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Thérapeutique

Publié le 29 nov 2011Lecture 4 min

Les anti-TNF et le cardiologue

P. AMBROSI, CHU Timone, Marseille

Le cardiologue est régulièrement sollicité pour le suivi de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), de spondylarthrite ankylosante (SPA), de rhumatisme psoriasique ou de colite inflammatoire. Les deux principales questions qui lui sont posées sont l’évaluation d’une insuffisance aortique et la non-contre-indication d’un traitement par anti-TNF.
Le cardiologue est alors souvent perplexe et ignore parfois jusqu’au nom des médicaments employés. L’étanercept (Enbrel®), l’infliximab (Rémicade®) et l’adalimumab (Humira®) ont révolutionné le pronostic des rhumatismes inflammatoires, mais, comme on le verra plus loin, ils peuvent provoquer ou faciliter des insuffisances cardiaques (tableau ci-dessous).

Un TNF élevé associé à un mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque Le TNF (tumor necrosis factor) est une cytokine médiateur de l’inflammation sécrétée par de nombreux types cellulaires dont le foie, la rate, le rein et le cœur. En cas d’insuffisance cardiaque, sa sécrétion est augmentée. Le pronostic alors est d’autant plus sombre que la concentration plasmatique en TNF est élevée. De plus, dans les modèles expérimentaux, le TNF favorise la fibrose et le remodelage myocardique et a un effet inotrope négatif. On a donc cru pendant plusieurs années, que les anti-TNF seraient un traitement de l’insuffisance cardiaque. En fait, il n’en est rien.   Anti-TNF : une augmentation de la morbi-mortalité dans l’insuffisance cardiaque ? Deux essais cliniques de morbi-mortalité ont été publiés testant l’étanercept chez des insuffisants cardiaques, RENAISSANCE et RECOVER (figure). Tous deux ont dû être arrêtés prématurément en raison de l’absence d’effet favorable sur les événements avec même une tendance en faveur d’un effet délétère dans RENAISSANCE. L’infliximab a été testé dans l’étude ATTACH chez des insuffisants cardiaques sévères (figure). L’infliximab a augmenté significativement la mortalité et le nombre d’hospitalisations. Il n’existe pas d’explication claire à cet effet paradoxal. Étant donné que les anti-TNF favorisent les infections, il est possible que certains cas s’expliquent par une myocardite. On s’attendait donc à observer des cas d’insuffisance cardiaque de novo chez les patients recevant des anti-TNF pour des indications non cardiologiques, ce qui a été le cas. Effet de deux anti-TNF sur la morbi-mortalité cardiovasculaire chez des insuffisants cardiaques dans 3 essais randomisés en double aveugle. Une augmentation des cas d’insuffisance cardiaque ? La pharmacovigilance a décrit des cas d’apparition ou d’aggravation de l’insuffisance cardiaque chez des patients traités par anti-TNF pour des rhumatismes inflammatoires. L’article clef est un rapport de la FDA (Medwatch) de 2002. Il recense d’une part 9 patients chez lesquels l’insuffisance cardiaque s’est aggravée sous anti-TNF, et d’autre part 38 cas où est apparue une insuffisance cardiaque sous anti-TNF. Dans tous les cas, la fraction d’éjection ventriculaire gauche est abaissée entre 10 % et 45 %. La moitié de ces patients n’avait pas de facteur de risque pour l’insuffisance cardiaque. Le devenir de l’insuffisance cardiaque de ces patients est détaillé pour les 10 patients les plus jeunes, âgés de moins de 50 ans. Après arrêt de l’anti-TNF, 3 guérissent, 6 s’améliorent et 1 meurt. Le délai médian entre le début du traitement et le diagnostic d’insuffisance cardiaque était de 3,5 mois (extrêmes 24 h-24 mois). Depuis cette publication, des cohortes ont permis d’estimer le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque de novo. Elle est de 0,2 % sous étanercept (Enbrel®) ou infliximab (Remicade®) dans la série de Curtis (2007), où 4 018 PR et Crohn ont été suivis 18 mois en moyenne. Elle est de 0,3 % sous adalimumab (Humira®) dans la série de Schiff (2006), où 10 050 PR ont été suivies 15 mois en moyenne. Il est cependant difficile d’estimer la part qui revient au médicament et la part qui revient aux cardiopathies.   On sait par exemple que dans la PR, la fréquence des coronaropathies et de l’insuffisance cardiaque est plus élevée que dans la population générale, même en l’absence de traitement par anti-TNF. Par exemple, dans la série de la Mayo Clinic, après ajustement pour l’âge et le sexe, le fait de présenter une PR double le risque d’insuffisance cardiaque. Surveillance cardiologique et contre-indications des anti-TNF L’incidence de l’insuffisance cardiaque sous anti-TNF est trop faible pour justifier un dépistage autrement que par l’interrogatoire avant mise sous anti-TNF. De plus, il est très difficile de pronostiquer la survenue d’une insuffisance cardiaque sous ce type de traitement. En d’autres termes, la consultation systématique du cardiologue avant le début de ce traitement n’est pas recommandée, pas plus qu’un ECG ou une échocardiographie de principe. En revanche, le cardiologue entre en jeu lorsqu’il s’agit de débuter un traitement par anti-TNF chez un cardiaque connu. Comme le montre l’encadré ci-dessus, l’insuffisance cardiaque sévère est une contre-indication à ce type de traitement. Dans les formes moins graves en revanche, le traitement peut être mis en route sous réserve d’une surveillance cardiologique. La survenue d’une poussée d’insuffisance cardiaque sous un anti-TNF signifie-t-elle la contre-indication définitive de tous les anti-TNF ? Il n’existe pas de réponse bien argumentée à cette question. Nous avons observé un cas où la réintroduction à distance d’un autre anti-TNF n’a pas provoqué de nouvelle poussée d’insuffisance cardiaque. Il s’agissait d’une patiente porteuse d’une polyarthrite rhumatoïde âgée de 70 ans ayant présenté une insuffisance cardiaque avec FEVG = 20 % sous infliximab (Rémicade®) d’évolution rapidement favorable après arrêt de ce traitement. En raison du caractère évolutif et délabrant de sa polyarthrite, de l’étanercept (Enbrel®) a été introduit 2 ans après sans provoquer de nouvelle poussée d’insuffisance cardiaque avec un suivi de 7 ans.

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