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Trucs et astuces

Publié le 15 juin 2021Lecture 6 min

Moniteurs cardiaques implantables : comment limiter les faux diagnostics de FA ?

Charles GUENANCIA, Dijon

Il est recommandé de réaliser un enregistrement de longue durée du rythme cardiaque d’au moins 30 jours, par le biais d’un Holter de longue durée ou d’un moniteur cardiaque implantable (MCI) pour dépister la fibrillation atriale (FA) après un accident vasculaire cérébral (AVC) de cause indéterminée ou cardioembolique supposée. Bien que plus coûteux et nécessitant une intervention, les MCI ont l’avantage d’une durée de surveillance beaucoup plus prolongée (2-3 ans) et donc d’un meilleur taux de dépistage de la FA.

L'étude CRYSTAL-AF a effectivement montré un taux de diagnostic de FA avec ces dispositifs de 3,7 % à 30 jours qui montait graduellement durant les 3 ans du suivi pour atteindre 30 %(1). Ainsi, le nombre de MCI dans le post-AVC est en forte croissance, générant un volume important de données à traiter pour les centres implanteurs. Il est donc critique de limiter au maximum les fausses alertes : chaque épisode doit être vérifié par l’équipe de rythmologie, d’autant que le diagnostic de FA sur ces dis- positifs est basé sur des algorithmes qui diffèrent selon les fabricants, aboutissant à un taux d’alertes variable. Il a d’ailleurs été récemment démontré que le rendement diagnostique des MCI est sous-optimal(2,3), incitant les fabricants à optimiser les algorithmes de dépistage de la FA. Nous allons détailler pour chacun des 3 modèles de MCI, dans leur ordre d’apparition sur le marché français, la stratégie employée pour dépister les épisodes de FA et limiter au maximum les faux positifs. Reveal Linq (Medtronic) La base de l’algorithme Reveal Linq est le diagramme de Lorenz qui permet la classification graphique des différences entre 3 intervalles RR successifs pour obtenir un couple de coordonnées (figure). Ces coordonnées renseignent la position d’un point sur le diagramme. Pour la FA, un certain degré d’irrégularité des RR doit être détecté sur une fenêtre de 2 minutes. Un « score de preuve » de FA est ainsi calculé, qui n’est pas assez spécifique pour être utilisé seul pour le diagnostic de FA, car potentiellement leurré par les extrasystoles atriales (ESA), les arythmies ou dysfonctions sinusales. Figure. Diagramme de Lorenz montrant les 4 grandes catégories « d’images » selon le rythme cardiaque du patient. Image reproduite avec l’autorisation de Medtronic. L’algorithme de « rejet ectopique » aide à éliminer les ESA faussement classifiées en FA. Les rythmes supraventriculaires ectopiques correspondent à une image irrégulière sur le diagramme de Lorenz (irrégularité régulière), qui est différente de l’image irrégulière d’une fibrillation atriale (irrégularité irrégulière). L’algorithme fait donc la différence entre les véritables événements de FA et les séries d’ESA et filtre ces épisodes. Un troisième algorithme, P-SENSE, recherche des ondes P entre deux ondes R sur un critère de morphologie, et en cas de détection d’une onde P, l’épisode est classé comme faux positif et écarté. De plus, l’algorithme TruRhythmTM permet de réduire les faux-positifs quand l’onde P est temporairement inexploitable (petites ondes P, bruit). Un algorithme d’auto-apprentissage (P-SENSE adaptatif) adapte automatiquement son seuil de détection en fonction de l’historique des ondes P du patient. Cette détection personnalisée améliore la discrimination de la FA en cas dysfonction sinusale ou d’ESA, ce qui permet de réduire de 49 % les faux positifs de FA. Une fois toutes ces informations recueillies, elles sont intégrées selon la formule suivante : X = Score de preuve de FA – Score de rythme ectopique – Score de preuve d’onde P. Le X ainsi obtenu est comparé aux seuils de déclenchement de FA, programmables : le moins sensible = 75, moins sensible = 60, normale = 50, plus sensible = 40. Confirm RxTM (Abbott) L’algorithme du Confirm RxTM utilise un modèle de chaîne de Markov pour détecter les irrégularités de l’intervalle RR, un modèle de variance pour rejeter les rythmes régulièrement irréguliers tels que le bi ou trigéminisme et des critères de début soudain. De plus, le Confirm RxTM utilise la technologie SharpSenseTM : pour améliorer la détection de la FA, les 30 secondes précédant le marqueur d’épisode initialement défini sont analysées une seconde fois, avec l’utilisation d’une détection spécifique de l’onde P dans cet intervalle. Si l’algorithme identifie des ondes P dans cette fenêtre, la FA est éliminée. En l’absence d’ondes P, l’épisode est enregistré dans les mémoires de l’appareil. Dans l’étude DETECT-AF, l’algorithme a montré une sensibilité de 94 % et une valeur prédictive positive de 64 % pour la détection de FA(4). Par ailleurs, la programmation basée sur les indications contient des préréglages pour différentes configurations permettant d’adapter la sensibilité du dispositif. Enfin, une étude récente randomisée chez 142 patients a montré que le Confirm RxTM permet de diagnostiquer plus rapidement la FA et d’identifier plus de patients présentant une FA confirmée, mais au prix d’un nombre d’épisodes transmis bien plus important que pour le Reveal Linq(3). Biomonitor III (Biotronik) Le Biomonitor III est doté d’un long vecteur de détection grâce à sa forme plus allongée, qui permet d’obtenir une amplitude de signal élevée. La détection de la FA est également basée sur les variations des intervalles RR. En mode standard, si plus de 5 intervalles instables sont identifiés, 2 fenêtres de détection de 8 battements chacune sont examinées (« fenêtre de suspicion »), puis une fenêtre de temps de 6 minutes, dite « fenêtre de confirmation » est analysée. L’épisode n’est pas enregistré comme une fibrillation atriale si la variabilité est insuffisante dans la fenêtre de détection ou de confirmation, ou si les couples d’intervalles RR présentent une variabi- lité insuffisante (ESA bi- ou trigéminées). Les intervalles bruités ne sont pas comptabilisés, et un bruit continu annule la détection. La fin de l’épisode est actée par le retour à un certain nombre de fenêtres stables (paramétrable). Les critères de détection peuvent être ajustés individuellement dans les paramètres du programmateur de manière très fine ou selon trois profils de sensibilité (faible, moyenne, haute). Dans l’évaluation récente par le NICE (régulateur anglais) des MCI, un comparatif entre Biomonitor III et Reveal Linq, sur la base de tracés issus d’une étude à partir de Holters ECG, retrouvait une sensibilité comparable pour les deux dispositifs pour les épisodes de FA, de 78 et 79 % respectivement. En résumé ▫ Tous les algorithmes sont initia- lement basés sur l’irrégularité des intervalles RR sur une période de temps de quelques minutes. En effet, de la même manière que pour les Holters ECG externes, la détection du rythme atrial de manière automatisée est bien plus délicate que celle des QRS. Cependant, ces algorithmes ont dû être améliorés du fait d’une trop grande sensibilité, et l’optimisation des signaux électrocardiographiques sur les dernières versions des MCI a permis d’intégrer une recherche de l’activité atriale afin de confirmer ou infirmer l’épisode de FA. Ces changements ont permis une amélioration de la spécificité du dépistage de la FA sur MCI. Cependant, la validation « humaine » de ces épisodes reste encore indispensable et il reste une marge de progression sur ces enregistrements. ▫ L’avènement de l’intelligence artificielle dans le traitement des « big data » permettra certainement un gain significatif dans la fiabilité des épisodes diagnostiqués par les MCI.

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