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Thérapeutique

Publié le 31 jan 2006Lecture 7 min

Statines versus placebo

A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil

Si vous vous reportez quinze années en arrière, vous vous souviendrez certainement de la polémique sur l’utilité d’un abaissement du cholestérol du fait des résultats des essais thérapeutiques peu convaincants d’une part, et du fait que certains produits riches en acides gras saturés comme le lait entier et ses dérivés bénéficiaient (et bénéficient encore, fort heureusement) d’une image très favorable auprès des consommateurs et de certains diététiciens.

        Depuis la publication de l’étude 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study), les temps ont changé et peu de gens aujourd’hui discutent de l’opportunité d’abaisser le cholestérol, au moins chez les sujets ayant eu ou à haut risque d’avoir un infarctus du myocarde.   Une « mégaanalyse » : 90 056 patients L’édition du 8 octobre du Lancet nous apporte une métaanalyse de l’ensemble des études dans lesquelles une statine a été comparée à un placebo (11 études) ou au traitement usuel en vigueur à l’époque (3 études). Dans ces 14 études, 90 056 sujets ont été inclus. La métaanalyse est faite à partir des données individuelles de ces patients et son protocole a été écrit en 1994 avant la publication de la première étude (étude 4S) ; c’est donc la « Rolls-Royce » des métaanalyses dans la mesure où les critères de jugement ont été définis a priori et non pas en fonction des résultats connus des premiers essais. Les durées des études ont été différentes et l’abaissement du cholestérol a été plus ou moins important. Les auteurs ont extrapolé les résultats à une durée de suivi de 5 ans, qui était la durée la plus fréquemment utilisée, et ont calculé l’effet de l’abaissement d’une millimole du LDL-cholestérol sur les événements cliniques.   L’abaissement du cholestérol s’accompagne d’une baisse de la mortalité totale Au cours d’un suivi moyen de 5 ans, 8 186 décès, 14 348 premiers événements cardiovasculaires et 5 103 cancers ont été observés. Il est important de dire qu’on ne compte que le premier événement cardiovasculaire par patient car la probabilité d’avoir un nouvel accident est d’autant plus forte qu’on a déjà eu plusieurs événements. Cette façon de compter, convenable au plan statistique, conduit à une sous-estimation du bénéfice réel du traitement. Les résultats montrent que l’abaissement d’une millimole du LDL-cholestérol (0,4g/l) s’accompagne d’une baisse de 12 % de la mortalité totale.   Les événements cardiovasculaires sont réduits Cette différence est très significative, les bornes de l’intervalle de confiance de cette différence vont de 9 à 16 %. Cette réduction de mortalité totale est expliquée par une réduction de la mortalité cardiovasculaire ; là encore, pour une réduction d’une millimole du LDL-cholestérol pendant 5 ans, on observe une réduction de 19 % de la mortalité de cause coronaire (intervalle de confiance à 95 % : 15 à 24 %). Les autres décès de cause vasculaire sont réduites de 7 % mais la différence n’est pas significative. Enfin, la mortalité non cardiovasculaire est réduite de 5 % mais, là aussi, cette différence n’est pas significative. Si l’on prend le paramètre IDM non mortel + décès de cause coronaire, la réduction est de 23 % (IC 95 % : 20 – 26 %) ; les revascularisations coronaires ont été réduites de 24 % (IC 95 % : 20 à 27 %) ; les AVC mortels ou non ont été réduits de 17 % (IC 95 % : 12 à 22 %) ; enfin les événements cardiovasculaires combinés ont été réduits de 21 % (IC 95% : 19 à 23 %). Vous me direz, tout cela vous le saviez déjà ; en fait non et pas aussi précisément. Non, parce que, d’une étude à l’autre, tel ou tel événement, bien que réduit, ne l’était pas significativement ; cette métaanalyse permet de gommer ces hétérogénéités d’une étude à l’autre en donnant une vision plus globale. L’apport est également au niveau de la précision des données : lorsqu’un intervalle de confiance est aussi petit que 19 à 23 %, cela veut dire que si l’on recommence une série d’études sur un aussi grand nombre de patients comparables, on retombera sur les mêmes chiffres. En d’autres termes, si vous appliquez les résultats de cette métaanalyse à des patients ressemblant à ceux qui ont été inclus dans ces études, vous pouvez anticiper un bénéfice comparable.   L’autre intérêt de cette métaanalyse est l’analyse des sous-groupes - D’abord, quels sont les effets d’une réduction du cholestérol plus importante et d’une réduction de cholestérol moins importante ? Là, les choses sont simples, les études dans lesquelles la réduction de cholestérol a été plus importante montrent un bénéfice plus important et inversement. Les figures de l’article montrent qu’une réduction de 1,5 mmol du LDL-cholestérol pourrait conduire à une réduction de 32 % des événements coronaires majeurs. Quelle est l’importance de cette constatation ? Elle est triple : • la réponse des malades à une dose habituelle de statine est variable : pour les bons répondeurs, l’abaissement fort du LDL-cholestérol est une bonne nouvelle en termes de réduction du risque ; • et nous avons aujourd’hui des moyens de faire baisser plus fortement le LDL-cholestérol ; il est probablement légitime de les utiliser chez les sujets à haut risque ; • enfin, il existe des sujets qui abaissent peu leur LDL-cholestérol sous statine et cela doit faire évoquer en premier lieu une mauvaise observance du régime et des traitements.   Le bénéfice est observé quel que soit le diagnostic initial, maladie coronaire, autres maladies liées à l’athérosclérose et autres situations à risque d’infarctus du myocarde (HTA, diabète, hypercholestérolémies avec en moyenne 2 autres facteurs de risque). Le bénéfice ne dépend pas de l’âge (avant ou après 65 ans) mais on n’a pas de données suffisantes au-delà de 80 ans. Le bénéfice est observé chez les hommes et chez les femmes, les hypertendus, les diabétiques et quel que soit le bilan lipidique de départ. Si, au lieu de parler en réduction relative de risque, on parle en événements évités, on s’aperçoit que l’efficacité est plus grande chez les coronariens que chez les autres patients. - Chez les malades coronariens connus, un abaissement d’une millimole pendant 5 ans permet d’éviter 30 événements coronaires majeurs et 48 événements vasculaires majeurs pour 1 000 patients traités. Cela revient à dire qu’il faut traiter 33 coronariens pendant 5 ans pour éviter un événement coronaire et 20 coronariens pour éviter un événement vasculaire. - En revanche, les patients non coronariens ont un bénéfice absolu presque deux fois moindre : 18 événements coronaires et 25 événements vasculaires majeurs évités pour 1 000 patients traités 5 ans ; cela revient à dire qu’il faut traiter 55 de ces patients pour éviter un accident coronaire et 40 pour éviter un accident vasculaire. Un bénéfice pour tous les patients Il est important de rappeler quels sont ces patients qui ont tiré bénéfice du traitement : des coronariens à tous les stades de gravité, des malades ayant eu un AVC ischémique, des artéritiques, des hypercholestérolémiques de sexe masculin, des hypertendus et des diabétiques ayant tous en moyenne deux facteurs de risque en plus de celui qui les a fait inclure dans les études. Les études montrent une réduction relative du risque identique quel que soit le niveau de risque dont on part ; on peut donc penser qu’un bénéfice sera obtenu même si l’on administre le traitement à des malades à plus faible risque que les malades inclus dans les études. Cependant, le nombre de patients à traiter pour éviter un événement sera de plus en plus important ; le rapport coût/bénéfice sera donc de plus en plus défavorable, d’où la légitime inquiétude de l’assurance maladie.   L’excellente tolérance au traitement L’autre enseignement de cette métaanalyse est que le risque associé au traitement pour les doses utilisées est faible et, en particulier le risque d’événements graves paraît proche du zéro. Certes, entre 20 et 30 % des malades inclus dans ces essais ont arrêté le traitement qui leur était assigné pour des raisons diverses, dont certainement des douleurs musculaires, mais il n’a été observé que 9 rhabdomyolyses sur 40 000 patients traités contre 6 sur 40 000 dans les groupes témoins. L’autre inquiétude était la survenue des cancers : il en a été signalé 2 567 dans les groupes statines contre 2 536 dans les groupes témoins pour un risque relatif à 1,00 qui permet d’exclure avec un fort degré de vraisemblance un risque de cancérogenèse. De plus, le risque reste voisin de 1,00 pendant les 5 années de surveillance, ce qui permet d’écarter le soupçon d’une cancérogenèse liée à l’exposition prolongée aux produits. Cette bonne tolérance est obtenue, il faut le rappeler, aux doses utilisées dans les essais : 40 mg pour la simvastatine, 40 mg pour la pravastatine, 10 mg pour l’atorvastatine et fluvastatine 40 à 80 mg, et dans les conditions d’un essai où des recommandations fortes concernant les coprescriptions sont faites. En particulier, dans tous ces essais, l’association aux fibrates était interdite. Cette métaanalyse est une étape qui fixe nos connaissances en 2005 quant à l’effet et la sécurité des statines. Il est indiscutable que les statines sont un progrès majeur, ayant des effets indésirables connus et bénins, à deux conditions : • de les utiliser chez des malades ayant un niveau de risque comparable à celui des malades des essais ; • de les utiliser aux doses utilisées dans les essais.   Quel futur ? Les étapes suivantes seront des études comparant les faibles et les fortes doses de statines ; si celles-ci montrent un bénéfice proportionnel à l’abaissement du LDL-cholestérol, comme le suggère cette métaanalyse, et si la tolérance aux fortes doses reste bonne, il faudra réviser les objectifs de traitement pour tous les malades ayant un risque substantiel d’accident artériel ischémique. Enfin, il faudra que d’autres études soient faites chez des malades ayant un risque d’événement ischémique artériel plus faible pour savoir s’il y a d’autres populations qui peuvent bénéficier du traitement. La difficulté de ces études sera le grand nombre de patients nécessaires pour en démontrer l’efficacité.

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