Publié le 16 nov 2004Lecture 4 min
Une précordialgie révélatrice d’un adénome de Conn
C. ZAKI, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon
Nous présentons ici le cas d’un jeune homme de 29 ans ayant présenté une douleur précordiale gauche nettement transfixiante, non constrictive, spontanée, sans lien avec la respiration, d’apparition brutale, ayant débuté 2 jours avant la prise en charge aux urgences.
Ce patient a pour antécédents une hypertension artérielle connue depuis 2 ans, dépistée par la médecine du travail mais négligée par le sujet, et un tabagisme actif à un paquet par jour.
À l'admission
On retrouve une hypertension artérielle sévère à 240/135 mmHg aux quatre membres. Les pouls sont perçus de façon symétrique sans souffle. Le rythme cardiaque est sinusal régulier à 90/min. Il n’existe ni dyspnée, ni céphalée, ni syndrome confusionnel.
Le reste de l’examen clinique est sans particularité. On ne relève aucun souffle cardiaque, aucun signe d’insuffisance cardiaque droite ou gauche, pas de syndrome méningé, pas de troubles visuels.
L’ECG (figure 1) montre des signes d’hypertrophie auriculaire et ventriculaire gauches. Il n’y a pas de trouble de la repolarisation évocateur d’ischémie myocardique.
Le bilan biologique retrouve une hypokaliémie à 3,1 mmol/l, spontanée sans hypernatrémie ni insuffisance rénale. Il n’est pas noté d’élévation des marqueurs biochimiques de cytolyse myocardique.
La radiographie de thorax est strictement normale.
Figure 1. ECG.
Bilan diagnostique
Ce tableau de douleur thoracique dans un contexte d’hypertension artérielle étant fortement évocateur de dissection aortique, on réalise une échographie cardiaque transthoracique qui révèle une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique. L’aorte initiale est modérément dilatée, mesurée 40 mm de diamètre sans insuffisance aortique. La crosse est de taille normale (28 mm), puis à nouveau dilatée (35 mm) dans son segment descendant à partir de l’isthme sur un trajet de moins de 10 cm. Le péricarde est sec.
L’échographie transœsophagienne montre une aorte initiale de taille à la limite supérieure de la normale (38-40 mm) et révèle l’existence d’une image hétérogène pariétale antérieure en croissant de 6 mm de l’aorte thoracique descendante au niveau de l’isthme. À cet étage, le diamètre maximal de l’aorte est de 40 mm.
Cet aspect échographique sera confirmé par un scanner en coupes millimétriques sans, puis avec injection de produit de contraste. Il s’agit d’un hématome pariétal aortique antérieur à la hauteur de l’isthme mesurant 11 mm d’épaisseur.
Le scanner abdominal (figure 2) révèle la présence d’une image nodulaire hypodense de la surrénale droite, située à la face interne du dièdre surrénalien (14 x 10 mm). Il n’y a pas d’anomalie surrénalienne gauche.
L’évolution clinique a été rapidement favorable sous traitement antihypertenseur IV associant initialement Brevibloc®, Loxen® et Soludactone® à dose de 1 mg/h. Un relais per os a été effectué par Aldactone®, Amlor®, Ténormine® et Hypérium®, permettant un contrôle tensionnel satisfaisant. Sous Soludactone®, la kaliémie s’est normalisée.
Un contrôle scanographique réalisé quelques jours plus tard n’a pas montré d’extension de l’hématome.
Figure 2. Scanner abdominal.
Bilan étiologique
On évoque le diagnostic d’adénome cortico-surrénalien aldostérone-sécrétant, compte tenu de l’association d’une hypertension artérielle, d’une hypokaliémie et d’une image nodulaire surrénalienne au scanner.
On démontre l’existence d’un hyperaldostéronisme primaire. L’activité rénine plasmatique est effondrée (< 1 pg/ml), l’aldostérone plasmatique est très élevée, à 1 237 picomol/l. Ces dosages ont été effectués en dehors de toute thérapeutique antihypertensive. Par ailleurs, les dérivés méthoxylés urinaires et plasmatiques sont normaux et le Doppler ne retrouve pas de sténose des artères rénales.
Le patient a été opéré après un contrôle tensionnel médical efficace. Une adénomectomie surrénalienne droite a été réalisée. La pièce d’anatomopathologie met en évidence un adénome de Conn. On obtiendra une normalisation de l’hypertension en postopératoire.
Commentaires
Ce cas clinique illustre un adénome de Conn révélé par un hématome aortique équivalent à une dissection aortique de type III. Cette description va à l’encontre de l’idée générale considérant cette endocrinopathie comme n’étant pas pourvoyeuse de complication grave de l’HTA.
La physiopathologie de cette dissection aortique peut être expliquée par l’HTA elle-même. En effet, l’HTA est présente dans 90 % des cas de dissection aortique. Cependant, dans l’adénome de Conn ou dans les hyperplasies bilatérales des surrénales, elle est connue pour être modérée, n’entraînant pas de complication vasculaire. C’est une HTA par surcharge volémique.
Par ailleurs, l’hyperaldostéronisme, en raison de son rôle « toxique » sur la paroi artérielle, pourrait être, en partie ou totalement, à l’origine de la dissection aortique. On sait qu’il modifie le contenu en collagène, le rapport élastane/collagène au niveau de la matrice extracellulaire de la paroi aortique. Il est responsable d’une fibrose vasculaire locale. On retrouve des récepteurs des minéralocorticoïdes sur la paroi artérielle. Chez l’animal, les antialdostérones diminuent la fibrose des gros troncs.
Six cas similaires sont rapportés dans la littérature de 1988 à 2002. Une seule série a étudié les complications vasculaires chez 136 patients porteurs d’hyperaldostéronisme primaire sur 5,9 ans. L’incidence des complications vasculaires a été de 22,8 % : 17 AVC, 10 sténoses des artères rénales, 1 dissection aortique. Une étude japonaise rétrospective cas-témoins a comparé 224 hyperaldostéronismes primaires et 224 HTA essentielles appariés sur l’âge et le sexe ; on a retrouvé plus d’AVC (14 vs 3, p = 0,01) et d’accidents cardio-vasculaires (27 vs 30) dans le premier groupe.
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