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Thérapeutique

Publié le 07 oct 2008Lecture 7 min

Quand arrêter les antiagrégants plaquettaires chez le patient coronarien ?

O. VARENNE, A. JÉGOU, N. MARQUE et C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris

La durée du double traitement antiplaquettaire en prévention secondaire d’un syndrome coronaire aigu est fixée à un an au minimum. Après l’implantation de stents actifs, le risque de thrombose tardive à l’arrêt du traitement a conduit de nombreux praticiens à poursuivre le traitement au-delà d’un an, malgré l’absence de justification. Plus délicate est la question de l’interruption des traitements antiplaquettaires dans le cadre d’une intervention programmée ; à cet égard, les motifs d’arrêt sont souvent erronés.

Durée du traitement antiplaquettaire au décours d’un syndrome coronaire aigu De nombreux patients sont traités par antiplaquettaires en prévention secondaire après un syndrome coronaire aigu (SCA). Une grande proportion de ces patients bénéficie d’une revascularisation par angioplastie avec mise en place d’une ou de plusieurs endoprothèses coronaires, souvent actives. Les patients avec SCA revascularisés ou non, et y compris les patients en postinfarctus du myocarde, doivent être traités par une association aspirine et clopidogrel pendant une durée de 12 mois minimum. Cette association réduisant le risque de récidive ischémique avec pour 1 000 patients traités 21 événements en moins (décès, infarctus, accident vasculaire cérébral), au prix d’une augmentation modeste, mais significative du risque de saignement et des transfusions. Cette indication de l’association aspirine et clopidogrel bénéficie d’une recommandation de la Société européenne de cardiologie de grade IA, c’est-à-dire d’un bénéfice documenté solidement, pour les patients n’ayant pas un risque hémorragique excessif. Après cette période de 12 mois, on peut arrêter l’un des deux antiagrégants, en général le clopidogrel, en poursuivant l’aspirine à vie dans le cadre d’une prévention secondaire. Cependant, l’implantation fréquente de stents actifs conduit à une prolongation des durées de prescription, au-delà d’un an souvent, bien que cela ne soit pas fondé sur des preuves scientifiques.   Pourquoi prescrire le clopidogrel plus d’un an après angioplastie ? Depuis 2001 et les premières utilisations des stents actifs, la métaanalyse des essais randomisés concernant les stents Cypher® (clopidogrel administré pendant 2 ou 3 mois) et celle concernant les stents Taxus™ (clopidogrel administré pendant 6 mois) démontre sans ambiguïté la survenue de quelques thromboses tardives au-delà d’un an, quel que soit le stent actif utilisé, ce qui n’était pas connu avec les stents nus. Le taux réel de thromboses des stents actifs, dans des groupes de patients à plus haut risque et en dehors de la surveillance pointilleuse des essais randomisés, pourrait même être plus important. Dans la pratique des centres utilisant les stents actifs comme stents par défaut (Registres de Berne et Rotterdam), les taux de thromboses de stents retrouvés sont de 0,6 % par année en dehors de la période péri-interventionnelle, jusqu’à 4 ans, et sans qu’il semble possible d’observer un plateau dans l’incidence des thromboses. Ces données ont conduit à la recommandation d’une prolongation de l’association aspirine et clopidogrel au delà de 6 mois et pendant au moins un an chez les patients n’ayant pas un risque hémorragique majeur, mais poussent de nombreux cardiologues à maintenir l’association aspirine et clopidogrel après cette période de un an. À l’appui de cette prolongation de prescription, l’interruption du traitement antiplaquettaire est retrouvée comme facteur déterminant de thrombose de stent, avec un risque relatif de 90 dans l’étude de Iakovou ; cette thrombose peut même être parfois extrêmement tardive (après un an). Dans le cadre d’une gestion rigoureuse du rapport thrombose/hémorragie, il n’y a pas actuellement de recommandation pour poursuivre au-delà d’un an l’association aspirine et clopidogrel. Cependant, chez des patients à risque thrombotique particulièrement élevé (stents actifs en bifurcation, très longs stents actifs, petits vaisseaux, patients diabétiques) et en l’absence de toute manifestation hémorragique, une prolongation de la durée de l’association peut se justifier, pour une durée qui n’est pas précisée, mais certainement pas pour une association à vie comme cela a été parfois suggéré.   Quand arrêter les antiplaquettaires en cas de chirurgie ? La multiplication des actes de cardiologie interventionnelle et le recours fréquent aux endoprothèses pharmacologiquement actives compliquent la tâche des anesthésistes confrontés à une demande d’interruption du traitement antiagrégant plaquettaire pour un acte chirurgical. La crainte d’une thrombose de stent est à toujours à mettre en balance avec le risque hémorragique de l’acte chirurgical, car il est avéré que de nombreux patients présentent un SCA après un arrêt brutal des antiplaquettaires. Ainsi, dans le travail de Collet et coll. concernant une cohorte de 1 358 patients consécutifs admis pour SCA, 73 avaient récemment interrompu leur traitement antiplaquettaire. En analyse multivariée, les patients ayant récemment interrompu les antiagrégants plaquettaires avaient une mortalité plus importante mais aussi paradoxalement un plus grand risque de saignements. Une étude randomisée nationale est en cours afin de préciser l’influence réelle de l’arrêt ou du maintien préopératoire des antiplaquettaires sur le risque thrombotique et hémorragique périopératoire. Dans l’étude de Ferrari et coll, sur 1 236 patients hospitalisés pour SCA, 51 (4,13 %) avaient interrompu leur traitement antiplaquettaire et présentaient un risque accru d’infarctus avec sus-décalage de ST. C’est la question de la thrombose de stents actifs qui a remis sur le devant de la scène ce problème finalement assez ancien de la gestion de l’arrêt du traitement antiplaquettaire en cas de chirurgie chez un patient traité par aspirine, clopidogrel ou les deux. Jusqu’alors, chacun avait sa « recette » allant de l’injection d’héparine de bas poids moléculaire à la prescription d’antiplaquettaires moins puissants et à plus courte demi-vie type flurbiprofène (Cebutid). Ces stratégies n’ayant, évidemment, jamais été validées. L’interruption des antiplaquettaires dans le premier mois suivant l’implantation d’un stent nu et dans les six mois suivant l’implantation d’un stent actif est particulièrement problématique, en particulier très précocement après l’implantation du stent. Bien que numériquement rare, la survenue d’une thrombose de stent actif, est associée à un risque très élevé d’infarctus et de décès. Par ailleurs, si le risque thrombotique est bien présent, les motifs d’arrêt des antiplaquettaires sont souvent erronés. Dans la métaanalyse de Burger et coll. regroupant 49 590 patients dans la période périopératoire, dont 14 981 étaient sous aspirine, le taux de complications hémorragiques variait de 0 % (petite chirurgie de lésions dermatologiques, chirurgie de cataracte) jusqu’à 75 % en cas de biopsie transrectale de prostate. Le maintien de l’aspirine était associé au nombre de saignements mais n’augmentait pas leur gravité, sauf en cas de chirurgie intracrânienne et de chirurgie de prostate transuréthrale. De même, dans le travail de Ferrari et coll., les raisons des interruptions étaient principalement des chirurgies mineures, des fibroscopies, des soins dentaires, pouvant tous être réalisés sous antiagrégants plaquettaires. En 2006, ont été publiés dans le British Journal of Anesthesia des recommandations pour le maniement des antiplaquettaires dans la période périopératoire. Ces recommandations fournissent une aide à la prescription pour différents praticiens prenant en charge des patients avec des stents coronaires ou des antiplaquettaires au long cours pour une autre raison. Dans les rares cas où un arrêt des antiagrégants est absolument nécessaire, celui-ci doit être décidé au cas par cas après avis collégial et pluridisciplinaire incluant le cardiologue interventionnel et en essayant d’identifier en particulier les patients à risque majeur de thrombose de stent (ceux ayant reçu de nombreux stents actifs, ceux ayant été traités pour des lésions de bifurcation, les diabétiques, les patients avec dysfonction ventriculaire gauche majeure). On peut s’aider du tableau de la Société française d’anesthésie et de réanimation (http://www. sfar.org/t/IMG/pdf/aap_stents_expcoll06.pdf) pour évaluer le rapport risque/bénéfice individuel en fonction du risque hémorragique de l’intervention (majeur, modéré ou faible) et du risque de thrombose de stent (majeur ou modéré) du patient. Durant la période de l’arrêt des antiplaquettaire, les patients doivent être surveillés avec une attention particulière compte tenu du risque coronaire. Il n’existe à l’heure actuelle aucune molécule pouvant être formellement recommandée dans l’intervalle. Il est important de souligner également qu’en cas d’arrêt justifié des antiplaquettaires, ceux-ci doivent être interrompus 5 jours avant et repris le plus tôt possible après l’acte chirurgical en ayant si possible recours à un bolus de charge de clopidogrel.   En pratique   En guise de conclusion, on peut dire que la gestion de l’arrêt du clopidogrel ou des deux antiplaquettaires est une période critique. Au décours d’un SCA, ou après implantation d’un stent actif, la durée de l’association est actuellement d’au moins un an, en maintenant l’association chez certains patients à haut risque thrombotique si le risque hémorragique du patient n’est pas excessif. Il faut également éviter de se retrouver en situation de gérer précocement après angioplastie une interruption des antiplaquettaires et donc de ne pas implanter de stent actif si une chirurgie est prévue dans les mois suivant une procédure d’angioplastie. Il faut clairement rappeler que bon nombre de procédures chirurgicales ne réclament pas un arrêt des antiplaquettaires, malgré les demandes fréquentes en ce sens (chirurgie de la cataracte, fibroscopie gastrique et colonoscopie, chirurgie carotidienne, chirurgie d’exérèse de lésions cutanées, extractions dentaires…). Enfin, en cas de chirurgie endocrânienne ou de chirurgie de la prostate, l’arrêt des antiplaquettaires s’impose, mais il doit être aussi bref que possible avec une reprise rapide de ceux-ci dans le cadre d’une surveillance médicale stricte.

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