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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 mar 2005Lecture 9 min

Quelle place pour les assistances mécaniques ? En récupération, en attente de transplantation, en assistance permanente

A. PAVIE, CHU Pitié-Salpêtrière Paris

L’assistance circulatoire mécanique est une technique reproductible dans la prise en charge des insuffisances cardiaques terminales échappant aux autres traitements, que ce soit en attente de récupération de la fonction myocardique (myocardite, infarctus aigu), en attente de transplantation, ou en traitement de longue durée.
La disponibilité de nombreux types d’assistances permet de choisir le système le mieux adapté à chaque situation clinique.

L'assistance circulatoire mécanique s’est développée de façon importante depuis ces 20 dernières années. Elle a permis essentiellement de prendre en charge les situations d’insuffisance cardiaque terminale échappant à tout autre traitement, en particulier médicamenteux ou non. Les progrès réalisés ont permis d’améliorer les matériels disponibles ainsi que la prise en charge globale de ces malades. Face aux progrès de la prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse dont on ne peut que se réjouir, la place de l’assistance circulatoire mécanique ne peut, dans les années à venir, qu’avoir un développement important. Ce développement des techniques d’assistance circulatoire mécanique permet de disposer maintenant de nombreux systèmes différents, s’adaptant aux différentes conditions cliniques et indications. Ces machines vont de systèmes légers réalisant un support hémodynamique partiel ou total de quelques jours, et autorisant un sevrage rapide, à au contraire, des systèmes plus lourds autorisant des assistances de longue durée en attente de transplantation ou à visée d’assistance prolongée.   Les assistances dites « légères » Il s’agit essentiellement de pompes centrifuges utilisées isolément ou surtout associées à un oxygénateur (ECMO [extra corporeal membrane oxygenation]). Ces systèmes peu coûteux peuvent être mis en place de façon semi-percutanée (abord chirurgical du Scarpa, puis Sedlinger). Leur fiabilité permet d’assister des malades pour une durée courte (quelques jours à une ou deux semaines). Elles assurent un support hémodynamique total, joint à une oxygénation. L’apparition des nouvelles membranes sur le marché, utilisées pour les « mini-CEC », explique leur développement (figure 1). A B C Figure 1. ECMO. A. Malade sous ECMO, pompe centrifuge. B. Canulation artério-veineuse fémorale semi-percutanée, perfusion rétrograde de la jambe. C. Console de pompe centrifuge : affichage du nombre de tours et du débit cardiaque. Les systèmes dits « lourds » À l’opposé, on dispose de systèmes dits « lourds », autorisant une assistance de longue durée, chiffrable en mois. Il s’agit de systèmes pneumatiques paracorporels externes, mono- ou biventriculaires, dont le plus utilisé est le système Thoratec®. De nombreuses améliorations ont été récemment développées afin de faciliter le retour en convalescence ou à domicile du patient en cas d’assistance prolongée. Un modèle partiellement implantable dans la paroi abdominale, l’IVAD améliore le confort, joint à une console portable qui améliore la mobilité du malade (figure 2). A B Figure 2. Assistance pneumatique externe : Thoratec®. A. à gauche : IVAD implantable ; à droite : PVAD paracorporel. B. console portable. Les ventricules électriques semi-implantables sont représentés par le système Novacor® et le système Heartmate TCI®, implantés entre la pointe du ventricule gauche et l’aorte ascendante. La pompe est située dans le quadrant antéro-supérieur gauche de l’abdomen (figure 3). Une ligne d’activation reliée à travers la peau à un contrôleur et à des batteries autorise également la sortie de l’hôpital du malade et une assistance de durée prolongée. A. Novacor® B. HeartMate®. Figure 3. Ventricule électromécanique gauche. À ces systèmes pulsatiles, se sont ajoutés depuis quelque temps, des systèmes d’assistance du ventricule gauche plus légers, reposant sur un principe hydraulique différent ; ce sont les pompes à débit continu, qu’elles soient axiales (pompe de De Bakey®, Incor® Berlin Heart) ou centrifuges (Dura Heart®, Core Aide®) (figure 4). Moins volumineuses, elles sont encore, pour la majorité d’entre elles, en évaluation, mais offrent probablement la possibilité d’élargir les indications de l’assistance dans un avenir proche grâce à la moindre agression chirurgicale qu’elles représentent. A A. Pompe axiale de De Bakey®.   B. Pompe axiale Berlin Heart Incor®. C. Pompe centrifuge Core Aide®. D. Pompe centrifuge Duraheart®. Figure 4. Pompes à débit continu. En cas de défaillance biventriculaire particulièrement sévère et de contre-indication à l’utilisation d’autres systèmes (présence de valves artificielles), le cœur artificiel total pneumatique Jarvik 7, ou Cardiowest actuellement appelé Syncardia®, a reçu récemment ses lettres de noblesse en recevant l’autorisation d’implantation par la FDA, dans 120 centres, aux États-Unis (octobre 2004). Alors même qu’il est utilisé depuis près de 20 ans, à Nantes et à la Pitié-Salpêtrière (160 cas) (figure 5), la disponibilité d’une console portable permet d’envisager un élargissement de ses indications avec un retour à domicile. Figure 5. Cœur artificiel total pneumatique : Syncardia®. Console portable. Par ailleurs, il faut citer, dans l’optique d’une implantation de très longue durée ou définitive, le seul système totalement implantable ayant le marquage CE, le système pulsatile monoventriculaire gauche Lion Heart®. Le système dispose d’un contrôleur, d’une batterie implantée et d’un système de transmission électrique transcutanée (figure 6), permettant de s’affranchir ainsi des complications liées aux lignes d’activation à travers la peau. Cette amélioration augmente considérablement le confort du malade, pour son retour à une vie proche de la normale. Figure 6. Ventricule gauche totalement implantable : Lion Heart®. A. Schéma de l’implantation. B. Transmission transcutanée de l’énergie. Les indications cliniques Comment choisir au mieux ces systèmes, en fonction des différentes situations cliniques et indications (tableau) ? Ces systèmes peuvent être utilisés devant : - des insuffisances cardiaques aiguës : défaillance cardiaque postchirurgicale, intoxications médicamenteuses, myocardites ou tout type choc cardiogénique. Le choix se porte actuellement de façon préférentielle vers l’ECMO, en raison de son faible coût, sa surveillance aisée, la possibilité d’ablation sans réouverture du thorax et surtout la probabilité de récupération de la fonction myocardique dans un délai proche de la semaine. Une indication particulière est représentée par la défaillance posttransplantation du ventricule droit liée à des résistances pulmonaires élevées ou une défaillance première du greffon. L’utilisation systématique de ce type d’assistance permet également, dans des circonstances particulières, d’utiliser des greffons limites, non utilisés autrement, dans la phase actuelle de pénurie de greffons. Ces techniques trouvent également leur lettre de noblesse dans le traitement des intoxications médicamenteuses par drogues à visée cardiaque. L’assistance durant quelques jours permet l’élimination de l’effet toxique de ces produits et le sevrage de ces malades. L’utilisation de ce type d’assistance faite en collaboration étroite avec les cardiologues interventionnels, dès la salle de cathétérisme est également intéressante, pour les rares malades restant en choc cardiogénique, après la réouverture de l’artère responsable de l’infarctus. - des insuffisances cardiaques chroniques : à l’inverse, l’utilisation d’un système d’assistance circulatoire, est envisagée en cas d’insuffisance cardiaque chronique échappant aux autres traitements qu’ils soient médicamenteux ou non médicamenteux en particulier la resynchronisation, chez des malades déjà connus et en liste de transplantation ou au contraire des malades inaugurant leur maladie par une poussée particulièrement sévère d’insuffisance cardiaque. Quelle que soit l’indication, il est essentiel que celle-ci soit portée le plus tôt possible, avant l’apparition d’un retentissement important sur la fonction des autres organes comme le rein et plus particulièrement le foie. Le transfert précoce dans un milieu médico-chirurgical est le meilleur garant du choix optimal du moment de l’implantation. Buts de l’assistance Le but visé par l’assistance peut être différent en fonction des pathologies nécessitant la mise sous assistance.   Attente de récupération de la fonction myocardique - Cette récupération peut être précoce (1 semaine, voire 1 mois) dans des pathologies différentes : • récupération précoce (semaine) en cas de défaillance postopératoire, d’intoxication médicamenteuse ; • récupération rapide (mois) en cas de myocardite aiguë ou d’infarctus du myocarde. Ces malades sont le plus souvent supportés par des systèmes légers (type ECMO). En cas de non-récupération, dans des délais rapides, et si la totalité des autres organes ont retrouvé une fonction normale hormis le cœur, l’on pourra être amené à changer de machine pour un modèle autorisant des assistances plus prolongées (Bridge to Bridge). - À l’inverse, une récupération à long terme de la fonction myocardique peut parfois être envisagée, dans certaines cardiomyopathies dilatées assistées durant de nombreux mois. Celle-ci reste exceptionnelle et peu prévisible, mais suscite beaucoup d’intérêt de recherche. L’association d’un traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque semble indispensable.   Attente de transplantation L’indication la plus fréquente de l’assistance circulatoire est en attente de transplantation. Le choix de l’assistance se porte clairement vers les systèmes lourds, autorisant des assistances prolongées en raison d’un délai d’attente croissant avant la greffe, dû au manque de donneurs. La possibilité de sortie de l’hôpital avec ces systèmes est un élément important à prendre en compte. Il est ainsi possible de renverser des situations autrement compromises faute de greffon. Pour ces malades, l’indication de l’assistance circulatoire doit être portée assez tôt avant l’apparition d’un retentissement sur les autres organes et si possible avant qu’une défaillance droite trop importante n’existe. C’est le meilleur garant de l’obtention d’un résultat satisfaisant. Il faut savoir qu’environ 70 % des malades assistés pourront être transplantés. Le profil de la transplantation après assistance est voisin de celui de la transplantation de première intention.   L’assistance prolongée ou définitive Elle s’adresse clairement à des malades en insuffisance cardiaque terminale échappant au traitement médical et ne pouvant bénéficier de la mise en liste de transplantation pour différentes raisons. La première cause à laquelle on pense est l’âge. Si, en France, il n’y a pas de limite couperet liée à l’âge comme en Angleterre, le bon sens clinique, la bonne utilisation d’une ressource limitée que sont les donneurs, font qu’au-delà de 65 ans, l’indication est discutée au cas par cas. La limite de 70 ans étant rarement dépassée. Pour ceux-ci, si aucun autre facteur associé ne la contre-indique, une assistance prolongée peut être discutée. L’agression chirurgicale encore trop importante limite cependant les indications, comme pour toute chirurgie à cet âge, l’évaluation du bénéfice risque pour chaque patient joint à son désir personnel, est un élément important de la discussion. La disponibilité actuelle de systèmes uniquement gauche, limite les indications, et incite à ce que celle-ci soit portée plus précocement avant la détérioration de la fonction ventriculaire droite. Contre-indications temporaires à la greffe. En revanche, d’autres malades, plus jeunes, présentent des contre-indications temporaires à la greffe et peuvent bénéficier au mieux de ce type d’assistance pour quelques années, le temps de s’assurer qu’aucune contre-indication ne subsiste. Il s’agit de sujets jeunes atteints de cancer de tout type, considérés comme partiellement guéris de leur cancer, mais dont le risque d’aggravation par le traitement immunosuppresseur prétransplantation demeure durant les premières années. La fiabilité des nouveaux systèmes permet d’envisager de façon raisonnable ce type d’indications, conforté par les résultats de l’étude randomisée REMATCH montrant la supériorité de l’assistance mécanique vis-à-vis du traitement médical chez ce type de malades, bien que la portée de cette étude ait été limitée par certaines dysfonctions du système d’assistance choisi pour cette étude. Ce n’est qu’avec le recul et un nombre de malades plus élevé, que l’on pourra réellement parler d’implantation de longue durée, voire d’assistance définitive.   Pour conclure   L’assistance circulatoire mécanique est un des traitements disponibles pour la prise en charge médico-chirurgicale des malades en insuffisance cardiaque terminale. La disponibilité de dispositifs d’assistance adaptés aux différentes situations cliniques font que ce traitement ne peut que se développer dans un avenir proche, ce d’autant que les autres solutions thérapeutiques envisageables sont soit décevantes, soit au stade de la recherche et, surtout, ne répondent pas aux nécessités de l’urgence.

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