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Risque

Publié le 07 mar 2011Lecture 7 min

Supplémentation calcique et risque cardiovasculaire : faut-il changer nos habitudes ?

C. CARON

Plusieurs études et une méta-analyse mettent en évidence une augmentation du risque cardiovasculaire, et en particulier du risque coronarien, chez les patient(e)s recevant une supplémentation calcique. Quelles conclusions pratiques tirer de ces travaux ? Faut-il modifier nos habitudes thérapeutiques ? Le point sur la question.

Longtemps il était admis que les femmes ménopausées recevant une supplémentation calcique avaient un risque cardiovasculaire abaissé par rapport à celles qui n’en avaient pas, notamment en raison d’une amélioration de leur profil lipidique. Et même si son bénéfice sur le plan de la cardioprotection n’était pas prouvé, personne n’aurait soupçonné le calcium du moindre effet délétère. C’est pourtant le retournement conceptuel qui est en train de s’opérer depuis quelques années. Les premières études qui ont fait suspecter un possible accroissement du risque cardiovasculaire sont celles réalisées chez des patients en insuffisance rénale terminale (IRC), dialysés ou non, qui reçoivent des sels de calcium au titre de chélateur de phosphate, nécessaire en raison des perturbations secondaires du métabolisme phosphocalcique. Une étude conduite chez 39 malades âgés de 20 à 30 ans en IRC avant dialyse(1), avait ainsi montré que 87,5 % d’entre eux présentaient des calcifications coronariennes ; un autre travail mené chez des sujets dialysés traités par chélateurs du phosphate avait mis en évidence une surmortalité d’origine coronarienne(2).   Premières alertes   De là à s’interroger sur un éventuel sur-risque cardiovasculaire chez les femmes ménopausées supplémentées en calcium, il n’y avait qu’un pas, que Marc J. Bolland et ses collaborateurs ont franchi sans complexe. Souvenez-vous, nous nous étions fait l’écho (Ostéoporose Pratiquen°2) d’une précédente étude(3) de cette équipe d’Auckland dont les résultats avaient beaucoup surpris. À l’origine, cet essai prospectif, randomisé en double aveugle contre placebo avait pour objectif d’évaluer l’effet d’une supplémentation calcique dans la prévention des fractures chez 1 471 femmes ménopausées depuis au moins 5 ans, qui ne recevaient pas de traitement antiostéoporotique. Une analyse en seconde intention avait apprécié à 5 ans le retentissement de cette supplémentation sur le risque cardiovasculaire. Les auteurs avaient mis en évidence un risque relatif (RR) d’infarctus du myocarde (IdM) de 1,49 chez les femmes recevant du calcium par rapport à celles qui n’en avaient pas, un RR de 1,37 pour le risque d’AVC et un RR de 1,21 pour un facteur composite réunissant AVC, IdM et mort subite. Comme d’habitude, et a fortiorilorsque les résultats sont aussi surprenants que ceux-là, les auteurs concluaient avec prudence en proposant des mécanismes d’action, mais aussi en soulignant que d’autres essais étaient nécessaires pour confirmer ce sur-risque. Et ils ont tenu leurs promesses puisqu’ils ont publié, fin 2010, une méta-analyse(4) qui semble conforter leur hypothèse.   Un sur-risque coronarien qui se confirme   M.J. Bolland et ses collaborateurs ont sélectionné dans plusieurs bases de données (Medline, Embase, Cochrane Central) les études randomisées, en double aveugle contre placebo publiées jusqu’en mars 2010, qui avaient testé l’effet d’une supplémentation calcique d’au moins 500 mg/j, sans supplémentation en vitamine D, chez des patients âgés de 40 ans et plus. Ces travaux devaient comporter un minimum de 100 volontaires inclus et un suivi d’au moins un an. Des 190 études initialement identifiées, seulement 15 répondaient strictement aux critères définis. Les auteurs de ces essais ont alors été contactés afin de savoir s’ils possédaient des données sur les événements cardiovasculaires survenus au cours du suivi chez les sujets ayant participé à leurs études. Ces données étaient accessibles pour chaque patient dans 5 de ces études, et des données globales étaient disponibles pour 6 autres. Pour les 4 autres essais, aucune donnée originale n’était disponible, les registres n’ayant pas été conservés. Le critère primaire d’évaluation était le temps écoulé jusqu’à un IdM, un AVC ou jusqu’à un critère composite réunissant les événements suivants : IdM, AVC, décès. Le critère secondaire d’évaluation était la mortalité toutes causes confondues. Les 5 études pour lesquelles tous les éléments d’analyse étaient disponibles, avaient inclus 8 151 patients qui avaient été suivis en moyenne pendant 3,6 ans. Cent quarante-trois de ceux qui recevaient une supplémentation calcique avaient été victimes d’un IdM contre 111 de ceux du groupe placebo, soit une augmentation de 31 % du risque relatif coronarien (p = 0,035). Aucune différence significative n’a été en revanche constatée pour les AVC, le critère composite (IdM, AVC, décès) ou pour la mortalité quelle que soit la cause. En d’autres termes, la supplémentation de 69 patients (NNT, Number Needed to Treat) pendant 5 ans se soldait par la survenue d’un IdM supplémentaire. Les analyses de sous-groupes ont révélé une corrélation entre le calcium alimentaire et l’accroissement du risque cardiovasculaire, qui s’élevait lorsque ces apports dépassaient la barre des 805 mg/j, mais restait stable en dessous de ce seuil. L’analyse des données disponibles dans les autres études a montré une tendance comparable, avec une augmentation significative du risque coronarien (p = 0,038), mais pas de celui des AVC, ni du critère composite d’évaluation, ou de la mortalité globale. En considérant l’ensemble de ces 11 études ayant enrôlé un total de 12 000 patients, la supplémentation en calcium était associée à un accroissement d’environ 30 % du risque de survenue d’un événement coronarien. Les auteurs concluaient leur enquête en soulignant que, selon leurs résultats, la supplémentation calcique de 1 000 patients pendant 5 ans aboutissait à la survenue de 14 IdM, 10 AVC et 13 décès, alors qu’elle permettait de prévenir, dans le même temps, la survenue de 26 fractures ; un rapport bénéfice-risque qui remet en cause la supplémentation médicamenteuse systématique en calcium seul.   Réanalyse de l'étude WHI : confirmation du risque cardiovasculaire   M.J. Bolland et son équipe insistent en effet sur le fait que leur méta-analyse n’a pas pris en compte les études comportant, en plus de la supplémentation calcique, un apport en vitamine D. Une récente méta-analyse portant sur des essais ayant évalué l’effet d’une supplémentation vitamino-calcique avec un apport quotidien d’au moins 1 000 UI/j de vitamine D a mis en évidence une baisse du risque cardiovasculaire(5). La prescription concomitante de vitamine D pourrait donc limiter l’impact vasculaire de la supplémentation calcique, mais il est probable que d’autres facteurs, parmi lesquels l’âge, le statut vitamino-calcique de départ, l’équilibre phospho-calcique, les doses prescrites, etc. aient un impact sur le risque de calcification et de rigidité artérielle. D’ailleurs, la même équipe d’Auckland s’est attachée à reprendre les résultats de la Women’s Health Initiative (WHI)(6) qui n’avait pas mis évidence un accroissement du risque cardiovasculaire chez les femmes recevant une association vitamine D + calcium. En reprenant les données de cette cohorte, à laquelle 15 788 femmes ont participé, M.J. Bolland et son équipe ont remarqué que les doses de vitamine D étaient moindres dans ce travail que celles habituellement recommandées et que 44 % des patientes ne prenaient ni calcium ni vitamine D à l’inclusion dans l’étude(7). L’analyse de ce sous-groupe montre que l’introduction d’une supplémentation vitamino-calcique est associée à une augmentation du risque de 11 à 19 % des IdM, des revascularisations coronariennes et des AVC, et à un sur-risque significatif pour le critère composite IdM et revascularisation coronarienne. En revanche, cet accroissement n’a pas été retrouvé chez les femmes prenant des sels de calcium hors protocole. Dans la mesure où un impact de l’indice de masse corporelle est ressorti comme un paramètre significatif du risque cardiovasculaire dans l’étude WHI, les auteurs ont poursuivi leur analyse en distinguant différentes situations. Chez les patientes non obèses (IMC < 30) n’ayant pas de supplémentation vitamino-calcique avant l’étude, l’adjonction de cette dernière avait pour conséquence un accroissement de 31 % des pathologies coronariennes (p = 0,02) et de 21 % d’un critère composite (IdM, décès d’origine cardiovasculaire, et revascularisation) (p = 0,05). Enfin, bien que la supplémentation ne semble pas avoir eu d’incidence chez les femmes prenant du calcium en dehors du protocole, il s’avérait qu’elle augmentait le risque cardiovasculaire chez les femmes non obèses et pas chez les obèses. Dans leur étude présentée à l’ASBMR, les auteurs expliquaient ce dernier résultat paradoxal par la carence fréquente en vitamine D constatée chez les femmes obèses et le caractère protecteur d’un apport supplémentaire, même à doses insuffisantes. Au total, les investigateurs concluaient que dans l’étude WHI le risque cardiovasculaire est accru par la supplémentation vitamino-calcique, mais que ce résultat avait été masqué par le nombre important de femmes recevant du calcium hors protocole.   En pratique, privilégier d'abord l'alimentation   L’accroissement du risque cardiovasculaire en rapport avec la supplémentation en sel de calcium n’est certes pas encore totalement démontré, mais les données d’évidence s’accumulent et il vaut mieux être prudent avant que l’amoncellement des nuages ne se transforme en orage. D’autant qu’il suffit de respecter des règles simples pour éviter ce potentiel effet indésirable. On sait que les insuffisances en vitamine D sont fréquentes, comme l’ont montré de nombreuses enquêtes épidémiologiques. De même, les apports alimentaires en calcium sont souvent insuffisants chez les femmes ménopausées, mais ce nutriment est présent dans de nombreux aliments, en particulier les produits laitiers. Tous les traitements antiostéoporotiques actuellement disponibles ont été évalués lors d’études cliniques associant un apport supplémentaire en calcium, et le plus souvent en vitamine D. D’ailleurs, les recommandations de l’Afssaps(8) précisent : « Les apports recommandés doivent toujours être assurés lors de l’administration des traitements de l’ostéoporose, au mieux par l’alimentation, à défaut par un apport médicamenteux ». Dans une étude récente, R. Levasseur a évalué les apports nécessaires, alimentaires si possibles en se basant sur l’apport en laitages, ou sous forme de sel de calcium, en fonction des différents traitements de l’ostéoporose. Lorsque cela est possible, on privilégiera donc un apport alimentaire de calcium, qui devra être surveillé et réévalué au cours du suivi, et qui sera toujours associé à une supplémentation en cholécalciférol.   « Publié dans Ostéoporose Pratique »

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