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Vasculaire

Publié le 01 juin 2010Lecture 9 min

Pièges de la quantification des sténoses de l'artère carotide interne

A. ELIAS, Centre hospitalier Toulon, La Seyne Sur Mer

Le degré de sténose de l’artère carotide interne (ACI) cervicale est un des éléments clés de la décision opératoire, en particulier chez les patients symptomatiques, ayant présenté un accident vasculaire cérébral ischémique régressif ou transitoire dont le début remonte à moins de 3 à 6 mois. Les ultrasons utilisés en première ligne pour le diagnostic vont pouvoir guider le traitement et la nécessité de réaliser d’autres examens complémentaires. Ils seront utiles aussi pour la surveillance de l’évolution. C’est dire l’intérêt de bien connaître les méthodes de quantification de la sténose par les ultrasons ainsi que leurs pièges et limites.

La méthode de référence : l’artériographie C’est l’artériographie qui a été utilisée dans les essais cliniques et, de ce fait, elle est considérée comme la méthode de référence pour la quantification d’une sténose de l’ACI. Les deux méthodes les plus connues sont basées sur le calcul de la réduction du diamètre au niveau de la sténose en prenant comme référence, soit le diamètre de l’ACI distale (méthode NASCET), soit celui de l’ACI au bulbe (méthode ECST). Les deux méthodes fournissent des degrés de sténose différents pour une même réduction de diamètre. La figure montre les correspondances des degrés de sténose entre les deux méthodes. C’est maintenant la méthode de quantification NASCET qui est la plus utilisée. L’artériographie est invasive, nécessite un cathétérisme ainsi qu’une injection de contraste pouvant être à l’origine de complications. Elle n’est actuellement que rarement réalisée même dans le cadre d’un bilan préopératoire. L’échographie Doppler standardisé   La méthode de première ligne Cette méthode non invasive peut être associée en cas de décision opératoire soit à une angioRM soit à un scanner avec injection de contraste. Ces deux techniques sont performantes mais comportent certaines limites : surestimation de la sténose et fibrose systémique néphrogénique possible en rapport avec l’injection de gadolinium en cas d’insuffisance rénale avec l’angioRM, difficulté de quantification en raison des calcifications avec le scanner. Comment alors s’y prendre pour rapporter un degré de sténose avec les ultrasons d’une façon identique à celle de l’artériographie selon la méthode NASCET ? Pour cela, des paramètres morphologiques et hémodynamiques sont utilisés. Le tableau montre les critères recommandés par la conférence de consensus de 2003 pour la quantification de différents degrés de sténose. Seuls les critères hémodynamiques sont validés en termes d’efficacité diagnostique comparativement avec l’artériographie. Les études comportent des flous méthodologiques importants dont il n’est pas question ici et les seuils de vitesse diffèrent selon ces études. C’est dire toute l’importance de la standardisation rapportée par cette réunion de consensus. Comment réaliser l’exploration par ultrasons ? Réussir une bonne exploration et quantification nécessite que des conditions optimales soient réunies et dépendra de la qualité de l’appareillage, de l’expérience de l’opérateur, de la morphologie du patient et de l’anatomie normale et pathologique des structures examinées. L’appareillage L’appareil d’échographie Doppler couleur et pulsé doit être performant de telle sorte à pouvoir fournir une image en mode B et un signal Doppler quelles qu’en soient ses modalités, de grande qualité. Des sondes adaptées à la morphologie et à la profondeur des structures doivent être utilisées. Il n’est pas rare lors d’un même examen d’avoir recours à plusieurs sondes, linéaires ou curvilignes, de dimension variable ou de fréquences d’émission différentes. L’exploration peut faire appel de façon inhabituelle à une sonde de faible fréquence d’émission en imagerie de type phased-array pour visualiser une artère carotide interne très haut située. Une sonde d’échographie Doppler transcrânien est utilisée pour évaluer le retentissement d’aval de la sténose et rechercher des lésions artérielles intracrâniennes associées. L’opérateur Il joue un rôle important. Comme pour tout autre examen/exploration en médecine, l’expérience antérieure permet de déjouer les pièges et de connaître ses propres limites et les limites liées à la technique. D’abord, l’opérateur doit pouvoir distinguer une artère carotide interne d’une artère carotide externe (ACE). L’ACE présente des caractéristiques anatomiques et physiologiques spécifiques. En imagerie (mode B, couleur, énergie), elle est plus interne que l’ACI, de plus faible diamètre à l’origine et présente des collatérales dont la première est la thyroïdienne supérieure qui suit un trajet descendant vers la thyroïde avec un flux de sens opposé à celui de la carotide commune. En Doppler, la courbe de vélocité présente une incisure mésosystolique, son flux diastolique est nettement plus faible et sa caractéristique principale est de répondre à des impulsions répétés sur l’artère temporale homolatérale, qui s’inscrivent sur la courbe de vélocité de l’ACE et non sur celle de l’ACI. Cette dernière caractéristique est importante et à prendre en considération pour identifier une ACE qui présente une sténose sévère et dont le flux diastolique est alors accéléré et peut ressembler à celui de l’ACI. Une fois l’ACI identifiée, il faut rechercher une sténose. Le plus souvent, une plaque y est associée et elle est facilement visualisée en échographie mode B ou en imagerie « couleur ». Cette dernière permet de voir certaines plaques très hypo-échogènes exceptionnellement non visibles en mode B. En tout cas, une bonne exploration en imagerie « couleur » avec un réglage adéquat permet de mieux cerner le pourtour de cette plaque. Actuellement, il n’est pas possible d’utiliser le « volume » de la plaque pour estimer l’importance de la sténose. En tout cas, ceci n’est pas pour l’heure validé et utilisable dans la pratique. La sténose est plutôt recherchée par l’analyse du signal Doppler. Selon l’importance de la sténose, le signal Doppler peut montrer des perturbations spectrales avec dispersion des vélocités au sein de la sténose et en aval immédiat, une accélération plus ou moins importante des vitesses et d’abord des vitesses maximales systoliques, ensuite des vitesses télédiatoliques (signes directs). Selon la sévérité de la sténose, on peut avoir aussi une diminution en amont des vitesses télédiatoliques sur l’ACI ou l’artère carotide commune et en aval des vitesses maximales systoliques sur l’ACI ou sur l’artère cérébrale moyenne ou encore sur l’artère ophtalmique (signes indirects). Une plaque calcifiée sur la paroi artérielle superficielle projetant un cône d’ombre large peut rendre difficile, voire parfois impossible mais rarement, la détection et l’évaluation du degré de sténose.   Comment quantifier la sténose ?   Lorsque des anomalies spectrales sont mises en évidence, il faut quantifier la sténose en utilisant les paramètres hémodynamiques (en Doppler) et les paramètres morphologiques. Le Doppler permet de mesurer les vitesses au sein de la sténose et d’analyser le retentissement en amont et en aval. Il obéit à des règles strictes : réglage optimal de l’image en mode B et en couleur (gain, échelle des vitesses, priorité couleur, etc.), utilisation d’une fréquence d’émission en Doppler pulsé entre 3 à 6 MHz (4,5 MHz en pratique), recueil du signal en Doppler pulsé au maximum des perturbations spectrales guidé par la couleur, adaptation du « volume » d’échantillon à la largeur du vaisseau ou uniquement à la zone de perturbation pour les sténoses de faible importance permettant ainsi une analyse plus fine du spectre et enfin, et surtout, analyse des vélocités avec un angle Doppler de 45 à 60° (proche de 50 à 55° en pratique). Le réglage du gain et des échelles de vitesse est essentiel aussi pour distinguer les sténoses pseudo occlusives des vraies occlusions. L’autre façon de procéder à la quantification de la sténose, complémentaire à l’analyse en Doppler, est la mesure des diamètres de la sténose et de l’ACI de référence comme à l’artériographie. Il est préférable de faire les mesures en coupe longitudinale plutôt qu’en coupe transversale, ce qui permet de voir à la fois le site de la sténose et celui du diamètre de référence. Des mesures de surface en coupe transversale par méthode planimétrique sont parfois proposées mais elles peuvent être plus difficiles à réaliser et donnent des valeurs de sténose totalement différentes des mesures de diamètre. Le diamètre au niveau de la sténose est donc mesuré en coupe longitudinale en positionnant le « caliper » à la partie la plus interne de la lésion, qu’on visualise en image mode B ou en mode couleur ou énergie (pour certains en « B flow » ou « E Flow »). Un aspect irrégulier, un aspect anéchogène ou très hypoéchogène ou au contraire calcifié de la plaque peuvent rendre difficile l’appréciation précise du site de mesure au sein de la sténose. C’est pourquoi il faut s’aider des autres modes d’imagerie. Le diamètre de référence est celui de l’ACI distale ou de l’ACI au bulbe. Le « caliper » est positionné au niveau de la partie la plus interne de la paroi à distance d’une lésion éventuelle. Le pourcentage de réduction du diamètre est calculé de la même façon qu’avec l’artériographie selon la méthode NASCET ou ECST, avec l’avantage en ultrasons, en particulier au bulbe, d’une définition plus précise du site de mesure du diamètre de référence que ne peut obtenir l’artériographie. Lorsque le diamètre de l’ACI distale est inaccessible à la mesure par une sonde d’échographie linéaire, on peut utiliser une sonde curviligne plus petite ou une sonde permettant d’accéder aux structures plus profondes mais ceci, au prix d’une altération de la définition de l’image et donc d’une moindre précision de la mesure. Il est très important de signaler sur le compte-rendu la méthode de mesure utilisée pour la quantification de la sténose en précisant s’il s’agit d’une méthode morphologique NASCET ou ECST ou s’il s’agit d’une mesure en Doppler. Le diamètre de la sténose, le diamètre de référence et le pourcentage de réduction en diamètre doivent être notés de même que les vitesses maximales systoliques et les vitesses télédiatoliques au niveau de la sténose, les vitesses au niveau de l’artère carotide commune à distance de la bifurcation et l’angle Doppler utilisé pour la mesure. Le rapport des vitesses maximales systoliques (carotide interne/carotide commune) est aussi reporté. C’est un critère supplémentaire intéressant qui peut améliorer la spécificité des résultats de l’exploration, en tout cas particulièrement utile dans certaines conditions physiologiques ou pathologiques (insuffisance cardiaque, rétrécissement aortique, hyperthyroïdie, sténose sévère controlatérale ou occlusion) qui peuvent modifier les vélocités en valeur absolue mais probablement moins en valeur relative. Ce rapport a priori plus robuste pourrait être utile pour le suivi d’une sténose afin d’en apprécier l’évolutivité dans le temps ou le suivi après un geste chirurgical ou endovasculaire. Les critères de sténose dans ces situations peuvent être différents et ne sont pas pour le moment entièrement validés ou consensuels.   En pratique   Quantifier une sténose de l’artère carotide interne est une étape importante dans l’indication opératoire après un accident vasculaire cérébral ischémique régressif ou transitoire. L’artériographie n’est plus actuellement utilisée et peut être remplacée par l’échographie Doppler, méthode non invasive et efficace, utilisée en première ligne mais qui peut être associée à une angioRM ou un scanner avec injection de contraste en cas de décision pour un traitement chirurgical. Les critères ultrasoniques basés sur l’analyse morphologique et en Doppler de la sténose, proposés par la réunion de consensus de 2003, sont utilisés. Les techniques de quantification avec les ultrasons, les pièges à éviter et les limites qu’il faut connaître sont très utiles pour l’opérateur qui doit réaliser ce type d’exploration.

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