Publié le 21 mar 2006Lecture 6 min
Revue de presse - Page sportive !
A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil
On s’intéresse beaucoup ces temps-ci à l’activité physique. Cette analyse rapporte quatre articles différents, publiés au cours de l’été dernier et centrés sur les rapports entre capacité physique et risque cardiovasculaire.
Analyse
Un article de physiologie un peu déprimant mais très instructif
Les auteurs ont suivi 375 femmes et 435 hommes, âgés de 21 à 87 ans et en bonne santé tout au long de l’étude. Ces hommes et ces femmes ont réalisé chacun au moins deux tests d’effort avec mesure de la VO2max. Au total, ce sont 2 302 mesures de consommation maximale d’oxygène qui sont à la disposition des observateurs. Ces mesures sont étagées sur une période de 20 ans et permettent donc d’évaluer la pente de décroissance de la performance physique en fonction de l’avancée en âge aux diverses époques de la vie.
Cet article montre que la capacité physique maximale estimée par différents indices :
• ne décroît pas de 20 à 40 ans (une légère montée entre 20 et 30 précède une légère descente entre 30 et 40),
• baisse faiblement de 40 à 50 ans puis bien plus rapidement et de plus en plus vite au cours des trois décennies suivantes.
Même en ajustant les résultats sur la masse maigre, on obtient des résultats semblables ; il s’agit donc d’un phénomène inhérent à la mécanique cardiorespiratoire et musculaire.
L’entraînement physique permet de se maintenir à un niveau de performance supérieur à celui des non entraînés, mais la descente est non moins inéluctable et d’une vitesse similaire à celle des non entraînés.
Vous me direz que vous vous étiez aperçus de cela vous-mêmes mais jusqu’à présent, la théorie qui prévalait était que la baisse était régulièrement progressive car les données avaient été établies en comparant des sujets d’âges différents et non en comparant des sujets à eux-mêmes. Cette accélération inéluctable ne condamne pas l’entraînement physique puisque celui-ci permet de maintenir un niveau supérieur mais explique mieux qu’une désadaptation physique consécutive à une maladie invalidante ait des conséquences plus dramatiques à partir de 70 ans qu’avant.
Le deuxième article est aussi un suivi longitudinal d’une cohorte de sujets bien portants chez lesquels on a mesuré la capacité d’effort à l’entrée
On a également mesuré leurs facteurs de risque cardiovasculaire et vérifié qu’aucun ne correspondait à la définition du syndrome métabolique (3 parmi 5 anomalies : obésité abdominale, HTA limite, triglycérides élevés, HDL-cholestérol bas ou glycémie > 1,1 g/l). Les sujets ont été suivis pendant 5,6 années et on a mesuré l’apparition d’un syndrome métabolique.
De façon non surprenante, le risque de survenue d’un syndrome métabolique est plus important chez les sujets ayant un poids plus élevé à l’entrée et chez les sujets ayant déjà une ou deux des anomalies définissant ce syndrome. Mais l’intérêt de l’étude est de montrer que, quel que soit le profil des sujets, le fait d’appartenir au tiers supérieur de performance physique divise par 2 ou plus de 2 le risque de développer un syndrome métabolique. Ce résultat permet à l’éditorialiste de poser cette question simple : pouvons-nous nous permettre d’être sédentaire et médiocre en termes de performance physique ? La réponse est clairement non.
Notre mode de vie étant, quoi qu’il arrive, de plus en plus sédentaire, le contrôle du poids et l’activité physique sont les passages obligés de la prévention du syndrome métabolique.
Un troisième article enfonce le clou à un âge plus précoce
Il s’agit encore d’un suivi longitudinal de 1 200 jeunes filles blanches et 1 200 jeunes filles noires. Elles ont été examinées entre 9 et 19 ans à plusieurs reprises et on a évalué par des questionnaires, mesurant tous les types d’activité physique hebdomadaire, leur déclin d’activité physique au cours de l’adolescence. Cette étude avait montré que le déclin d’activité physique moyen au cours de l’adolescence était dramatique chez les jeunes filles américaines puisque d’un niveau équivalent à celui des garçons, les jeunes filles, et particulièrement les jeunes filles noires, évoluaient vers un niveau 0 d’activité physique entre 16 et 18 ans.
Cette nouvelle analyse corrèle cet effondrement de l’activité physique et l’apparition du surpoids et de l’obésité.
Le déclin de l’activité physique est directement relié à l’augmentation du poids et à l’apparition de la graisse sous-cutanée mesurée par l’épaisseur des plis en différentes parties du corps.
Ces demoiselles ont été classées en fonction de leur activité physique hebdomadaire en « active », « légèrement active » et « inactive ». Chez les jeunes filles noires, l’indice de masse corporelle (IMC) (poids/taille2) augmente de 19 en moyenne à 10 ans pour atteindre, à 18 ans, 24 chez celles qui sont actives, 26 chez celles qui sont modérément actives et 28 chez les inactives. De même, chez les jeunes filles blanches, on passe de 17 à 10 ans à 23, 24 ou 25 kg/m2, suivant le degré d’activité.
- L’intérêt de cette étude est de montrer :
• que la baisse de l’activité physique précède la prise de poids
• que la prise de poids peut être « contenue » par l’activité physique.
- L’autre intérêt est d’arriver à définir la diminution brutale de l’activité physique de l’adolescence comme une authentique maladie contre laquelle il faut lutter par tous les moyens possibles.
Last but not least, l’étude de Framingham nous fait part du suivi de 6 126 sujets avec 20 ans de recul
Une épreuve d’effort a été pratiquée et nos joyeux Bostoniens ont retenu deux paramètres : la performance maximale d’effort et la rapidité de la décroissance de la fréquence cardiaque. Les sujets étaient bien portants au moment de l’épreuve d’effort, avaient 45 ans de moyenne d’âge et un risque d’accident coronaire faible.
Pendant les 20 ans de suivi, 246 décès de cause cardiovasculaire se sont produits. Sur ces 246 décès, 221 se sont produits chez des sujets ayant une performance d’effort ou une récupération en dessous de la moyenne pour le groupe.
Vous avez bien lu, dans une population à bas risque, 91 % des décès cardiovasculaires prématurés se produisent dans la moitié de la population la moins performante au plan physique.
Bien entendu, il faut ensuite ajuster sur les facteurs de risque et sur tout un tas de paramètres pour faire de l’épidémiologie di qualita, mais il demeure que, si l’on ajoute au score de risque classique de Framingham, la performance d’effort et la qualité de la récupération, on identifie mieux la population à risque d’événement cardiovasculaire.
Pour conclure cette page sportive, que dire ?
L’amoncellement des connaissances identifie la capacité physique moyenne d’une population comme un indicateur de risque particulièrement pointu au-delà, et peut-être au-dessus, de tous les indicateurs de consommation de gras, de sel et autres toxiques graves.
On peut deviner en voyant les jeunes filles françaises que l’athérosclérose les menace moins que leurs homologues américaines. Est-ce une raison pour relâcher la vigilance dans les lycées ? Certes non ! On peut se réjouir de voir les multitudes crosser, rouler, patiner le dimanche. Est-ce assez ? Certes non !
Les moins favorisés des Français sont de plus en plus exclus de ces pratiques saines. On doit approuver la multiplication des maisons destinées à réadapter les cardiaques. Est-ce assez sur le long terme ? Non plus !
Les efforts d’un jour n’ont de valeur que s’ils sont prolongés sur la durée. C’est à nous tous et surtout aux politiques qu’il appartient de prendre en charge la prévention de l’obésité, la lutte contre la sédentarité. Attention, il y a du travail : une dernière étude présentée au congrès européen de cardiologie montre que la capacité maximale d’effort des petits Canadiens a diminué de 30 % en 40 ans ! Pour les petits Français, on ne sait pas mais cela ne doit pas être très différent. Comment voulez-vous que cela n’ait pas de conséquence ?
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