publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 09 déc 2008Lecture 7 min

Les jeunes cardiologues - Une année au Mozambique...

E. MARIJON, HEGP, Paris

Après avoir effectué au moins 2 semestres, tout interne a la possibilité de profiter de 6 mois de disponibilité pour « convenances personnelles », renouvelable 2 fois. Pour cela, il suffit d’en faire la demande auprès du Bureau des internes de sa région avant le 31 juillet/décembre de l’année en cours.
Me voilà donc parti en 2005 à l’Institut du Cœur de Maputo, capitale du Mozambique située à une centaine de kilomètres de l’Afrique du Sud, en bordure de l’Océan Indien. Le Mozambique, ancienne colonie portugaise, est indépendant depuis 1975. De 1976 à 1992, une guerre civile sanglante a fait près d’un million de morts. Luttes politiques internes et guérillas, d’abord entretenues par une Rhodésie encore aux mains du pouvoir blanc, puis par l’Afrique du Sud, ont conduit le pays à la faillite. Pays le plus pauvre du monde en 1986, le Mozambique essaie de se reconstruire petit à petit.

Inauguré en juin 2001, l’Institut du Coeur de Maputo est essentiellement le fruit de la collaboration de quatre organisations non gouvernementales : Cadeia da esperança (Portugal), Chain of Hope (Royaume-Uni), Cœur pour tous (Suisse) et La Chaîne de l’espoir (France). Il dispose de deux blocs opératoires, d’installations de cardiologie interventionnelle, de huit lits de réanimation, de douze lits d’hospitalisation, d’une salle de radiographie, d’un laboratoire de biologie et d’une pharmacie. Il permet d’opérer 300 malades et d’en examiner 10 000 par an. En 2006, un centre de recherche dédié aux maladies cardiaques comme la fibrose endomyocardique a vu le jour. La chirurgie et une grande partie du cathétérisme interventionnel ne fonctionnent qu’au cours des 4 ou 5 missions annuelles. L’Institut assure la gratuité des soins pour les enfants qui consultent pour une pathologie cardiaque. À l’heure actuelle, l’Institut parvient à s’autofinancer grâce en partie aux soins payants des adultes, mais reste toujours subventionné par des donations extérieures. Le but à moyen terme est que l’Institut devienne complètement autonome financièrement et médicalement avec une activité de chirurgie cardiaque régulière. Rapidement après mon arrivée, j’ai pu exercer une activité clinique basée essentiellement sur des consultations, agrémentée de 6 à 8 gardes par mois… J’ai alors observé des pathologies que je n’avais jamais rencontrées auparavant : cardites rhumatismales, fibroses endomyocardiques, cardiopathies congénitales cyanogènes vieillies (figure 1), cardiopathies rhumatismales gravissimes (figure 2) ou infracliniques (figure 3 et tableau) tableaux infectieux dramatiques et de nombreuses cardiomyopathies du post-partum et du VIH… Bien que l’Institut soit probablement l’établissement le mieux équipé du pays, j’étais confronté en permanence à la rareté des examens complémentaires disponibles sur place. Pas question donc de s’attendre à analyser une CRP, une troponine, sans même parler du BNP… Figure 1. Cardiopathie congénitale. Jeune homme de 20 ans. Découverte d’une cardiopathie congénitale cyanogène (atrésie tricuspide) jusque-là méconnue. Dyspnée au moindre effort. Polyglobulie. Figure 2. Cardiopathie rhumatismale. Electrocardiogramme (V1 et V2) d’une jeune femme de 18 ans. Sténose mitrale pure (0,2 cm2/m2) compliquée d’hypertension artérielle pulmonaire massive (pression systolique pulmonaire à 120 mmHg). Amélioration spectaculaire après valvuloplastie mitrale percutanée. Figure 3. Lésion rhumatismale infraclinique, associant une fuite visible en Doppler couleur à des signes morphologiques en mode BD. Je voulais combiner mon activité clinique à une activité de recherche J’en avais parlé à Daniel Sidi qui m’avait alors conseillé de faire le point sur la prévalence de la maladie rhumatismale (rheumatic heart disease-RHD). Tout comme la glomérulonéphrite post-streptococcique, le RHD est une manifestation auto-immune retardée d’une infection à streptocoque A, le plus souvent oro-pharyngée. À en croire les abstracts des derniers congrès, le RHD n’existe plus ! Pourtant, en 2005, Jonathan Carapetis estimait à plus de 200 000 le nombre de décès annuels et à plus de 15 millions le nombre d’individus atteints de RHD. Il est clair que la répartition est très hétérogène, l’amélioration des conditions sanitaires et l’antibioprophylaxie primaire et secondaire ayant permis d’enrayer la maladie dans les zones les plus développées du globe. La physiopathologie du RHD est basée sur un épitope bactérien spécifique qui entraîne, chez un hôte particulièrement susceptible (certains groupes HLA particulièrement exposés), une réaction immunitaire exagérée aboutissant à une atteinte inflammatoire de l’endocarde valvulaire. Les lésions valvulaires sévères séquellaires sont le plus souvent le résultat d’atteintes successives de rhumatisme articulaire aigu. En épluchant la bibliographie sur le sujet, nous nous sommes vite rendu compte que, parmi la vingtaine d’études qui avaient estimé la prévalence du RHD en Afrique sub-saharienne, toutes avaient utilisé une approche clinique : si l’enfant ausculté au cours de l’étude présentait un souffle d’allure organique, alors les investigateurs effectuaient une échographie cardiaque pour affirmer ou infirmer l’origine rhumatismale de la lésion. D’autres études ne se sont même pas embarrassées à passer par la confirmation échographique pour avancer des chiffres de prévalence ! Et pourtant, deux principaux arguments prônaient une utilisation systématique de l’échographie. Le premier argument était basé sur la physiopathologie même du RHD ; les Brésiliens avaient, en effet, montré en 2004 que, sur 100 enfants avec cardite aiguë au cours d’un épisode de rhumatisme articulaire aigu (le diagnostic de cardite exigeant la présence d’un souffle organique – critères de Jones), environ 50 enfants normalisaient leur auscultation cardiaque dans l’année… On comprend ainsi que ces enfants ne pouvaient donc pas être dépistés au cours des méthodes cliniques de dépistage. Le deuxième argument concernait les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé qui en 2004 incitaient à traiter les lésions valvulaires infracliniques significatives par antibioprophylaxie dans les zones endémiques de RHD. Ainsi, il paraissait dommage de ne pas se donner les moyens de dépister ces enfants, puisque nous savons à quel point la prophylaxie antibiotique est efficace pour lutter contre la maladie. Tout cela incitait donc à faire une étude épidémiologique de terrain sur un groupe d’enfants proprement sélectionnés utilisant une approche échographique systématique. Nous avions un petit appareil d’échographie portable, et Christophe Paquet de l’institut de veille sanitaire et l’équipe de Xavier Jouven (INSERM 909) nous ont aidés à définir l’échantillon d’enfants à analyser (n = 2 370 dans 42 classes de 6 écoles). Nous avions préalablement établi les définitions de la maladie rhumatismale infraclinique (encadré) : critères de l’OMS se basant sur des caractéristiques Doppler, et critères combinés que nous avions définis comme étant l’association d’une fuite (aussi minime soit-elle) à au moins 2 critères morphologiques d’atteinte rhumatismale. Étant donné le continuum existant entre le physiologique et le rhumatismal infraclinique, seuls les cas considérés comme positifs après 3 relectures indépendantes ont été retenus. Contrairement à ce que l’on pensait à première vue, le plus long dans ce travail (en dehors des 3 mois de palabres avec le comité d’éthique et le ministère de la Santé !) a été de s’assurer que l’ensemble des enfants sélectionnés avait bien été examinés (nécessitant de multiples allers-retours dans les écoles), l’enfant absent étant toujours plus sujet à être malade. Nous avons donc commencé l’étude en mai 2005 Cela consistait tout d’abord à faire des réunions de classes, en invitant les parents, pour expliquer très simplement le RHD et les objectifs de l’étude. Après obtention des consentements parentaux (90 %), nous avons examiné (classe par classe) sur place cliniquement chaque enfant en y associant systématiquement une échographie. Nous travaillions le plus souvent à deux médecins examinant environ 8 à 10 enfants par heure. En cas de lésions suspectes à l’échographie portable, nous convoquions les enfants à l’Institut du cœur pour effectuer un examen échographique conventionnel et d’autres analyses si nécessaire. Les résultats ont clairement montré que les prévalences estimées jusqu’à présent ne représentaient que le sommet d’un volumineux iceberg avec une prévalence atteignant les 30 pour 1 000 enfants scolarisés… Plus de 9 enfants sur 10 montrant des stigmates de RHD n’étaient pas détectés par l’examen clinique. À noter, que nous n’avons pas mis en évidence de sténoses valvulaires et que nous avons par ailleurs détecté 5 enfants avec une cardiopathie congénitale. Ces résultats ont été confirmés récemment par une équipe australienne. Nous avons montré qu’en fonction des critères utilisés, il existe une importante différence en termes de nombre de cas détectés, et que les critères de l’OMS ne permettent probablement pas une détection optimale des cas (en cours de publication). Mais le message optimiste de ces données est que l’on dispose a priori d’un outil efficace pour maintenant détecter des groupes d’enfants à risque de développer des lésions rhumatismales plus sévères, pour ainsi leur proposer de débuter une antibioprophylaxie efficace et peu onéreuse. Cependant, avant d’envisager de généraliser cette stratégie de screening échographique, de nombreux points méritent d’être précisés dans un proche avenir : l’intérêt de débuter une antibioprophylaxie chez tous les enfants présentant des lésions infracliniques, le problème du coût de ce type d’appareil d’échographie portable, l’éducation des opérateurs et la définition des meilleurs critères échographiques. L’intérêt de suivre ces enfants dépistés est majeur. Voici donc un exemple de travail effectué au cours d’une année de disponibilité. Je me suis régalé et espère vous avoir convaincu de ne pas manquer de profiter de ces semestres de disponibilité au cours de l’internat… Le Pacifique pour le RHD, l’Amérique du Sud pour la maladie de Chagas, l’Afrique (notamment le Mozambique) pour la fibrose endomyocardique. Mais aussi l’hypertension artérielle ou étude de la protection cardiovasculaire par les acides gras polyinsaturés, pour ceux qui ne supporteraient pas la chaleur…

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème