Publié le 08 mar 2011Lecture 7 min
Comment optimiser la resynchronisation cardiaque ?
G. LAMBERT
Les Journées européennes de la SFC
On estime qu’environ 30 % des patients insuffisants cardiaques sont non-répondeurs à la resynchronisation, même lorsque l’indication est bien posée. Ce taux peut être amélioré en agissant sur plusieurs paramètres.
Didier Klug (Lille) a brossé le portrait du patient idéal candidat à la resynchronisation
L’efficacité de cette dernière dans l’insuffisance cardiaque (IC) a été démontrée dans de nombreuses études, avec une baisse de la mortalité d’environ 7 % alors que, pour donner un élément de comparaison, celle obtenue avec un traitement par IEC est de 6,1 % et de 4,4 % avec les bêtabloquants. Dans les recommandations internationales, la resynchronisation est indiquée en cas d’IC stade II ou III NYHA, de QRS larges (120 à 150 ms), de fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) < 35 %. Toutefois, même lorsque ces critères sont réunis, 30 % des patients ne sont pas répondeurs. Sachant de surcroît que les complications sont estimées à environ 12 % des resynchronisations, comment optimiser le choix des candidats à le resynchronisation ?
On peut s’intéresser aux patients dits « super-répondeurs » qui présentent dans certaines études une cardiopathie non ischémique, des QRS larges, un bloc de branche gauche (BBG), une insuffisance mitrale non sévère et une désynchronisation cardiaque. Pour rechercher ce dernier critère, on mesure l’asynchronisme intraventriculaire, qui est la différence de contraction entre les différentes parois, par exemple le septum et la paroi latérale. Il s’avère cependant que les profils des répondeurs et ceux des super-répondeurs ne sont pas très différents. De plus, aucun de ces critères n’est parfait. Les études montrent ainsi, que plus de la moitié des patients répondeurs ont une cardiopathie ischémique. Chez ces derniers, c’est la sévérité de l’infarctus qui doit être pris en compte. En effet, plus l’infarctus est grand et moins les chances de récupération sont importantes : cela est logique si une zone étendue de la paroi est akinétique.
Cette notion de sévérité peut être appliquée aux autres critères, et notamment à la largeur des QRS. Il a en effet été montré qu’au-dessus de 200 ms l’effet de la resynchronisation est beaucoup moins net, de même si la fuite mitrale est majeure, les bénéfices obtenus seront faibles. Cette notion de sévérité est retrouvée dans toutes les études avec, comme critère principal de jugement, le diamètre du VG.
Anticiper les décompensations d’insuffisance cardiaque
• Jean-Claude Deharo (Marseille) a souligné la fréquence des décompensations dans l’histoire naturelle de l’IC, chacune d’entre elles étant estimée à un coût d’environ 3 200 euros/an.
L’objectif est d’anticiper et de prévenir ces décompensations, ce qui devrait avoir un effet positif sur l’évolution de la maladie. Il faut pour cela disposer de critères autres que les critères classiques (poids, fréquence cardiaque, etc.), comme par exemple, les pressions ou l’impédance thoracique. Le premier capteur de pression connu est implanté dans la chambre de chasse du VD. Il enregistre la pression in situ à partir de laquelle il estime la pression de l’artère pulmonaire en diastole, la pression capillaire pulmonaire et enfin celle dans l’OG.
L’étude randomisée avec ce matériel chez des patients en stade III ou IV de la NYHA, dont le traitement a été ajusté en fonction des données de pression, a montré que la prise en compte de ce critère permet de diminuer significativement le nombre des hospitalisations. Un autre type de matériel est implanté sur le versant gauche du septum interauriculaire. Le recueil des pressions dans l’oreillette gauche permet de délivrer des alertes en cas de hausse trop importante et d’ajuster le traitement pour prévenir une décompensation. Un suivi sur deux ans avec ce matériel a également montré une nette diminution des événements cardiovasculaires.
Dérivés de la recherche sur les nanotechnologies, il existe maintenant des capteurs de très petite taille autoalimentés. On peut larguer la prothèse dans l’artère pulmonaire où elle se fixe et s’épithélialise. L’étude CHAMPION est une étude randomisée conduite chez 550 patients avec IC stade III NYHA traités soit selon les critères habituels, soit en prenant en compte en plus les données transmises par la prothèse. Les premiers résultats de ce travail, qui n’a pas encore été publié, montrent que les patients dans le groupe traité en fonction des recueils de pression (n = 270) ont eu moins d’épisodes de décompensation (p < 0,001).
Les capteurs d’impédance thoracique sont intégrés dans les défibrillateurs resynchroniseurs (CRT-D), notamment de la gamme Unify/Fortify (St. Jude Medical). Ils mesurent la progression d’un courant entre la sonde et le boîtier du défibrillateur permettant ainsi de quantifier la résistance au passage du courant, qui est elle-même corrélée au degré de congestion pulmonaire. Lorsque cette impédance diminue, le risque de décompensation augmente. D’autres critères simples à obtenir peuvent être couplés dans le suivi de CorVue à ces périodes de décompensation (passage en fibrillation auriculaire par ex.).
Peut-on optimiser la réponse à la resynchronisation ?
• Pour augmenter le taux de répondeurs on peut, selon Christophe Leclercq (Rennes), mieux sélectionner les patients, notamment en écartant ceux ayant les pathologies les plus sévères.
Le positionnement des sondes, habituellement placées sur la paroi du VG, ne semble pas idéal pour tous les patients. Il a en effet été montré qu’un positionnement concordant, lorsque la sonde est placée en regard de la paroi qui se contracte le plus tardivement, permet de diminuer de 30 % la mortalité par rapport à un positionnement discordant, lorsque la sonde est plus loin de la zone atteinte. Par ailleurs, une étude conduite chez 800 patients a montré que le positionnement apical de la sonde augmentait significativement le risque de décès CV par rapport à un positionnement plus basal. De plus, chez les patients avec un BBG, ceux qui présentent une ligne de bloc gauche bénéficient plus de la resynchronisation que ceux ayant une conduction ralentie de façon homogène. Ces éléments suggèrent qu’à l’avenir une évaluation fine de la conduction en peropératoire pourrait permettre d’optimiser les bénéfices de la resynchronisation par un meilleur positionnement de la sonde. Il faut par ailleurs rappeler que le principe de la resynchronisation est basé sur une stimulation permanente. Une étude a montré que si celle-ci est inférieure à 92 %, le taux de mortalité est significativement augmenté par rapport à des patients stimulés à 100 %.
L’optimisation de la programmation fait actuellement l’objet de nombreuses communications. Pour commencer, il faut programmer la réponse aux arythmies atriales paroxystiques. Autre élément simple à vérifier, les variations du seuil de stimulation ventriculaire sans évidence radiographique de déplacement de la sonde du VG. Il est important de monitorer ce paramètre pour s’assurer d’une stimulation permanente et pouvoir, le cas échéant, combiner différents vecteurs de stimulation sur les électrodes pour obtenir un seuil plus bas. Certains matériels permettent de télétransmettre des alertes en cas d’élévation trop importante des seuils de stimulation. Il est également important de faire une épreuve d’effort pour s’assurer que le patient est encore synchronisé à l’effort. Pour cela, on vérifiera que la fréquence cardiaque maximale programmée est compatible avec une synchronisation effective à l’effort.
L’optimisation des délais atrioventriculaires (AV) et interventriculaires (VV) est au cœur du débat car il semble que dans de nombreux cas (45 % selon une étude portant sur 100 patients) la non-réponse peut être liée à un mauvais réglage de ces paramètres dont l’ajustement échoit le plus souvent aux échographistes. Toutefois deux études (FREEDOM et SMART-AV) ont montré que l’optimisation de ces paramètres ne donne pas significativement de meilleurs résultats sur la mortalité et les hospitalisations pour IC aiguë. Leur monitorage ne semble donc pas intéressant de façon systématique, il faut sans doute le réserver à certains patients, que nous ne savons pas bien identifier pour l’instant.
Si le patient n’est toujours pas répondeur après avoir vérifié l’ensemble des éléments cités plus haut, il faut probablement stimuler une zone plus large de myocarde. C’est ce qui a été fait dans l’étude TRIP HF par l’implantation de deux sondes dans le sinus coronaire. On peut ainsi recruter plus de myocarde et augmenter significativement l’hémodynamique de ces patients. Il existe une nouvelle sonde à 4 pôles (sonde Quartet – St. Jude Medical) qui permet de contrôler dix vecteurs de stimulation et de programmer l’électrode distale par rapport à l’électrode proximale de façon à recruter le myocarde beaucoup plus rapidement, afin d’obtenir des résultats jusqu’à présents possibles seulement avec deux sondes. Cette sonde permet également d’optimiser les seuils ventriculaires gauches et d’éviter les risques de stimulation phrénique, particulièrement désagréables pour le patient.
Perspectives d’avenir
• Daniel Gras (Nantes) a tracé quelques approches futures de la resynchronisation. L’optimisation du positionnement des sondes VG peut être obtenu par un placement intrapéricardique.
L’électrode est mise en place par ponction transpéricardique et permet de stimuler l’OD, le VD mais aussi le VG. Il existe par ailleurs des stimulateurs totalement implantables en cours d’évaluation à l’apex du VD. Il serait possible de multiplier ces stimulateurs et de programmer les stimulations par une centrale. Un autre procédé est la stimulation endocardique du VG qui permet d’obtenir un recrutement myocardique plus rapide.
Cette stimulation endocardique du VG peut être obtenu par ultrasons. Ceux-ci sont délivrés par un générateur et sont recueillis par un système receveur implanté dans le VG, qui transforme ces ultrasons en énergie électrique.
Avec ces systèmes sophistiqués, il sera de plus en plus nécessaire de suivre les patients à distance par télétransmission de données concernant par exemple l’état du matériel et la fréquence de stimulation.
G. Lambert d’après un symposium de St Jude Medical
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