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Valvulopathies

Publié le 08 mar 2011Lecture 10 min

Rétrécissement aortique : serré ou pas ? Les erreurs de mesure

B. GALLET, Centre Hospitalier Victor Dupouy, Argenteuil

Les Journées européennes de la SFC
Un rétrécissement aortique (RA) serré est défini par une vitesse de jet > 4 m/s, un gradient moyen > 40 mmHg selon les recommandations américaines (> 50 mmHg selon les recommandations européennes), une surface valvulaire < 1 cm² ou une surface valvulaire indexée < 0,6 cm²/m², et un index de perméabilité < 25 % selon les recommandations conjointes de l’EAE et de l’ASE(1).
Le diagnostic est simple lorsque tous les critères sont concordants. Il est plus difficile lorsqu’ils sont discordants, particulièrement quand la surface valvulaire est < 1 cm² (en faveur d’un RA serré), alors que le gradient moyen est < 40 mmHg (évocateur d’un RA non serré). Cette situation représentait 30 % des cas dans l’étude de Minners concernant des patients ayant un RA sans dysfonction ventriculaire gauche(2).

RA serré ou non ? Une erreur de mesure est la première cause à rechercher Ce type de discordance peut correspondre à plusieurs situations : un RA serré avec fraction d’éjection (FE) abaissée, un RA serré avec FE normale mais bas débit « paradoxal », un choix éventuellement inadapté des valeurs seuils actuellement retenues et surtout une erreur de mesure qui est la première cause à rechercher et à écarter. Les erreurs de mesure peuvent porter sur les 3 termes utilisés dans l’équation de continuité : le diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche, la vitesse aortique et la vitesse sous-aortique. Les erreurs sur le diamètre de la chambre de chasse Ce diamètre est mesuré en incidence parasternale longitudinale, en utilisant le zoom, entre l’insertion des sigmoïdes, de bord interne à bord interne, perpendiculairement à la paroi aortique, en protosystole ou en mésosystole, et en faisant la moyenne de plusieurs mesures (figure 1). Figure 1. Mesure du diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche. Une méthode différente a été proposée par les recommandations EAE/ASE(1). Selon ces recommandations, le diamètre doit être mesuré 5 à 10 mm en dessous de l’anneau aortique. La raison invoquée est que, la vitesse sous-aortique étant mesurée en Doppler pulsé 5 à 10 mm sous la valve aortique en coupe apicale, il est logique de mesurer le diamètre au même niveau. Bien que cette remarque soit recevable, la technique de mesure à l’anneau aortique précédemment décrite est celle habituellement employée en France, et c’est celle qui a été utilisée dans les études de validation. Les erreurs dans la mesure du diamètre sont la cause la plus fréquente d’une mauvaise évaluation de la surface aortique. La source d’erreur principale est une sous-estimation du diamètre, qui est liée au fait que l’on mesure une « corde » de la chambre de chasse (considérée comme circulaire), au lieu de mesurer son vrai diamètre. Pour éviter cette sous-estimation, il est recommandé d’utiliser des mouvements d’angulation du capteur pour être certain d’enregistrer la dimension la plus grande de la chambre de chasse. Il faut rappeler que l’erreur sur le diamètre sera portée au carré dans le calcul de la surface, et qu’une erreur de 1 mm sur le diamètre entraîne une variation d’environ 0,1 cm² sur la surface. Une méthode utile pour éviter une erreur de mesure importante est d’utiliser un « garde-fou », en comparant la valeur mesurée du diamètre à sa valeur théorique pour la surface corporelle du patient. L’équipe de Bichat a montré qu’il existe une corrélation significative entre le diamètre de la chambre de chasse et la surface corporelle, et a proposé une équation permettant d’obtenir le diamètre théorique de la chambre de chasse (D) en fonction de la surface corporelle (SC) du patient, selon la formule : D (en mm) = [5,7 x SC (en m²)] + 12,1. La surface valvulaire aortique, calculée en utilisant ce diamètre théorique, est bien corrélée à celle calculée à partir du diamètre mesuré de la chambre de chasse. L’intérêt de cette formule n’est pas de supprimer la mesure du diamètre, mais de vérifier que le diamètre mesuré est cohérent avec le diamètre théorique(3). Une autre cause d’erreur est que la chambre de chasse est elliptique plutôt que circulaire, comme l’ont montré plusieurs études basées sur l’échocardiographie 3D ou le scanner (figure 2). Il en résulte que la surface de la chambre de chasse calculée à partir de son diamètre est sous-estimée par rapport à la surface mesurée directement par planimétrie. Cette sous-estimation varie de 0,55 cm² à 0,7 cm² selon les études, et entraîne une sous-estimation de la surface valvulaire aortique. Figure 2. Échocardiographie 3D montrant la forme ovalaire de la chambre de chasse du ventricule gauche. Que faire si le diamètre de la chambre de chasse n’est pas mesurable ? La principale difficulté que l’on rencontre en pratique est de ne pas pouvoir mesurer le diamètre en raison d’une mauvaise échogénicité par voie parasternale. Dans cette situation, il ne faut jamais mesurer le diamètre par voie apicale, car cette mesure est faussée par une mauvaise résolution latérale. Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Une première solution est de mesurer le diamètre de la chambre de chasse par échocardiographie transœsophagienne (ETO). Le diamètre ainsi mesuré est très bien corrélé à celui obtenu par voie transthoracique(3). Cette méthode est recommandée si l’information requise est nécessaire à la décision clinique(1). Une deuxième solution est de réaliser une planimétrie de la surface valvulaire aortique. Cette planimétrie peut être effectuée par voie transthoracique ou en ETO, mais c’est bien entendu l’ETO qui sera utilisée si le problème est celui d’une mauvaise échogénicité par voie parasternale (figure 3). Les calcifications valvulaires importantes sont la limite principale de cette méthode, car elles peuvent générer des cônes d’ombre ou des réverbérations. Une troisième solution est de calculer l’index de perméabilité, qui est le rapport entre les intégrales temps vitesse (ou les vitesses) sous-aortique et aortique. Le calcul de cet index permet de s’affranchir de la mesure du diamètre. Une valeur < 25 % est en faveur d’un RA serré(1). C’est un critère dont la sensibilité est > 90 %, mais dont la spécificité est moindre. Une dernière solution consiste à utiliser une équation de continuité modifiée. Le volume d’éjection systolique, qui représente le numérateur de l’équation de continuité, est calculé à partir des volumes ventriculaires télédiastolique et télésystolique obtenus en échocardiographie 2D par méthode de Simpson biplan. La surface valvulaire est obtenue en divisant le volume d’éjection systolique par l’intégrale temps vitesse du flux aortique(4). La méthode peut aussi être utilisée en calculant le volume d’éjection systolique par échocardiographie 3D(5). On pourra aussi avoir recours à des méthodes non échographiques, imagerie de coupe ou cathétérisme, et notamment au calcul du score calcique au scanner. Figure 3. Planimétrie de la surface valvulaire aortique en ETO. Les erreurs sur la vitesse maximale du flux aortique La cause d’erreur principale est une sous-estimation de la vitesse maximale du jet, due à un mauvais alignement entre le jet et le faisceau d’ultrasons, responsable d’une sous-estimation des gradients et d’une surestimation de la surface valvulaire. Pour éviter de sous-estimer la vitesse maximale du jet, il faut utiliser des incidences multiples (apicale, parasternale droite, suprasternale, et éventuellement sous-costale). Le fait d’obtenir une « belle enveloppe » dans une incidence ne signifie pas que la vitesse maximale du jet a été enregistrée, et ne dispense pas de l’étude des autres incidences. Seule la vitesse maximale enregistrée figurera dans le compte-rendu, qui devra préciser par quelle voie elle a été obtenue pour faciliter d’éventuels examens ultérieurs (figure 4). Figure 4. Vitesse maximale du jet enregistrée par voie apicale. L’intérêt de la voie parasternale droite avec utilisation de la sonde Pedof a été souligné par l’équipe de Bichat (figure 5). Sur une série de 100 patients, la voie apicale sous-estimait la sévérité du RA en comparaison de la voie parasternale droite en termes de vitesse de jet, de gradient moyen et de surface valvulaire. En classant les patients à partir de leur surface valvulaire en 3 catégories (RA modéré, moyen, ou sévère), 21 % des patients étaient mal classés en utilisant la voie apicale (RA considéré comme modéré au lieu de moyen chez 17 patients, et RA considéré comme moyen au lieu de sévère chez 4 patients)(6). La faisabilité de la voie parasternale droite était de 85 %. Figure 5. À gauche : rétrécissement aortique enregistré par voie apicale avec une vitesse maximale à 4,9 m/s et un gradient moyen de 58 mmHg. À droite : enregistrement par voie parasternale droite chez le même patient retrouvant une vitesse maximale à 5,4 m/s et un gradient moyen de 73 mmHg. Plus rarement, la vitesse du RA peut être surestimée, essentiellement en raison de fautes techniques : confusion entre un flux de RA et un flux d’insuffisance mitrale, tracé inadéquat de l’enveloppe incorporant les artefacts linéaires verticaux parfois situés à son sommet (figure 6), prise en compte inadéquate d’un cycle post-extrasystolique, prise en compte des vitesses les plus élevées en cas de fibrillation atriale au lieu d’une vitesse moyenne calculée sur 5 à 10 cycles consécutifs. Figure 6. Rétrécissement aortique enregistré par voie parasternale droite. À gauche : présence d’artefacts verticaux fins et linéaires au sommet du spectre Doppler (flèche). À droite : le contour de l’enveloppe spectrale est tracé en excluant ces artéfacts. Une autre cause d’erreur peut être liée au phénomène de restitution de pression, qui fait que la pression dans l’aorte ascendante est plus élevée qu’au niveau de la vena contracta. Il en résulte que le gradient mesuré par Doppler, au niveau de la vena contracta, est plus élevé que le gradient mesuré par cathétérisme, entre la zone pré-sténotique et l’aorte ascendante. Cette surestimation du gradient par le Doppler en comparaison du cathétérisme ne peut être significative que si l’aorte ascendante est de petite taille, avec un diamètre < 30 mm au niveau de la jonction sino-tubulaire. Dans cette situation, une formule a été proposée pour prédire la surface hémodynamique (surface H) à partir de la surface calculée en Doppler (surface D) et de la surface de l’aorte ascendante (Surface Ao) : Surface H = (surface Ao x surface D)/(surface Ao – surface D) dans laquelle la surface de l’aorte ascendante est calculée à partir du diamètre de la jonction sino-tubulaire (D) par la formule surface Ao = πD²/4(7). Les erreurs sur la vitesse sous-aortique La vitesse sous-aortique est enregistrée en incidence apicale 5 cavités ou 3 cavités, en déplaçant le capteur vers l’aisselle pour optimiser l’alignement sur la chambre de chasse du ventricule gauche. Le volume de mesure est progressivement rapproché de la valve aortique, jusqu’à ce qu’apparaisse un élargissement spectral avec élévation des vitesses et aliasing (figure 7). Il est alors légèrement éloigné et placé juste en amont de cette zone d’accélération, de façon à obtenir une enveloppe spectrale nette et étroite. Figure 7. Enregistrement de la vitesse sous-aortique : technique « pas à pas ». À gauche : position correcte du volume de mesure. À droite : position incorrecte du volume de mesure placé trop loin dans la valve aortique avec élargissement spectral et aliasing. Cette technique « pas à pas » permet de repérer le siège idéal d’enregistrement de la vitesse sous-aortique. Une moyenne de 3 mesures est réalisée (5 à 10 en cas de fibrillation atriale). Il existe plusieurs causes d’erreur concernant la vitesse sous-aortique. Elle peut être sous-estimée en cas d’alignement incorrect sur la chambre de chasse, ou si le volume de mesure est placé trop à distance de la valve aortique, ce qui entraîne une sous-estimation de la surface valvulaire aortique. Inversement, elle peut être surestimée si le volume de mesure est placé trop loin dans la valve aortique. La présence d’une obstruction dynamique sous-aortique invalide le calcul des gradients et de la surface valvulaire aortique par équation de continuité. Une augmentation de la vitesse sous-aortique > 1,5 m/s invalide l’équation simplifiée de Bernoulli, car la vitesse sous-aortique (V1) n’est plus négligeable en regard de la vitesse aortique (V2). Cette situation peut se rencontrer en cas d’augmentation du débit cardiaque, quelle qu’en soit la cause, ou en cas d’insuffisance aortique associée au RA. Il faut alors utiliser l’équation partiellement simplifiée [gradient = 4(V2²-V1²)] au lieu de l’équation simplifiée (gradient = 4V2²). À titre d’exemple, si l’on considère une vitesse aortique de 4 m/s et une vitesse sous-aortique de 2 m/s, l’équation partiellement simplifiée indique un gradient maximum de 48 mmHg, alors que l’équation simplifiée donne un résultat de 64 mmHg, soit une surestimation de 33 %. Cette équation partiellement simplifiée ne peut être appliquée en pratique qu’au gradient maximum et non au gradient moyen. Faut-il indexer la surface valvulaire aortique à la surface corporelle ? La réponse est positive chez les enfants, les adolescents et les adultes de petit gabarit (surface corporelle < 1,5 m² ou IMC < 22 kg/m²). En revanche, l’indexation n’est pas recommandée chez les obèses, car la surface valvulaire aortique n’augmente pas avec l’excès pondéral(1). En pratique Pour limiter le risque d’erreur, il faut : - mesurer très soigneusement et à plusieurs reprises le diamètre de la chambre de chasse, puis comparer la valeur mesurée à la valeur théorique pour la surface corporelle, et reprendre la mesure en cas de discordance importante ; - utiliser des incidences multiples et la sonde Pedof pour rechercher la vitesse maximale du jet, en se souvenant toujours qu’une « belle enveloppe » ne veut pas dire que la vitesse maximale du jet a nécessairement été enregistrée ; - enregistrer la vitesse sous-aortique en utilisant la technique « pas à pas » ; - indexer la surface valvulaire à la surface corporelle chez les adultes de petit gabarit mais pas chez les obèses ; - mesurer le diamètre de la jonction sino-tubulaire et évoquer la possibilité d’une restitution de pression significative en cas de diamètre < 30 mm.

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