’une cardiomyopathie du péripartum. Physiopathologie (selon Hilfiker-Kleiner). Les premières données cliniques en traitement curatif Suite aux résultats de ce modèle expérimental, un premier essai clinique randomisé a été mis en place et récemment publié(4). Il s’agissait d’un essai clinique monocentrique mené par l’équipe de K. Sliwa en Afrique du Sud. Les critères d’inclusion étaient un tableau d’insuffisance cardiaque durant le dernier mois de grossesse ou, au plus tard, 1 mois après l’accouchement, avec une dysfonction systolique < 35 % en échographie cardiaque. Vingt patientes ont été randomisées en ouvert, 10 recevant un traitement standard associant diurétiques/IEC/bêtabloquant, 10 recevant le traitement standard plus la bromocriptine à la posologie de 2,5 mg x 2/j pendant 15 jours puis 2,5 mg pendant 6 semaines. Le critère reposait sur la mortalité, l’évolution du stade NYHA et de la fonction systolique en échographie. Après 6 mois de traitement, 80 % des patientes du groupe traitement standard avaient présenté un événement contre 10 % des patientes traitées par bromocriptine (p = 0,006). En particulier, 4 décès ont été observés dans le groupe standard contre 1 décès dans le groupe bromocriptine (40 % vs 10 %). Ces résultats semblent donc conforter l’intérêt potentiel du traitement par bromocriptine en sus du traitement standard. Cependant, cet essai présente de nombreuses limites sur le plan méthodologique, notamment un probable biais de sélection (mortalité anormalement élevée dans le groupe standard) et l’absence d’analyse des événements en aveugle. Ces résultats ne sauraient donc être une base suffisante pour justifier d’une utilisation systématique en pratique clinique. Un autre essai randomisé multicentrique est en cours en Allemagne.   Une indication en traitement préventif des récidives ? Dans la continuité de leur modèle expérimental, l’équipe de Hilfiker-Kleiner a testé l’intérêt potentiel d’un traitement par bromocriptine dans un essai de phase I non randomisé sur 12 patientes enceintes ayant des antécédents de CPP(3). Les 6 patientes traitées par bromocriptine ont eu un pronostic favorable et sont demeurées asymptomatiques, alors que 3 des 6 patientes non traitées par bromocriptine sont décédées, tandis que les 3 autres ont présenté une altération significative de leur fonction cardiaque. Ces résultats restent très préliminaires, mais suggèrent qu’il serait possible, chez les patientes ayant présenté une CPP et étant de nouveau enceintes, de prévenir le risque de récidive dont le pronostic peut être effroyable du fait d’une mortalité pouvant atteindre 50 % des patientes.   Les effets indésirables potentiels du traitement par bromocriptine Les effets indésirables majeurs liés à la prise de bromocriptine sont le risque d’accident embolique artériel (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde), le risque de poussée hypertensive et potentiellement d’éclampsie en cas de prescription avant l’accouchement, le risque d’hypotension orthostatique et plus rarement de collapsus cardiovasculaire. Bien que le risque embolique soit remis en question, certaines équipes recommandent la prescription systématique d’un traitement anticoagulant en association avec la bromocriptine.   Quelle indication de la bromocriptine en pratique ? (encadré ci-dessus) Les données actuelles restent trop préliminaires pour qu’un traitement par bromocriptine soit recommandé de manière systématique et le traitement de référence reste l’association IEC/bêtabloquant, en gardant en mémoire la contre-indication absolue des IEC durant la grossesse. • Si le diagnostic est posé durant le 1er mois suivant l’accouchement, la bromocriptine peut être envisagée si l’état clinique reste précaire 15 jours après l’introduction des IEC et des bêtabloquants. Dans ces conditions, le traitement sera prescrit à la posologie de 2,5 mg x 2/j pendant 15 j, puis 2,5 mg pendant 6 semaines. En raison du risque embolique potentiel, l’association à un traitement anticoagulant à dose efficace doit être discutée. • Si le diagnostic est posé au-delà d’1 mois suivant l’accouchement, le traitement n’est probablement plus indiqué. • Enfin, en cas de nouvelle grossesse chez une patiente ayant présenté une CPP, un traitement par bromocriptine initié durant le dernier mois de la grossesse doit être discuté de manière collégiale avec l’obstétricien et l’anesthésiste en charge de la patiente(1).   En pratique   La cardiomyopathie du péripartum est une cause rare d’insuffisance cardiaque qui concerne des femmes jeunes, dont plus de la moitié ne récupère pas de manière satisfaisante malgré un traitement médical optimal. L’éventualité d’un traitement par la bromocriptine repose sur des données expérimentales solides, et les premières données cliniques sont encourageantes. Cependant, il est encore trop tôt pour envisager ce traitement de manière systématique, et son indication doit être discutée au cas par cas.

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