Publié le 06 mai 2008Lecture 12 min
Pour notre pratique au quotidien
E. FERRARI, CHU de Nice
Peut-on prévoir la récupération de la fonction VG dans les CMD traitées ? Nous avons tous constaté qu’après une bonne prise en charge d’une cardiomyopathie dilatée (CMD) hypokinétique, et en particulier après la mise en route du traitement, certains patients garderont une FE très basse alors que d’autres vont la récupérer pour partie. Existe-t-il des facteurs prédictifs de cette récupération ? C’est la question que s’est posée cette équipe de l’Ohio. Au total, 55 patients ayant amélioré leur FE au-delà de 40 % grâce au traitement médical servent de groupe d’étude alors qu’une cohorte de patients appariés, mais qui n’auront pas récupéré leur FE, servent de témoins. Il est important de signaler que la FE avant prise en charge est la même dans les deux groupes… et que cette FE était effectivement basse (18 %). Dans le groupe « récupération », la FE s’améliore franchement puisqu’elle passe à 55 ± 7 % alors qu’elle reste à 22 % dans le groupe témoin. La durée moyenne de surveillance et de récupération de la FE est de 40 mois. Quand on regarde les caractéristiques des deux groupes, l’âge des patients est différent : ceux qui récupèrent sont plus jeunes (43 versus 51 ans), ils sont plus souvent de sexe féminin (56 versus 19 %), leurs QRS sont plus fins (98 versus 120 ms), leur dysfonction VG est moins souvent d’origine ischémique (17 versus 53 %), ils sont moins souvent diabétiques (21 versus 40 %) mais plus souvent hypertendus 44 versus 19 %. Ainsi, dans un modèle de régression logistique, les paramètres associés à une amélioration attendue de la FE sont le sexe féminin, le non-élargissement du QRS, l’existence d’une HTA, l’absence de coronaropathie et d’antécédent de diabète. Si cette étude (sur un petit nombre de patients) est bien faite, on devrait retrouver ces facteurs prédictifs de récupération de la FE comme des facteurs de bon pronostic de CMD, étant entendu que, lorsque la FE récupère, le pronostic est meilleur. Or, dans diverses études épidémiologiques sur l’évolution de l’insuffisance cardiaque, le sexe féminin a été effectivement associé à une meilleure évolution des CMD, de même que l’absence de coronaropathie. L’HTA est aussi curieusement associée dans la littérature à une meilleure réponse pharmacologique des traitements de l’insuffisance cardiaque ; la raison est sans doute que pour bien tolérer et bénéficier de l’optimisation des doses d’un IEC (ou d’un ARA II) + un bêtabloquant + un diurétique, mieux vaut ne pas être hypotendu à l’origine. La largeur des QRS a aussi déjà été rapportée à un moins bon pronostic de l’insuffisance cardiaque. Enfin, on sait aussi, dans l’épidémiologie de l’insuffisance cardiaque, que le diabète est associé à une moins bonne évolution des dysfonctions VG. Cette étude prend donc une certaine consistance pour caractériser les facteurs prédictifs de récupération de la FE après traitement. Les femmes ne font pas les choses comme les hommes et en particulier leur symptomatologie fonctionnelle dans les SCA On savait déjà par d’autres travaux que la symptomatologie du syndrome coronaire aigu (SCA) peut être différente et donc trompeuse chez la femme comparativement à l’homme. Cet article est une mise au point sur ce problème. Les auteurs ont pris en compte tous les articles publiés sur les SCA et leur mode de présentation clinique, en particulier ceux qui se focalisent sur les différences de signes fonctionnels en fonction du sexe. On note qu’un tiers des patients pris en charge pour un SCA se présentent sans douleur. Cette absence de douleur ou de gêne précordiale s’avère plus fréquente chez la femme (37 versus 27 %) dans les grandes études de cohortes et 30 versus 17 % dans les études monocentriques ou de plus petite taille. Les auteurs concluent que les femmes sont significativement moins susceptibles de présenter un SCA sans douleur précordiale mais que ceci ne légitime pas encore un message d’alerte au grand public mais pourrait, en revanche, justifier de travaux orientés sur ce problème. Diminution de l'effet antiplaquettaire du clopidogrel par un traitement anti-ulcéreux. Enseignements à tirer Lorsqu’une prescription d’un traitement inhibiteur de la pompe à protons (l’oméprazole) est donné à un patient par ailleurs traité par du clopidogrel, l’effet antiplaquettaire attendu est diminué d’un bon tiers. Voilà comment pourrait se résumer le papier de Martine Gilard. La faute en est à la pharmacologie du clopidogrel, qui est une prodrogue, donc inactive si elle n’est pas métabolisée et qui, pour être métabolisée et donc active, a besoin d’une pléïade de cytochromes, dont le CYP2C19. Or, ce cytochrome est inhibé par de nombreux traitements, dont l’oméprazole. Pour mémoire et à titre d’autres exemples, rappelons que la rifampicine, puissant inducteur enzymatique, augmente la réponse au clopidogrel, le millepertuis, très fréquemment contenu dans des préparations homéopathiques, augmente très fortement l’effet du clopidogrel et peut transformer la plupart des « résistants » à ce traitement en patients très bon répondeurs. Mais aussi l’érythromycine, inhibiteur enzymatique comme l’oméprazole, diminue l’effet du clopidogrel. Par ailleurs, et même si les études n’avaient pas retrouvé de pertinence clinique à ce phénomène, certaines statines inhibent aussi l’effet du clopidogrel. La principale leçon à retenir, à notre sens, est qu’il est préférable de réfléchir plusieurs fois avant de coprescrire un traitement, a priori anodin, dans les situations où un patient a fortement besoin du clopidogrel comme après une mise en place d’endoprothèses coronaires. Il faudrait aussi pouvoir faire le tour des autres ordonnances pour vérifier l’absence de ces interactions. Rappelons que la résistance au clopidogrel (très souvent induite par des interactions entre médicaments) est la principale cause de thrombose de stent (en dehors de l’arrêt des antiagrégants). La pilule contraceptive évite de nombreux cancers de l'ovaire : implications pour le cardiologue ? Dans une excellente étude publiée dans le Lancet, les auteurs utilisant une étude cas-témoins menée sur plus de 100 000 femmes, démontrent le rôle protecteur important de la contraception hormonale contre le cancer de l’ovaire. Ils concluent que, depuis le début de la « vulgarisation » de la pilule contraceptive, plus de 200 000 cancers de l’ovaire ont été épargnés et que ce chiffre pourrait augmenter à 30 000 cancers ovariens évités par an à l’ère moderne. Rappelons que le cancer de l’ovaire a un très mauvais pronostic, bien plus sombre par exemple que le cancer du sein. Pourquoi rapporter une étude de ce genre dans Cardiologie Pratique ? Parce que le corollaire à tirer de cet enseignement est que : le cardiologue, qui peut être amené à voir certains effets indésirables de la pilule comme les thromboses veineuses profondes, les embolies pulmonaires, voire des accidents cérébraux, doit tenir compte de cet effet protecteur, très puissant, dans une éventuelle décision qu’il pourrait avoir à prendre quant à l’indication ou la contre-indication à la pilule. En tout cas, il devra aussi envisager la possibilité que le gynécologue ne soit pas d’accord avec une contre-indication trop hâtive. Amadeus... ou l'échec de l'idraparinux dans la prévention thromboembolique de la FA versus AVK Décidément, les antivitamines K (AVK) ont la peau dure dans la FA (comme dans d’autres situations). Le mélagatran s’était cassé les dents contre eux dans la FA (études Sportif) non pas en raison d’une moindre efficacité mais de sa toxicité hépatique qui a finalement été à l’origine du retrait du médicament. L’association de deux traitements antiplaquettaires (aspirine + clopidogrel) avait aussi donné de très mauvais résultats dans l’étude ACTIVE puisque les AVK avaient été largement supérieurs dans la prévention des accidents emboliques. Dans cette étude, dont les résultats avaient été communiqués il y a quelques temps mais qui tardaient à paraître, 4 576 patients atteints de FA non rhumatismale ont été randomisés en ouvert : soit le traitement AVK traditionnel (INR cible entre 2 et 3) soit l’idraparinux 2,5 mg/semaine en une injection sous-cutanée. La dose de cet anti-Xa était diminuée à 1,5 mg en 1 injection par semaine quand la créatinine se situait entre 10 et 30 ml/min. Le suivi moyen a été de 10,7 mois. Cette étude a été arrêtée prématurément en raison d’un excès important d’hémorragies dans le bras idraparinux (346 cas versus 226 soit 19,7 versus 11,3 % ; p < 0,0001). Quel que soit le saignement considéré, il a été plus fréquent dans le groupe idraparinux. En particulier, les hémorragies cérébrales, redoutées, sont plus fréquentes : 1,1 vs 0,4 %. Il est important de noter qu’en termes de prévention des AVC, l’idraparinux était à ce stade, plus efficace que les AVK : 0,9 % d’AVC versus 1,3 % (p = 0,007). Les FA étaient paroxystiques dans un tiers des cas, persistantes ou permanentes dans les deux tiers des cas restants. L’âge moyen des patients était de 70 ans et 67 % était des hommes. Un point important est que la survenue du surcroît d’hémorragies semble survenir au-delà du 3e mois. Cela remet en cause non pas tant l’efficacité du médicament, qui est en cours d’expertise dans d’autres domaines, et dont un cousin très proche avait montré de bons résultats en termes de sécurité d’utilisation dans l’embolie pulmonaire (étude Van Gogh), mais plutôt la pharmacocinétique de ce traitement lorsque celui-ci durent longtemps. À suivre… L'athérothrombose coronarienne et la thrombose veineuse ont-elles les mêmes facteurs favorisants ? On savait déjà que les patients qui ont présenté une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire sont à plus haut risque ultérieur d’athérome artériel. Ainsi, leur épaisseur intima-média carotidienne est plus importante ; leur risque d’événements cardiovasculaires est aussi plus important, a fortiori lorsque la thrombose veineuse profonde ou l’embolie pulmonaire est survenue de façon non provoquée. Cette métaanalyse a repris tous les articles disponibles sur les facteurs de risque de la maladie thromboembolique veineuse et fait le point sur leur implication. Ainsi, 21 études cas-témoins et 63 552 patients ont été considérés. L’obésité, sans surprise, est un facteur de risque avéré de la maladie thromboembolique veineuse. Elle multiplie par 2,3 son risque de survenue. En revanche, de façon moins attendue, l’HTA multiplie aussi le risque de maladie thromboembolique veineuse par 1,5, de même que le diabète (x 1,4) et le tabac (RR x 1,15). Si l’hypercholestérolémie ne ressort pas comme un facteur de risque de la maladie thromboembolique veineuse, l’hypertriglycéridémie représente un risque considérable (x 17,4) alors que l’élévation du HDL-cholestérol serait protectrice. Finalement, tous (ou presque) les facteurs de risque de l’athérome coronarien sont aussi des facteurs de risque de la TVP ou de l’EP. Pas étonnant que les patients qui auront présenté une TVP idiopathique (il vaut mieux dire non provoquée) feront, quelques années plus tard, davantage d’événements cardiaques. Y a-t-il une place pour un traitement immunomodulateur dans l'IC ? Étude ACCLAIM De nombreux arguments plaident pour un rôle délétère de l’inflammation et de ses médiateurs dans le pronostic de l’insuffisance cardiaque (IC). L’idée est qu’un traitement « immunomodulateur », en fait un traitement qui inhiberait pour partie la réponse immunitaire, pourrait favoriser la tolérance de l’IC. Dans cet essai contrôlé en double aveugle, près de 2 500 patients en insuffisance cardiaque stade II à IV avec FE < 30 % ont été inclus. Le traitement immunomodulateur consistait, pour simplifier, à prélever un échantillon de sang du patient, à le traiter in vitro afin que les phénomènes de rejet soient « tempérés » et à réinjecter ce sang plus « tolérant » en plusieurs injections intramusculaires. Les résultats ne sont pas probants. Il n’y a pas de différence d’évolution avec le traitement reçu. Seuls deux types de cardiopathies sembleraient bénéficier de cette tolérance immunologique : – les patients en stade II (probablement parce que les lésions de fibrose irréversible ne sont pas encore installées et que dans ces stades précoces, la note inflammatoire est importante à juger), – les cardiomyopathies idiopathiques versus celles d’autres origines (probablement aussi pour les mêmes raisons). Au-delà de ces résultats, somme toute encourageants, la vraie leçon de cette étude est peut-être que finalement les injections intramusculaires chez les patients sous AVK ne sont pas si dangereuses… Je m’explique : le sang des patients rendus tolérants était réinjecté en intramusculaire avec des injections répétées et espacées. In fine, plus de 26 500 injections intramusculaires ont été pratiquées dans cette étude. Or, la plupart des patients (90 %) étaient sous antiplaquettaires et 30 % sous AVK. Le taux rapporté d’hématomes (non graves) au point de ponction n’est que de 0,14 %. L’étude démontre donc aussi que les injections intramusculaires sont finalement bien tolérées chez des patients sous antiagrégants ou sous AVK ! Faut-il bannir les anti-Cox-2 chez nos patients coronariens ou à risque de coronaropathie ? Le problème du choix d’un anti-inflammatoire chez un patient coronarien avéré ou potentiel n’est pas simple. Un anti-Cox-2 a été retiré du marché parce que son utilisation avait été associée à un possible effet délétère coronarien. Mais les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent aussi, pour certains, être délétères. Par exemple, ceci est bien démontré avec l’ibuprofène : ils peuvent annuler l’effet antiplaquettaire de l’aspirine. Il faut tenir compte du fait que les anti-Cox-2 (rofecoxib, celecoxib) réduisent le risque d’effet indésirables gastriques. Le problème peut se résumer ainsi : la sélectivité anti-Cox-1 (AINS classiques) rend ces drogues gastro-toxiques alors que la sélectivité anti-Cox-2 (les « nouveaux » anti-inflammatoires) pourrait augmenter le risque thrombotique. Cependant, il apparaît clairement que ceci est très dose-dépendant. C’est en tout cas l’avis d’une mise au point du Lancet qui estime que les anti-Cox-2 à dose modérée garderaient leur bénéfice de moindre toxicité sur l’estomac sans augmenter le risque thrombotique.
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