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HTA

Publié le 23 mai 2006Lecture 8 min

Quand demander une automesure de la PA ou une MAPA ?

J.-P. BAGUET, CHU de Grenoble

Réaliseriez-vous une automesure de la pression artérielle (PA) ou une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) chez ces patients avant de débuter un traitement antihypertenseur ?
- Patient 1
Femme de 48 ans, en préménopause, avec une moyenne de PA clinique à 146/92 mmHg, sans autre facteur de risque cardiovasculaire et sans aucun traitement.
- Patient 2
Homme de 56 ans, diabétique de type 2 avec une moyenne de PA clinique à 151/94 mmHg, une clairance de la créatinine à 68 ml/min et un traitement par metformine et aspirine.

L'importance du niveau de PA dans la survenue d’accidents cardiovasculaires n’est plus à démontrer. Cela est plus vrai pour les accidents vasculaires cérébraux (AVC), qu’ils soient ischémiques ou hémorragiques, que pour les coronaropathies. Les études épidémiologiques qui ont permis d’établir la relation entre la morbi-mortalité cardiaque et vasculaire et les chiffres de PA ont presque toutes été réalisées en prenant en compte les résultats de la mesure clinique de la PA au cabinet médical. De même, les grands essais thérapeutiques réalisés dans l’hypertension artérielle (HTA) ont utilisé comme critère principal la mesure clinique de la PA. Cependant, la survenue de lésions des organes cibles de l’HTA et d’événements cardiovasculaires est mieux prévenue lorsque la PA est mesurée au domicile par le patient (automesure) ou lors d’une MAPA des 24 h qu’au cours d’une consultation. Cela est principalement lié à la grande variabilité de la PA, d’un cycle à l’autre et cours du nycthémère.   Variabilité de la pression artérielle   La PA est un paramètre biologique qui varie sans cesse dans le temps. On distingue deux types principaux de variations de la PA : • les variations à court terme, liées au rythme cardiaque, à l’effet sur la PA, des changements de position, de la respiration, des contraintes physiques, sensorielles ou psychologiques, ou encore du niveau de température ; • les variations circadiennes, qui sont le fait du cycle nycthéméral de la PA avec une période diurne (veille, activité) et une période nocturne (sommeil, repos). Du fait de cette grande variabilité et de la nécessité de standardiser les mesures, il est apparu indispensable de développer des outils spécifiques afin de mieux appréhender la PA d’un individu donné. Ainsi sont nées la MAPA puis l’automesure tensionnelle. L’automesure et, plus encore, la MAPA, en permettant de multiplier le nombre de mesures de la PA, sont plus reproductibles que la mesure clinique. En effet, il a été démontré qu’il fallait un minimum de 10 mesures de la PA pour obtenir une différence faible entre les mesures.   Mesure ambulatoire de la PA sur 24 h   La MAPA est la méthode de mesure non invasive de la PA qui apporte le plus de renseignements chez un patient donné. Elle permet de connaître la PA sur les 24 h (figure 1), de comparer les valeurs de PA diurne et nocturne (statut dipper si la chute nocturne de la PA est > 10 %) ou encore de détecter une HTA paroxystique. Les valeurs enregistrées durant la sieste sont habituellement superposables à celles obtenues durant la nuit. Figure 1. Mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures mettant en évidence une baisse de la PA au cours de la sieste (S) et de la nuit (N). La MAPA est plus reproductible que la mesure au cabinet, mais n’est pas disponible pour tous les médecins ; elle est plus contraignante que l’automesure pour les patients. Sa tolérance est cependant bonne, permettant le plus souvent une nouvelle pose de l’appareil en cas de problème (technique, la plupart du temps) lors d’un enregistrement ou, encore, lors du contrôle des valeurs ambulatoires de la PA après plusieurs semaines de traitement. Les seuils MAPA de PA définissant une HTA sont : - sur les 24 h : PAS > 125 mmHg et/ou PAD > 80 mmHg, selon l’ESH-ESC ; PAS > 130 mmHg et/ou PAD > 80 mmHg, selon l’HAS ; - sur la journée : PAS > 135 mmHg et/ou PAD > 85 ; - sur la nuit : PAS > 120 mmHg et/ou PAD > 75 mmHg, selon le JNC7 ; PAS > 120 mmHg et/ou PAD > 70 mmHg, selon l’HAS. Comme pour la mesure au cabinet médical, la MAPA doit être réalisée selon une procédure stricte, seuls des appareils validés pouvant être utilisés.   Intérêt en pratique La MAPA permet de ne pas traiter à tort les patients ayant une HTA à la consultation, mais des chiffres tensionnels normaux par une de ces deux techniques (HTA « blouse blanche »). Elle permet également la recherche d’une hypotension orthostatique symptomatique, le patient pouvant déclencher lui-même la mesure lors d’un malaise en position debout. La MAPA tient également un rôle important pour affirmer le caractère résistant (ou réfractaire) de l’HTA grâce au nombre élevé de mesures réalisées et à l’absence « d’effet blouse blanche ». Certains praticiens utilisent cette méthode pour évaluer l’effet d’un traitement antihypertenseur chez un patient donné. Cette dernière utilisation n’est pas recommandée, mais peut être faite dans certains cas, par exemple pour l’HTA de la femme enceinte. Elle peut également être réalisée lorsque la PA clinique est très variable, quand l’HTA est épisodique ou associée à un faible risque cardiovasculaire, ou en cas de dysautonomie. Dans le syndrome d’apnées du sommeil, la MAPA permet de détecter un grand nombre de patients porteurs d’une HTA masquée, volontiers nocturne, diastolique et associée à un profil non-dipper.   Valeur pronostique Plusieurs études ont montré l’intérêt pronostique de la MAPA. Ainsi, Ohkubo et coll. ont bien mis en évidence la relation positive entre les valeurs de PA, de jour plus que de nuit, systolique plus que diastolique, et la mortalité cardiovasculaire. L’étude récemment publiée par Clement et coll. a montré qu’à PA systolique clinique identique, le pronostic cardiovasculaire était plus péjoratif (incidence des événements cardiovasculaires multipliée par 2 à 3) lorsque la PA systolique sur 24 h est > 135 mmHg. Dans l’étude SYST-EUR, la PA ambulatoire à l’inclusion mais non la PA clinique a prédit la mortalité cardiovasculaire au cours du suivi de 4,4 ans. La MAPA a également permis de montrer le rôle délétère de l’insuffisance de baisse nocturne de la PA (sujet non dipper). Ainsi, Verdecchia et coll. ont retrouvé un risque d’événements cardiovasculaires multiplié par un facteur 2,5 chez les hypertendus non dippers.   Automesure tensionnelle   L’automesure permet l’enregistrement de façon non invasive par le patient lui-même de sa PA afin de connaître sa charge tensionnelle dans des conditions de mesure optimales. Après avoir été délaissée de nombreuses années au profit de la MAPA, l’automesure tensionnelle s’est développée, essentiellement grâce l’apparition de la méthode oscillométrique et aux avancées technologiques permettant une miniaturisation du matériel. Comme la MAPA, il s’agit d’une méthode de mesure de la PA plus reproductible que la mesure clinique. Elle est mieux acceptée par les patients que la MAPA et est plus accessible pour les médecins. - Le protocole de mesure le plus largement utilisé est le suivant : 3 mesures consécutives à une minute d’intervalle, le matin entre le lever et le petit déjeuner (avant la prise du traitement) et le soir entre le dîner et le coucher, pendant une période de 3 à 7 jours successifs. - Les valeurs normales de la PA en automesure, retenues aux niveaux français, européen et nord-américain, sont : PAS < 135 mmHg et PAD < 85 mmHg. - La plupart des appareils sont dotés d’une mémoire et/ou d’une imprimante permettant au médecin de connaître l’ensemble des mesures réalisées sur une courte période. Il faut, avant de faire la moyenne des valeurs disponibles, demander au patient s’il a été le seul à utiliser l’appareil. Comme pour la mesure au cabinet médical et la MAPA, l’automesure doit être réalisée selon une procédure stricte. Seuls des appareils validés peuvent être utilisés (http://afssaps.sante.fr/htm/5/tensio.htm), en privilégiant les appareils huméraux (figure 2). Figure 2. Automesure de la pression artérielle par un appareil huméral ; le coude est posé sur la table et l’avant-bras tendu. Intérêt pratique L’automesure est utile au diagnostic d’HTA permanente ou d’HTA « blouse blanche » et participe au diagnostic d’HTA réfractaire. Elle permet également de s’assurer du contrôle tensionnel sous traitement et ce, de façon moins contraignante que la MAPA, et de rechercher une hypotension orthostatique sous traitement. Elle peut sensibiliser les patients à leur maladie et au risque cardiovasculaire et peut, par là même, faciliter l’observance du traitement.   Valeur pronostique La valeur pronostique de l’automesure tensionnelle sur la survenue des accidents cardiovasculaires a bien été démontrée. L’étude SHEAF, récemment publiée, a été réalisée dans une population française de 4 939 sujets hypertendus âgés de plus de 60 ans, suivis par automesure pendant 3,2 ans en moyenne. Dans cette étude, le risque de survenue d’accident cardiovasculaire était multiplié par 2 si l’automesure restait anormale sous traitement alors que la PA était normalisée au cabinet. Les auteurs ont montré par ailleurs que la morbi-mortalité cardiovasculaire des sujets hypertendus porteurs d’une HTA masquée (PA normale en clinique mais élevée en automesure) était identique à celle des hypertendus (PA élevée en clinique et en automesure), soit le triple de celle des normotendus. La MAPA et l’automesure ne doivent pas être mises en concurrence, mais utilisées en fonction des patients et des situations particulières.   Ce que dit l’HAS en 2005   De nombreuses recommandations nationales et internationales sur la prise en charge de l’HTA de l’adulte existent à ce jour. Chacune d’entre elles contient un chapitre sur la place de la MAPA et de l’automesure tensionnelle. En 2005, l’HAS a publié les recommandations françaises dans ce domaine, les dernières datant de 2000.   Recommandations - À titre diagnostique, l’automesure et la MAPA permettent de corriger les erreurs de diagnostic par excès (HTA blouse blanche) ou par défaut, plus rares (HTA masquée). - Leur valeur pronostique apparaît supérieure à celle de la mesure effectuée au cabinet médical. - Il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical, afin de s’assurer de la permanence de l’HTA et pour rechercher une HTA blouse blanche, avant de débuter un traitement antihypertenseur médicamenteux si : • la PA est comprise entre 140-179/ 90-109 mmHg sans atteinte des organes cibles, diabète, antécédent cardiovasculaire ou cérébrovasculaire, ou insuffisance rénale ; • le sujet est âgé (variabilité, effet blouse blanche). - La MAPA est plus particulièrement indiquée pour évaluer le mode de variation de la PA nocturne (dysautonomie, syndrome d’apnées du sommeil, insuffisance rénale chronique).   Réponses aux cas cliniques   Patient 1 Indication d’automesure ou de MAPA car risque cardiovasculaire faible et nécessité d’éliminer une HTA blouse blanche. Patient 2 Indication d’un traitement antihypertenseur en raison du risque cardiovasculaire élevé, sans indication formelle d’automesure ou de MAPA.

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