Publié le 31 mai 2012Lecture 7 min
Comment réduire les chocs par les DAI ?
W. AMARA, unité de rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil
Si les défibrillateurs sont implantés pour la prévention de la mort subite en traitant les troubles du rythme ventriculaires, les chocs des DAI ne sont pas une finalité en soi. En effet, un choc reste un événement mal ressenti par le patient. Les études ont démontré que les chocs, qu’ils soient appropriés ou non, sont associés à une augmentation de la mortalité. Cet article traite des modalités pratiques de prévention des chocs par les DAI, notamment les défibrillateurs Protecta XT développés par Medtronic.
Problématique des chocs inappropriés et intérêt de la réduction des chocs
Les chocs peuvent être appropriés (adaptés à une arythmie ventriculaire) ou inappropriés (liés à une arythmie atriale ou une usure de la sonde). On estime que près de 20 % des patients porteurs de DAI présentent au moins un choc inapproprié. La fibrillation atriale est un des triggers associés aux chocs inappropriés et augmente le risque de choc(1).
Les chocs qu’ils soient appropriés ou inappropriés sont associés à une augmentation de la mortalité totale. Ainsi, dans l’étude SCDHeFT(2), la survenue d’au moins un choc inapproprié était associée à une multiplication de la mortalité par 4 et dans l’étude de Poole et al. publiée en 2008(3) un choc inapproprié était associé à une multiplication par 2 de la mortalité (figure 1). Si les chocs sont pris dans leur ensemble, la survenue d’au moins un choc est associée à une multiplication par 11 de la mortalité totale.
Figure 1. Effet des chocs sur la mortalité dans l’étude SCDHeFT.
Les bénéfices de la réduction des chocs sont potentiellement multiples :
- améliorer la qualité de vie du patient ;
- augmenter l’acceptation des thérapies du DAI ;
- augmenter la longévité du DAI ;
- diminuer les soins suivant un choc ;
- améliorer la survie du patient ;
- diminuer les coûts.
Avant de diminuer les chocs, il faut analyser les causes des chocs(4) :
- 65 % sont dus à des tachycardies ou fibrillations ventriculaires ;
- 12 % sont dus à des artéfacts ou à une surdétection ;
- 20 % sont dus à une tachycardie supraventriculaire ;
- 3 % sont dus à des tachycardies ventriculaires non soutenues.
Mes algorithmes pour réduire les chocs
Programmer des zones TV et FV hautes
Une zone de tachycardie ventriculaire haute (par exemple > 180 bpm pour les tachycardies ventriculaires et > 230 bpm pour les fibrillations ventriculaires) permet d’éviter de choquer les arythmies supraventriculaires rapides ou les tachycardies sinusales notamment chez le sujet jeune (une exception est faite en cela aux patients présentant une tachycardie ventriculaire clinique plus lente que ces zones ; dans notre pratique, la zone de tachycardie est alors programmée plus basse).
Programmer la stimulation antitachycardique (ATP)
L’intérêt de l’ATP avait été démontré dans les études PAINFREE(5,6). Dans PAINFREE I, sur 220 défibrillateurs, la programmation des ATP pour des tachycardies ventriculaires rapides (188 à 250 bpm) a permis d’arrêter 396 sur 446 épisodes soit un taux de 89 %. L’accélération des tachycardies était rare (2 % des cas).
Mon expérience : je programme de l’ATP avec 3 tirs et 3 rampes en zone TV et 1 ATP en zone FV.
Éviter de choquer les TV non soutenues
Pour cela, la méthode consiste à prolonger la détection dans la zone de tachycardie ventriculaire pour se situer dans cette zone, avec par exemple 30 cycles sur 40.
L’étude PREPARE(7) avait démontré l’intérêt de prolonger la méthode de détection en programmant une zone TV entre 285 et 250 bpm et un critère de détection de 30/40. Le bénéfice de cette programmation a été observé, à la fois, sur la réduction des chocs et sur la diminution de la mortalité (figure 2).
Figure 2. Comparaison de la programmation PREPARE à une programmation conventionnelle.
Je n’hésite pas à programmer des zones de détection plus prolongées car la durée de détection avant de délivrer la thérapie n’est augmentée que de quelques secondes alors que la spécificité est améliorée.
Activer les discriminants
Si les discriminants en zone de tachycardie ventriculaire permettent au défibrillateur de distinguer une tachycardie ventriculaire d’une tachycardie supraventriculaire, ceux-ci sont multiples.
Les discriminants anciens et présents sur tous les modèles et marques de défibrillateurs sont la brutalité (démarrage brutal pour une tachycardie ventriculaire et progressif pour une tachycardie sinusale) et la stabilité (tachycardie ventriculaire stable et fibrillation atriale instable). Pour les défibrillateurs double chambre, une analyse de la séquence auriculoventriculaire est effectuée. La présence de plus de ventricules que d’oreillettes signe la tachycardie ventriculaire.
Chaque constructeur a, par ailleurs, développé des algorithmes permettant de mieux distinguer une tachycardie ventriculaire d’une tachycardie supraventriculaire. Ces algorithmes nombreux peuvent, par exemple, analyser la modification de la forme de l’électrogramme ventriculaire (pourcentage de similitude), distinguer les ondes T avec des algorithmes de gestion de la sur-détection de l’onde T, la détection d’intervalles RR courts témoignant de parasites avec possibilité de reprogrammation automatique pour éviter les chocs, la possibilité de discrimination pour les tachycardies très rapides...
Il ne s’agit pas ici d’opposer tel ou tel constructeur qui ont chacun leur algorithme. La validation de chaque nouvel algorithme s’est faite en comparaison à la programmation standard pour ce type de prothèse.
À titre d’exemple, sur le défibrillateur Medtronic (notamment dernière génération Protecta XT), ces algorithmes sont réunis sous le terme de Smart-Shock et sont en fonction à l’état nominal dans la prothèse (encadré).
Il ne s’agit pas ici de détailler ici tous les algorithmes mais certains méritent d’être rappelés.
La combinaison des algorithmes Smart-Shock a été validée(8). Dans ce travail, les auteurs montrent que la combinaison d’un allongement de la période de détection, la discrimination TSV dans les zones rapides, l’ATP en zone de tachycardie rapide, la réduction des chocs sur détection des ondes T, l’analyse de la morphologie et de la synchronisation auriculoventriculaire a montré une diminution de 15 % du nombre de patients présentant au moins un choc inapproprié et de 85 % le nombre total de chocs inappropriés
PR logic®
Cet algorithme analyse au travers de 4 critères la relation auriculoventriculaire. Il permet, ainsi, de distinguer une tachycardie sinusale ou un flutter atrial/fibrillation atriale.
L’analyse de la morphologie de l’onde R (Morpholog)
Cet algorithme va comparer la forme de l’électrogramme ventriculaire en tachycardie à un modèle récupéré à l’état stable. Le principe de ce type d’algorithme est de proposer un électrogramme dont la forme est presque « similaire » pour une tachycardie supraventriculaire, et « différente » pour une tachycardie ventriculaire (figure 3).
Figure 3. Les analyses de PR Logic® et de Morpholog sont ici combinées.
Alerte d’intégrité de la sonde (LIA)
L’objectif de l’indice LIA est de détecter précocement les altérations de la sonde de défibrillation. En cas de lésion du conducteur, des parasites surviennent sur le canal ventriculaire pouvant être interprétés, à tort par la prothèse, comme des tachycardies ventriculaires rapides, pouvant engendrer des chocs inappropriés.
Le LIA s’active en cas de détection de 2 épisodes de TV non soutenues avec des cycles RR inférieurs à 220 ms et avec des intervalles VV courts nombreux sur les jours précédents (> 30 sur les 3 derniers jours) – ces épisodes ne peuvent être de réelles tachycardies ventriculaires du fait de leur fréquence trop importante et de leur caractère anormalement répétitif.
Lorsque une alerte LIA est déclenchée, d’une part le défibrillateur sonne immédiatement puis toutes les 4 heures et à l’heure programmée, pendant 30 secondes à chaque fois, et d’autre part sont déclenchés un enregistrement des électrogrammes embarqués de ces épisodes et une programmation automatique du défibrillateur dans un mode de sécurité.
J’active le LIA systématiquement pour monitorer les sondes de défibrillation car il permet des reprogrammations de sécurité.
Une des études récentes sur le LIA(9) évalue des patients présentant une rupture de sonde. Sur les 131 patients inclus et qui ont été suivis pendant 32 ± 12 mois en moyenne, un choc inapproprié a été noté chez 21 % d’entre eux (n = 11/52) avec LIA activé versus 52 % (n = 41/79) de ceux n’ayant pas le LIA activé (p < 0,001). Le LIA a permis dans cette étude une réduction du nombre de chocs inappropriés (2,1 ± 1,0 vs 7,9 ± 12 ; p < 0,001), (figure 4).
Figure 4. Réduction des chocs inappropriés dans l’étude de Blanck par le LIA.
La télécardiologie
Dans son étude, Blanck(9) a montré que la télécardiologie permet, en cas de rupture de sonde, de raccourcir le délai de réponse afin que l’équipe médicale désactive la défibrillation (1,5 ± 1 j pour la télémédecine avec Carelink en mode sans fil vs 15,6 ± 18 j pour le Carelink manuel filaire vs 12,4 ± 20 jours pour les patients sans Carelink ; p < 0,001) (figure 5).
Figure 5. Apport de la télécardiologie dans l’étude de Blanck.
Récemment au congrès de l’ESC 2011, deux études ont démontré que la télécardiologie permet la réduction des chocs inappropriés(10,11).
L’étude ECOST(10) a inclus 433 patients, implantés d’un défibrillateur simple ou double chambre, en classe I à III de la NYHA, randomisés entre un suivi en
télécardiologie et un suivi conventionnel tous les 6 mois.
Il a été noté 50 % de réduction des chocs inappropriés et des hospitalisations associées, une diminution de 76 % du risque de charge de chocs et une diminution de 71 % des chocs délivrés.
L’étude EVATEL(11) a inclus 1 501 patients implantés d’un défibrillateur simple ou double chambre, randomisés entre un suivi en télécardiologie tous les 3 mois et un suivi conventionnel tous les 3 mois.
Il a été noté dans le groupe télécardiologie une diminution de 37 % les chocs inappropriés.
Ces résultats viennent donc en complément des études TRUST(12) et CONNECT(13) précédemment publiées.
Conclusion
Les défibrillateurs ne sont plus les « boîtes à choc » qui avaient été développées initialement.
Les programmations actuelles modernes des défibrillateurs visent à éviter les chocs inappropriés et appropriés non nécessaires.
Les programmations deviennent donc plus sélectives afin d’améliorer qualité de vie du patient et survie globale.
L’un des moyens pour obtenir un bon résultat consiste plutôt à combiner des algorithmes pour être plus sélectif plutôt que d’en privilégier un seul.
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