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Chirurgie

Publié le 04 oct 2005Lecture 8 min

Qu'attend le chirurgien du scanner des artères coronaires ?

P. NATAF et J.-L. SABLAYROLLES, Centre cardiologique du Nord, Saint-Denis

L’évolution rapide des techniques d’imagerie coronaire par scanners multicoupes ouvre de larges perspectives pour le bilan des cardiopathies ischémiques (figure 1). Cette imagerie non-invasive permet à la fois de visualiser les artères coronaires, les différentes structures cardiaques et les vaisseaux du médiastin (notamment l’aorte ascendante et les artères mammaires internes) et d’étudier le myocarde à la recherche d’une lésion secondaire à une atteinte coronarienne. Cette étude, morphologique mais aussi fonctionnelle, s’ajoute aux autres outils diagnostiques déjà à notre disposition.
S’il est fortement probable que le scanner multicoupes soit appelé à jouer un rôle essentiel dans la prise en charge initiale du patient coronarien, sa place dans le bilan préopératoire et dans le suivi d’un opéré du cœur est déjà une question de pratique quotidienne.

Figure 1. La technique du scanner multicoupes progresse très rapidement.    La coronarographie reste l’examen de référence pour l’étude morphologique des artères coronaires. La stratégie opératoire, en cas d’indication de chirurgie coronaire, est actuellement principalement basée sur cet examen. Cependant, dans de nombreux cas et dans des indications qui s’affinent progressivement avec la pratique, le scanner coronaire devient complémentaire à la coronarographie aussi bien dans le cadre de la maladie coronaire, contribuant ainsi au diagnostic et à la stratégie chirurgicale, que dans le bilan préopératoire des valvulopathies et des lésions de l’aorte ascendante. De nombreux exemples sont présentés dans cet article.   Intérêt du scanner en chirurgie coronaire Actuellement, la coronarographie est indiscutablement l’examen qui permet au chirurgien de connaître avec précision les possibilités de revascularisation myocardique par l’étude des lésions coronaires et de la qualité du lit d’aval des vaisseaux. Dans certains cas cependant, l’indication opératoire ou la stratégie chirurgicale peuvent être guidées par l’étude tomodensitométrique. Certaines sténoses du tronc commun de l’artère coronaire gauche peuvent être difficilement visualisées à la coronarographie. Le degré de sténose peut être apprécié par scanner. La localisation et la quantification de la sténose peuvent orienter la stratégie thérapeutique (figures 2 A et B). Figure 2 A et B. Sténose ostiale du tronc commun de l’artère coronaire gauche difficilement visualisée à la coronarographie. Le scanner permet d’identifier la lésion sur l’étude bidimensionnelle. Dans le même ordre d’idée, la visualisation par scanner d’une artère occluse, dont la reprise n’est pas visualisée lors de la coronarographie, peut être un argument orientant l’indication opératoire (figure 3 A et B). Figure 3 A et B. Occlusion de l’IVA II. Le lit d’aval est mieux visualisé en scanner. Le contrôle des pontages coronaires par scanner multibarrettes est une technique peu invasive, très performante pour une analyse anatomique des résultats de la chirurgie coronaire. Il s’agit actuellement d’une des meilleures indications du scanner. Le scanner visualise le greffon dans toute sa longueur, vérifie son intégrité ou l’existence de lésions, sa perméabilité, la qualité des anastomoses et, dans la majorité des cas, le lit d’aval du réseau natif. L’analyse des débits, notamment la recherche de compétition de flux entre le greffon et le réseau natif, est cependant délicate. Notre expérience, basée sur l’étude de 289 pontages veineux ou mammaires chez 88 patients en contrôle postopératoire immédiat ou tardif, montre que dans 96 % des cas, le scanner peut répondre quant à la perméabilité du pontage, et la qualité de l’anastomose distale et du lit d’aval (figures 4 à 6). Figure 4. Pontages mixtes. 1 : AIMG-IVA ; 2 : veineux Ao-TC ; 3 : veineux occlus Ao-Diag ; 4 : veineux Ao-IVP avec son anastomose distale sur IVP (5). Figure 5. Pontage AMID – LCx ; 1 : AMID passe entre l’Ao & OG ; 2 : anastomose distale sur la LCx. Figure 6. 1 : Occlusion d’un pontage MIG–IVA ; 2 : anévrisme pontage veineux Ao-MBG. En dehors d’une surveillance régulière, ces contrôles scanner peuvent être indiqués lors de l’apparition d’une nouvelle crise d’angor, d’une pathologie de l’aorte thoracique, avant réintervention (chirurgie valvulaire ou aortique) ou après échec de visualisation d’un pontage par coronarographie. Étude du trajet de l’artère mammaire interne. L’utilisation des greffons mammaires en chirurgie coronaire a un intérêt reconnu. Bien que ce greffon ait l’avantage majeur d’être en général indemne d’athérome, la qualité de l’artère mammaire interne doit être appréciée en préopératoire par l’étude Doppler des axes sous-claviers et par l’analyse de son débit. Dans les rares cas d’un débit mammaire insuffisant et en l’absence de sténose de l’artère sous-clavière prévertébrale, le scanner peut étudier le trajet de l’artère mammaire interne à la recherche de lésion autonome à ce niveau (figure 7). Figure 7. Sténose ostiale isolée de l’artère mammaire interne gauche. Un faible débit mammaire était observé au Doppler. Sa visualisation lors du bilan préopératoire de chirurgie coronaire a permis l’utilisation de cette artère en greffon libre. Les anévrismes des artères coronaires et des greffons veineux sont bien étudiés par scanner coronaire. En cas d’indication chirurgicale du fait de leur volume ou en raison de la nécessité d’une revascularisation myocardique itérative pour ischémie, les informations fournies par le scanner sont utiles. Effectivement, seule la lumière de l’anévrisme est visualisée par la coronarographie. L’étude tomodensitométrique apprécie la taille réelle de l’anévrisme en montrant sa partie thrombosée, ses rapports avec les structures cardiaques avoisinantes et le réseau coronaire en amont et en aval de l’anévrisme (figure 8 A et B). Figures 8 A et B. Volumineux anévrisme de l’artère interventriculaire antérieure. Le sac anévrismal est bien identifié sur la coronarographie. Le scanner, qui a permis dans ce cas de dépister l’anévrisme, visualise ses rapports avec les structures avoisinantes, montre son volume réel et individualise le lit d’aval de l’artère coronaire. Il en est de même pour les anévrismes des greffons veineux saphènes implantés sur les coronaires où le lit d’aval du pontage et du réseau natif est souvent mal individualisé sur la coronarographie lors de l’injection du produit de contraste (figure 9). Figure 9. Rupture d’un anévrisme d’un greffon veineux saphène implanté sur l’artère coronaire droite. Lors du bilan d’opérabilité de tumeurs cardiaques, les rapports anatomiques de la tumeur avec les structures avoisinantes, et notamment les artères coronaires, doivent être explorés. Le scanner apporte dans ce cas des renseignements précieux (figure 10). Figure 10. Volumineuse tumeur cardiaque accolée à l’oreillette droite. Le scanner permet de localiser et de préciser les rapports de cette masse avec l’artère coronaire droite. Chirurgie coronaire mini-invasive. L’étude simultanée du trajet de l’artère mammaire interne et de l’artère interventriculaire antérieure avec reconstruction du gril costal permet, quand une chirurgie coronaire mini-invasive ou robotique est programmée, de prévoir en préopératoire le niveau intercostal de la voie d’abord, la longueur d’artère mammaire à prélever en fonction de la distance qui la sépare de l’artère interventriculaire antérieure (figure 11). Figure 11. Localisation au scanner des rapports anatomiques entre l’artère mammaire interne gauche, l’artère interventriculaire antérieure et le gril costal. En cas de chirurgie mini-invasive pour pontage IVA-MIG, le scanner préopératoire peut faciliter le choix de la voie d’abord. Anévrisme ventriculaire. L’analyse bi- et tridimensionnelle par scanner donne une excellente appréciation de l’importance d’un anévrisme ventriculaire et de ses rapports anatomiques (figure 12). Figure 12. 1 : anévrisme apical + thrombus intraventriculaire ; 2 : anévrisme apical + faux anévrisme inférieur. Les anomalies de naissance des artères coronaires sont facilement visualisées par le scanner coronaire. L’imagerie tridimensionnelle permet au chirurgien de repérer le trajet de l’artère et ses rapports avec les structures cardiaques, guidant ainsi l’exposition lors de la revascularisation myocardique (figure 13). Figure 13. Anomalie d’implantation de l’ostium du TC au niveau du sinus droit. Le TC chemine entre l’Ao & l’AP. Bilan préopératoire en chirurgie valvulaire et aortique   Valvulopathies La fréquence d’une coronaropathie associée à une valvulopathie est variable en fonction du terrain et de la symptomatologie. Elle est estimée dans le RAC entre 40 et 50 % chez les patients angineux, à 25 % chez les patients présentant des douleurs thoraciques atypiques, 20 % chez les patients sans angor et de 3 à 5 % chez les patients < 40 ans sans angor ou facteur de risque. Selon les recommandations de l’AHA et de l’ACC, la coronarographie est indiquée avant remplacement valvulaire aortique chez les patients symptomatiques, chez les hommes < 35 ans, chez les femmes en préménopause > 35 ans avec des facteurs de risque et chez les femmes ménopausées. Dans l’insuffisance aortique, la fréquence de la coronaropathie est d’environ 25 % et dans l’insuffisance mitrale, elle est d’environ 20 % (figure 14 A,B,C). Figure 14 A,B et C. Bilan d’un RAC sur bicuspidie en une seule acquisition de 10 secondes. A. Étude valvulaire en systole & diastole. B. Étude de l’aorte dilatée avec mesure des diamètres. C. Étude des coronaires normales. La valeur prédictive négative très élevée du scanner multibarrettes (> 97 %) permettrait d’éviter une coronarographie chez près de 50 % des patients avant chirurgie valvulaire.   Aorte ascendante Il en est de même pour la chirurgie de l’aorte ascendante. Le scanner préopératoire, souvent indiqué pour la mesure du diamètre de l’aorte ascendante et de la crosse aortique, est également utile pour juger de l’existence d’une bicuspidie ou d’une pseudo-bicuspidie et visualiser le réseau coronaire.   Réinterventions Un autre intérêt pratique du scanner concerne les réinterventions chez les patients déjà pontés. Il assure la vérification de la perméabilité des pontages mais également leur topographie. La connaissance du trajet d’un pontage par rapport au sternum peut éviter sa section lors d’une sternotomie itérative. Dans le même ordre d’idée, le scanner permet de vérifier le réseau coronaire et la localisation des pontages avant une intervention en urgence pour dissection aortique ou en cas d’endocardite (figure 15). Figure 15. Scanner en urgence (3 h du matin), recherche et identification des pontages coronaires méconnus avant chirurgie d’une dissection aiguë type 1. 1 : voile de dissection ; 2 : pontage saphène Ao-CD ; 3 : pontage radial Ao-MBG ; 4 : pontage MIG-IVA. L’origine des 2 premiers pontages naît du vrai chenal au contact du voile de dissection. La visualisation des calcifications de la paroi de l’aorte ascendante au scanner peut faire modifier la stratégie opératoire en indiquant en préopératoire les zones aortiques pouvant être canulées pour la mise en place de la circulation extracorporelle ou, dans le cas échéant, en faisant proposer un pontage à cœur battant.   En pratique   La coronarographie reste actuellement l’examen de référence pour l’analyse des artères coronaires et des pontages avant et après chirurgie. Le scanner coronaire, examen non-invasif, peut dans certains cas être complémentaire à la coronarographie. De nombreuses indications sont en encore cours d’évaluation. Elles tendront à se préciser avec la pratique accrue de cette technique.

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