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Explorations-Imagerie

Publié le 05 sep 2006Lecture 7 min

Quel bilan cardiaque réaliser devant une sténose carotidienne à opérer ?

G. VANZETTO, CHU de Grenoble

Près d’un patient sur deux ayant une atteinte vasculaire périphérique ou supraaortique présente une maladie coronaire significative qui sera responsable de la majorité des événements majeurs dans le futur. Parallèlement, l'existence d'une atteinte vasculaire est un puissant facteur de risque d'événements cardiaques. Cette association physiopathologique, épidémiologique et pronostique justifie un dépistage du risque coronarien des patients « vasculaires » : tout comme la présence d'une coronaropathie doit faire rechercher une autre localisation de la maladie artérielle, la découverte d’une sténose carotidienne doit inciter à évaluer le risque coronarien. La finalité est une stratification du risque à court et long termes, afin d'optimiser la prise en charge thérapeutique et d'améliorer le pronostic cardiovasculaire global.

Il faut souligner qu’il est actuellement établi que la recherche systématique en première intention, sans stratification clinique préalable, d’une ischémie myocardique, et plus encore la réalisation d’une coronarographie, sont injustifiées en raison de leur faible rentabilité diagnostique et de leur inefficacité à influencer favorablement le pronostic. L’étape préalable fondamentale à la réalisation d’explorations à visée coronarienne dans ce contexte est donc la présélection des patients à risque sur des critères cliniques.   Association maladie coronaire et pathologie coronarienne La pathologie artérielle des troncs supraaortiques et la maladie coronaire partagent des facteurs de risque et des mécanismes physiopathologiques communs. Par ailleurs, les événements coronariens constituent la principale cause de décès chez les patients ayant présenté un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique transitoire ou constitué. Ainsi, ces patients présentent une prévalence élevée d’ischémie myocardique, évaluée par épreuve d’effort (EE), tomoscintigraphie myocardique de perfusion (TSMP) ou échocardiographie de stress à la dobutamine (ESD) – avec des taux s’échelonnant de 20 à 41 %. De même, les études à large échelle de prévention secondaire après AVC, regroupant en tout plus de 18 000 sujets, retrouvent un taux d’événements cardiaques majeurs (décès, infarctus, mort subite) entre 2 et 5 % par an. Ce risque est particulièrement élevé lorsque l’AVC est en rapport avec un accident embolique ayant pour origine une sténose carotidienne. Par ailleurs, le rapport de l’American Stroke Association 2003 souligne que 25 à 60 % des patients présentant une sténose carotidienne, et asymptomatiques sur le plan coronarien, présentent une coronaropathie sous-jacente attestée par la présence d’un test fonctionnel pathologique. Enfin, la chirurgie vasculaire carotidienne est considérée comme une chirurgie à risque intermédiaire de mortalité cardiaque et d’infarctus périopératoire (1 à 5 %). Indépendamment de l’évaluation purement préopératoire avant chirurgie vasculaire, les patients présentant une sténose carotidienne constituent donc une population à haute prévalence de coronaropathie associée et à risque élevé d’accidents cardiaques à moyen terme, justifiant d’une évaluation précise de leur pronostic cardiologique.   Rationnel et difficultés de l’évaluation préopératoire Si l’objectif final de cette évaluation est unique – réduire le risque opératoire et surtout améliorer le pronostic cardiologique à long terme – les objectifs intermédiaires sont multiples et complexes. Il convient en effet d’identifier les contre-indications de la chirurgie, de déterminer le risque opératoire et le pronostic cardiovasculaire à distance, de poser avec pertinence l’indication d’un bilan paraclinique, de prescrire éventuellement un traitement antiischémique, voire de proposer une stratégie de revascularisation myocardique. La difficulté de cette évaluation est illustrée par le nombre variable de facteurs de risque proposés (de 5 à 15), la diversité des scores utilisés (Eagle, Glasgow, Leiden, Detski, Goldman, Lee, etc.), l’élasticité de la définition des patients « à risque », le taux extrêmement variable d’ischémie myocardique retrouvée en fonction des critères de stratification choisis (de 27 à 69 %) et la complexité des algorithmes proposés par certaines sociétés savantes. Pour ajouter à cette confusion, une récente étude conclut à l’absence de bénéfice d’une revascularisation coronaire avant chirurgie vasculaire majeure, non seulement en postopératoire immédiat, mais également à long terme. En fait, ces conclusions sont critiquables : • la plupart des patients inclus présentaient un risque a priori modéré, une ischémie myocardique modérément étendue (voire non évaluée), expliquant l’absence a priori étonnante de différence de mortalité entre coronariens revascularisés et non revascularisés ; • dans les sous-groupes à risque particulièrement élevé (tritronculaires avec dysfonction ventriculaire gauche, ischémie myocardique étendue à la tomoscintigraphie myocardique de perfusion, TSMP), il existait une tendance favorable en faveur de la revascularisation (traitement médical versus revascularisation : RR = 1,29 pour les tritronculaires, RR = 3,96 en cas d’ischémie étendue p = 0,09). Ces données concordent avec les études antérieures, démontrant qu’une ischémie myocardique étendue expose à un risque postopératoire et à distance élevé. Chez ces patients, de solides preuves montrent que la revascularisation myocardique améliore le pronostic par rapport au seul traitement médical. À l’inverse, revasculariser des patients peu ischémiques ne sera d’aucun bénéfice, voire sera délétère. C’est ce qu’exprimait Massie : « avant chirurgie vasculaire, la coronarographie ne devrait être pratiquée que lorsque le résultat des tests non invasifs indique une large zone d’ischémie myocardique, et non pas pour une ischémie limitée ou peu significative ». Dans ce dernier cas, le traitement médical, et en particulier les bêtabloquants, réduit le risque périopératoire avant chirurgie vasculaire. Malgré les divergences observées dans la littérature, la prévalence élevée de maladie coronaire chez les patients vasculaires, la valeur pronostique largement établie des tests fonctionnels dans cette population et le bénéfice clairement démontré d’une revascularisation myocardique en cas d’ischémie étendue plaident en faveur d’une stratégie raisonnée d’évaluation du risque coronarien chez les patients sélectionnés porteurs d’une sténose carotidienne.   Sélection des patients candidats à un bilan complémentaire Patients à faible risque Une large majorité de patients (60 à 73 % selon les études) est en fait à faible risque à court et moyen termes, et ne justifie d’aucune exploration. Il en est ainsi : • des sujets coronariens revascularisés depuis moins de 5 ans en classe CCS (Canadian Cardiovascular Society) 1 ou 2, • des patients revascularisés depuis plus de 5 ans en classe CCS 1 ou 2 avec test fonctionnel ou coronarographie de moins de 2 ans de bon pronostic, • des patients non coronariens connus, asymptomatiques, ne présentant que des marqueurs de risque mineurs (âge élevé, anomalies ECG isolées non spécifiques, fibrillation atriale contrôlée, faible capacité physique, hypertension artérielle). Dans ce cas, la chirurgie carotidienne peut-être réalisée d’emblée avec un taux de complications majeures postopératoire < 2 %.   Patients à risque majeur À l’autre extrémité de l’échelle de risque, il est facile d’identifier les patients à risque majeur chez qui la chirurgie doit être temporairement contre-indiquée afin de mettre en œuvre une prise en charge spécifique : • syndromes coronariens aigus de moins de 6 semaines, • angor sévère CCS 3 ou 4, • insuffisance cardiaque décompensée, • troubles du rythme sévères, • BAV de haut degré, valvulopathie sévère.   Patients à risque intermédiaire Toute la difficulté réside dans la sélection des patients à risque intermédiaire devant bénéficier d’explorations complémentaires à la recherche d’une ischémie myocardique. Plusieurs marqueurs et scores de risque ont été proposés (figure 1). La comparaison des performances de ces différents scores montre en fait que tous présentent une excellente valeur prédictive négative, > 99 % pour la survenue de décès périopératoires et de 88 à 92 % pour la survenue d’événements cardiaques mineurs (figure 2), ce que nous avons également constaté dans une série de près de 1 000 patients opérés d’une chirurgie de l’aorte abdominale. Figure 1. Les scores de risque opératoire. Figure 2. Valeur discriminante des scores de risque. Les marqueurs de risque les plus souvent retrouvés pour l’évaluation des patients asymptomatiques sont : • un âge supérieur à 70 ans, • un antécédent d’infarctus non revascularisé, • un antécédent d’angor non revascularisé, • des antécédents d’insuffisance cardiaque, • un diabète, • une insuffisance rénale, • une hypertension artérielle avec hypertrophie ventriculaire gauche, • des ondes Q ou un sous-décalage du segment ST sur l’ECG de repos. La présence de deux ou plus de ces critères correspond à un risque > 5 % et conduit à la réalisation d’un test fonctionnel. Cette situation est retrouvée chez 20 à 30 % des patients asymptomatiques avant chirurgie vasculaire.   Les examens complémentaires disponibles L’épreuve d’effort conventionnelle est l’examen de choix lorsqu’elle est possible. Largement disponible, peu onéreuse, elle apporte en effet deux éléments indépendants du pronostic périopératoire mais aussi à distance : • le niveau de la capacité fonctionnelle d’effort, • et la présence d’un sous-décalage ischémique du segment ST. Ainsi, la constatation d’une capacité < 6 MET et/ou d’un sous-décalage de ST de pronostic péjoratif (> 2 mm au sommet de l’effort, ou apparaissant précocement ou de disparition tardive après effort), chez un patient à risque, impose généralement un bilan coronarographique. Inversement, une épreuve d’effort maximale négative correspond à une valeur prédictive négative de 96 % pour la survenue d’événements cardiaques majeurs périopératoires. Lorsque cette épreuve d’effort est impossible, sous-maximale, ou positive sans critères pronostiques péjoratifs, la TSMP d’effort, l’écho sous dobutamine persantine ou l’ESD sont alors recommandées. Lorsque ces explorations complémentaires révèlent l’existence d’une ischémie myocardique significative, une stratégie invasive de revascularisation myocardique préalable, passant donc par la réalisation de la coronarographie est alors conseillée. En effet, le risque cardiovasculaire, à la fois péropératoire mais aussi à distance, est fortement accru chez les patients séléctionnés présentant une ischémie myocardique étendue sur les tests fonctionnels, alors que ce risque est bas s’il n’y a pas d’ischémie importante. Chez les patients à risque clinique intermédiaire ou élevé, la probabilité de survenue d’un événement grave en présence d’une ischémie scintigraphique étendue atteint 25 % dans la métaanalyse de Shaw, alors qu’elle n’est que de 1,8 % lorsque la TSMP est normale. De même, cette probabilité est < 2 % en cas d’ESD normale, 11 % en cas d’ESD anormale, et jusqu’à 36 % si elle est fortement ischémique.

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