Publié le 01 mar 2005Lecture 4 min
Qu'est-ce que le remodelage auriculaire ?
S. HATEM, INSERM Unité 621, faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, Paris
Pour les biologistes, le terme de remodelage maintenant consacré s’applique à toutes les situations caractérisées par un remaniement de la structure normale du myocarde : c’est un processus complexe qui aboutit à des changements importants de la physiologie du myocarde et à l’adaptation plus ou moins réussie du système à ses nouvelles conditions de travail.
À l’exclusion du développement ontogénique, ce processus met en jeu la modulation de l’expression des gènes, notamment la réexpression de phénotypes fœtaux, des modifications de l’activité des protéines et de l’architecture cellulaire. Tout d’abord utilisé pour le remaniement du myocarde ventriculaire après un infarctus, le terme de remodelage s’est étendu à toutes les cardiopathies, aux modèles de transgenèse, aux canaux ioniques, etc.
C’est depuis plus récemment que l’on parle de remodelage auriculaire en raison de l’accumulation des données concernant le remaniement que subissent les oreillettes au cours de multiples situations cliniques : dysfonction ventriculaire, valvulopathie, vieillissement, arythmies, et qui aboutit à une véritable myopathie atriale.
Ce remodelage est dominé par des modifications des propriétés électriques auriculaires : raccourcissement et dispersion des périodes réfractaires, perte d’excitabilité, ralentissement et blocs locaux de conduction. Il s’y associe des changements structuraux : myocytes hibernants et dédifférenciés, mort cellulaire par apoptose, fibrose interstitielle.
Tout l’intérêt porté à ce remodelage tient au fait qu’il constitue le substrat de la fibrillation auriculaire, en particulier lorsque l’arythmie est associée à une cardiopathie ou chez les personnes âgées. De plus, ce remodelage auriculaire peut précéder la survenue de l’arythmie qui l’aggrave, créant un véritable cercle vicieux “ AF begets AF ” (Wijffels & Allessie, 1995).
Ainsi, éviter le remodelage auriculaire, par exemple dès le début de la prise en charge d’une cardiopathie, est aujourd’hui une piste majeure de recherche pour prévenir la FA.
Qu’est-ce que les connexines ?
Ce sont des protéines transmembranaires qui se regroupent par six pour former un pore (un canal) permettant aux ions de traverser la membrane plasmique ; c’est ce flux d’ions qui transporte les courants électriques biologiques. Lorsque deux pores (hemiconnexons) de deux myocytes contigus s’accolent au niveau des disques intercalaires, il se forme un maxi-canal, appelé connexon et le courant électrique peut circuler d’un myocyte à l’autre, à l’origine de la propagation rapide du front de dépolarisation. Plus les connexons sont nombreux dans les disques intercalaires, plus la conduction électrique est rapide (faible résistance du câble) dans le sens longitudinal des fibres (conduction anisotropique) ; le système Hiss-Pukinje en est l’illustration. Le cœur contient essentiellement des connexines 40, 43 et 45.
L’expression des connexines est modifiée dans les cardiopathies
L’intérêt porté à ces canaux a dépassé le cercle des électrophysiologistes cellulaires lorsqu’on s’est aperçu que leur expression est modifiée au cours des cardiopathies. Ainsi, dans le myocarde hypertrophié, dans les cœurs dilatés ou dans les oreillettes en arythmie, les connexines ne sont plus concentrées dans les disques intercalaires, mais sont présentes au pourtour des cellules. Des données récentes indiquent que ces connexines délocalisées ne sont pas fonctionnelles ; notamment, il ne se forme pas de néoconnexons à la périphérie des myocytes. La conséquence est une perte de couplage électrique entre les myocytes, à l’origine de blocs locaux de la conduction.
Il reste à comprendre pourquoi les connexines se délocalisent dans les myocardes malades. Un rôle de l’angiotensine II a été évoqué. Ce peptide module l’expression des gènes codant pour les connexines, il modifie aussi l’état de phosphorylation des connexines qui intervient dans le bon adressage membranaire de ces protéines.
Un autre point commun à toutes ces situations marquées par un défaut de couplage électrique du myocarde est la fibrose interstitielle du myocarde qui s’associe aux anomalies du cytosquelette membranaire des myocytes et qui pourrait favoriser la désorganisation des jonctions communicantes.
L’inhibition du SRA a-t-elle un effet antiarythmique ?
Les grands essais cliniques ont rapporté une diminution des troubles du rythme chez les patients ayant une cardiopathie traitée par des inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Avec certains inhibiteurs du SRAA, il y a aussi moins de rechutes de la fibrillation auriculaire après réduction par un choc électrique externe. Cependant, on ne sait toujours pas très bien comment ces traitements agissent :
• peut-être en intervenant directement sur les canaux ioniques qui participent au potentiel d’action des myocytes cardiaques comme les canaux calciques ;
• plus probablement, en améliorant les conditions de travail cardiaque ;
• ils diminuent ainsi les facteurs proarythmogènes de l’insuffisance cardiaque, comme l’hypertonie sympathique ou l’étirement cellulaire.
Le système SRAA intervient aussi sur la constitution du substrat nécessaire au développement des arythmies. Expérimentalement, il a pu être montré que la fibrose auriculaire, qui favorise la survenue de la FA, est prévenue par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des récepteurs de l’angiotensine II. On sait aussi qu’il existe une activation locale du SRAA dans le myocarde auriculaire de patients en FA ou dans des modèles expérimentaux, et que l’angiotensine II est couplée à des voies de signalisation qui participent au remodelage du myocarde : hypertrophie, fibrose, changements des systèmes électrogènes, autant de facteurs arythmogènes.
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