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Cardiologie générale

Publié le 01 nov 2011Lecture 7 min

Quand prescrire une imagerie à un migraineux ?

C. LUCAS, service de Neurologie et Pathologie Neurovasculaire, CHRU de Lille

La réalisation d’examens complémentaires, notamment une imagerie cérébrale, n’est pas recommandée par la Haute Autorité de santé si la migraine est typique selon les critères de l’International Headache Society. Toutefois, certaines circonstances révélées par l’interrogatoire et/ou l’examen clinique dérogent à la règle et sont importantes à connaître.

L’International Headache Society (IHS)(1) a mis au point des critères diagnostiques qui ont permis d’obtenir des résultats homogènes concernant la prévalence de la migraine. Cette affection touche environ 12 à 20 % de la population adulte française, soit environ 6 à 7 millions d’individus. La question est souvent posée par les patients… et les médecins quant à savoir s’il faut ou pas pratiquer une imagerie cérébrale. La réponse est claire selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) : « une maladie migraineuse typique, sans ou avec aura, ne nécessite aucun examen complémentaire paraclinique »(2). Les critères diagnostiques de la migraine, sans ou avec aura, sont rappelés dans l’encadré.     On notera par ailleurs que dans la migraine avec aura, celle-ci peut être : - suivie d’une céphalée ayant les caractéristiques de la migraine sans aura ; - suivie d’une céphalée n’ayant pas ces caractéristiques ; - isolée (aura sans céphalée).  De la clinique avant toute chose   Le déroulement de l’aura « La marche migraineuse » : le dysfonctionnement neurologique focal s’effectue progressivement dans le temps et l’espace avec des symptômes survenant en 5 à 30 min et régressant totalement en moins d’une heure. Le symptôme le plus usuel, à savoir un trouble visuel (phosphènes, scotome, scotome scintillant, hémianopsie, etc.) s’étend en tache d’huile en quelques minutes et peut s’enrichir par de nouveaux signes neurologiques comme des signes sensitifs positifs (paresthésies) et/ou négatifs (hypoesthésie) et/ou d’une aphasie. Cette « marche migraineuse » est pathognomonique. Il existe, lors de la crise de migraine avec aura, une onde de dépolarisation à propagation lente (3 mm par minute) qui débute vraisemblablement dans le cortex occipital, ce qui explique la progression caractéristique des signes visuels au cours de l’aura migraineuse. Les phénomènes vasculaires sont secondaires à cette dépression de l’activité neuronale (« cortical spreading depression »). En revanche, ce phénomène de dépression neuronale envahissante est controversé dans la migraine sans aura. Indications de l'imagerie Une imagerie cérébrale est souhaitable devant toute aura inhabituelle :- globalement, chez tous les migraineux qui débutent leur migraine avec aura avec d’autres symptômes que visuels (plus de 90 % des migraines avec aura sont des auras visuelles) ; - aura brusque avec un maximum des signes neurologiques en moins de 5 minutes ; - aura prolongée durant plus d’une heure (à noter que si les auras s’enchaînent, visuelle, puis sensitive, puis aphasique, le tout peut faire plus d’une heure, mais chaque symptôme neurologique doit être inférieur à une heure) ; - auras toujours du même côté (recherche, par exemple, d’une malformation artério-veineuse occipitale donnant des auras symptomatiques) (figure) ; - aura hémiplégique.   Une imagerie cérébrale est souhaitable devant toute aura inhabituelle Par ailleurs, face à un patient migraineux, il est capital de déterminer si sa consultation est motivée par l’inefficacité de son traitement usuel, par une exacerbation de sa céphalée habituelle ou par la modification des caractéristiques de la céphalée. Il n’est pas rare que des patients migraineux aient une exacerbation aiguë de leurs céphalées. En revanche, si cette exacerbation est décrite par le patient comme étant différente de toutes ses céphalées précédentes, il faudra savoir reprendre la démarche diagnostique. Certaines modifications sont évocatrices d’un caractère secondaire de la céphalée :- une céphalée en « coup de tonnerre » (cf. infra) ; - l’apparition de céphalées dans la 2e moitié de la vie ou la modification d’une céphalée ancienne restée auparavant identique pendant longtemps ; - la modification d’une céphalée qui devient quotidienne et qui augmente crescendo sur plusieurs jours ou semaines. Une imagerie cérébrale sera donc à réaliser dans ces circonstances et dans d’autres cas détaillés ci-dessous.  État de mal migraineux L’état de mal migraineux est défini par la persistance d’une céphalée migraineuse qui dure plus de 72 heures(1). Une hospitalisation est requise pour la prise en charge symptomatique (Laroxyl® par voie IV le plus souvent) et pour éliminer une migraine symptomatique d’une affection neurovasculaire (dissection artérielle cervicale en particulier) s’il s’agit du premier épisode.  Migraine à début tardif La migraine peut exister dès l’âge de 1 an et affecte aussi bien les garçons que les filles avant la puberté. Il s’agit globalement d’une maladie de l’adulte jeune qui débute avant 40 ans dans 90 % des cas. La prédominance est féminine à partir de la puberté avec un sex ratio de 3 femmes pour 1 homme (femmes : 19 %, hommes : 6 %). Une migraine à début tardif, au-delà de 45-50 ans, impose la réalisation d’une IRM cérébrale.   À noter toutefois que peu de données existent sur la migraine avec aura au-delà de 50 ans. C’est pourquoi, une étude marseillaise qui a été rapportée lors du dernier congrès de l’American Academy of Neurology a évalué prospectivement sur un an les caractéristiques sémiologiques des migraineux avec aura dans cette tranche d’âge.   Au total, 58 patients ont été inclus (12 hommes et 46 femmes) de 60,8 ans d’âge médian (50-90). Tous les patients avaient des auras visuelles, 16 des auras sensitives et 16 des auras aphasiques. Une céphalée migraineuse survenait après l’aura chez 38 patients. Des auras isolées étaient décrites par 26 patients et étaient l’unique expression clinique chez 5 d’entre eux. Chez les 40 patients qui avaient vu débuter leur migraine avec aura avant 50 ans, 31 avaient des céphalées migraineuses typiques et 15 pouvaient avoir des auras isolées. Chez les 18 patients dont les auras avaient débuté après 50 ans, 11 avaient des auras isolées, 7 pouvaient avoir des céphalées migraineuses typiques et 8 des céphalées non migraineuses. Les auras migraineuses dans la deuxième partie de la vie ne sont donc pas une entité rare et seront mathématiquement de plus en plus fréquentes avec l’allongement de l’espérance de vie. À noter que dans cette série, 18 patients avaient vu débuter leur migraine avec aura après 50 ans avec, dans tous ces cas, la nécessité d’explorations préalables avant d’affirmer le diagnostic.  Céphalées en coup de tonnerre Les céphalées en coup de tonnerre sont secondaires jusqu’à preuve du contraire. Les étiologies en sont très nombreuses (tableau).   Le premier diagnostic à évoquer devant une céphalée en coup de tonnerre (CCT) est l’hémorragie méningée, le plus souvent par rupture anévrysmale. Ceci justifie en urgence un scanner cérébral sans injection. Celui-ci peut parfois être normal : la réalisation de la ponction lombaire à la recherche de sang incoagulable est impérative. Si l’hémorragie méningée a été éliminée, d’autres diagnostics sont à évoquer :- la thrombose veineuse cérébrale qui peut s’exprimer par une CCT et être éventuellement accompagnée de signes focaux ou de crises d’épilepsie. La réalisation d’une IRM avec flux veineux en urgence est impérative. - Une dissection artérielle cervicale (exemple d’une dissection de carotide accompagnée cliniquement d’un syndrome de Claude Bernard Horner) est également à évoquer. La réalisation d’une angiographie par résonance magnétique avec gadolinium et d’un écho-Doppler cervical seront alors nécessaires pour affirmer ou exclure ce diagnostic. - Si les CCT sont récurrentes sur quelques jours à semaines, il faut évoquer un syndrome de vasoconstriction cérébral réversible (SVCR) qui peut être iatrogène ou toxique. L’ARM peut montrer des sténoses segmentaires en « chapelet de saucisses ». - Une méningite peut également se manifester par une CCT. - Chez le patient âgé, la maladie de Horton peut également parfois se manifester par une CCT. Un bilan inflammatoire est à réaliser en urgence. - Un accident vasculaire cérébral (petit infarctus ou petit hématome en zone peu fonctionnelle) peut se manifester par une CCT.   Outre l’examen neurologique, la réalisation d’examens paracliniques est indispensable : un scanner sans injection, une ponction lombaire si le scanner est normal (hémorragie méningée à scanner normal), une IRM avec flux veineux ± ARM en séquences TOF et avec injection de gadolinium si le scanner et la PL sont normaux (thrombose veineuse cérébrale, dissection artérielle cervicale, AVC, syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible, etc.), voire une angiographie (syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible, angéites cérébrales, syndrome préfissuraire anévrysmal, etc.).  En pratique   Aucun examen complémentaire n’est requis dans la migraine typique La migraine débute usuellement chez un individu jeune. Une imagerie est de mise pour une migraine à début tardif. Importance de la sémiologie lors d’une migraine avec aura avec une « marche migraineuse » pathognomonique. Les signes neurologiques d’une aura progressent sur au moins 5 minutes et régressent en moins d’une heure. L’immense majorité des auras est visuelle. Tout ce qui déroge à cette description doit être exploré par imagerie : auras brusque, prolongée, toujours du même côté, auras autre que visuelles. Au vu de la prévalence de la migraine qui est très répandue, certains patients auront des céphalées secondaires ; si la sémiologie évolue (céphalées en coup de tonnerre, céphalées progressivement croissantes sans rémission, anomalie à l’examen neurologique, etc.), il faut reprendre la démarche diagnostique.  "Publié dans Neurologie Pratique"

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