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Focus

Publié le 25 mar 2024Lecture 7 min

Résultats à long terme de l’ablation de FA

William ESCANDE, Olivier PAZIAUD, Saint-Denis

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent et sa prévalence est amenée à augmenter. Elle est associée à un sur-risque d’insuffisance cardiaque, d’AVC et de mortalité cardiovasculaire. En l’absence d’intervention, elle évolue vers une forme persistante, à un taux annuel de l’ordre de 15 %/an(1), à mesure de la répétition des épisodes de FA et du remodelage structurel et fibrotique du tissu atrial. La supériorité de l’ablation par cathéter par rapport aux antiarythmiques pour prévenir les récidives symptomatiques et réduire la charge en FA est bien établie par des études randomisées, essentiellement sur des suivis courts de l’ordre de 1 an. En revanche, l’impact à long terme de l’ablation à différents stades de progression de la FA et sur la morbi-mortalité est moins bien caractérisé.

Maintien du rythme sinusal   Sur des durées de suivi de l’ordre d’un an, les principales études randomisées ont montré que l’ablation permet de prévenir les récidives de FA paroxystique avec un taux de succès de 70 à 90 % après une seule procédure, sans antiarythmique (vs 20 % pour le traitement antiarythmique seul)(2,3). Dans la FA persistante, les taux de succès sont moins bons, de l’ordre de 50 à 60 % après une seule procédure(4,5). Les principales données, sur des suivis plus longs, proviennent d’études observationnelles. Une étude portant sur 509 patients ablatés entre 2005 et 2011 montre que les récurrences de FA dans l’année qui suit l’ablation sont fréquentes (61 %)(6), mais des récurrences tardives au-delà de 1 an sont observées dans 14 % des cas. Une reconnexion de VP était retrouvée dans 89,14 % des cas à la deuxième procédure, 58,3 % des cas à la troisième procédure et 33,3 % à la quatrième procédure. Au total, 40,9 % des patients ont bénéficié d’au moins deux procédures avec un taux moyen de 1,5 procédure par patient. Il est donc important de traiter par une ou plusieurs procédures d’ablation d’éventuelles reconnexions veineuses afin d’optimiser le maintien au long cours du rythme sinusal, en gardant à l’esprit que celui-ci ne se stabilise jamais complètement au long cours. L’évolution à long et très long terme (15 ans) après la dernière procédure est illustrée dans une étude observationnelle récente(7) portant sur 5 200 patients ayant bénéficié de 7 145 procédures d’ablation entre 2003 et 2021. Le taux de maintien en rythme sinusal à un an était comparable aux principales études randomisées. Les courbes de survie sans récidive montrent une décroissance initiale abrupte dans les deux premières années (figure 1), en raison de la nécessité de nouvelles procédures pour obtenir une isolation veineuse persistante. Figure 1. Courbe de Kaplan-Meyer illustrant la survie sans récidive de FA après la dernière procédure d’ablation, en fonction du type de FA : paroxystique (pAF), persistante (PsAF) ou persistante de longue durée (LsPers). Au-delà de deux ans, la survie sans récidive suit une décroissance plutôt linéaire, quel que soit le type de FA, avec des taux de récurrences de l’ordre de 2 %/an (1,76 % [pAF] vs 2,04 % PsAF, et 2,6 % LsPers), probablement secondaire au remodelage atrial extra-veineux. Ainsi, à 15 ans, le taux de maintien en rythme sinusal est à 62,5 % (PAF), vs 42,5 % (PsAF) et 20,6 % (LsAF). Cette étude apporte en outre un éclairage intéressant sur l’impact des technologies d’ablation sur les récidives: trois ères technologiques sont comparées selon le type de cathéter utilisé lors de la première procédure (non irrigué [NI] de 2003 à 2005, irrigué [OIT] de 2005 à 2016, puisirrigué avec force de contact [CF] dès 2016). Au fil des améliorations technologiques, il est observé une diminution du taux de procédures redux (64,4 % NI vs 44,3 % OI vs 19,7 % CF), des durées de procédure et de temps de fluoroscopie. Il est retrouvé une amélioration des taux de succès de l’ablation (figure 2), en particulier dans la FA paroxystique et la FA persistante. En revanche, les patients en FA persistante de longue durée ne semblent tirer qu’un faible bénéfice des améliorations technologiques. Figure 2. Courbes de Kaplan-Meyer représentant la survie sans récidive de FA après la dernière procédure d’ablation en fonction du type de cathéter utilisé lors de la première procédure et du type de FA (paroxystique [A], persistante [B] ou persistante de longue durée [C]).   Mortalité   La fibrillation atriale est un facteur de risque indépendant de mortalité (RR 1,5) et d’AVC (RR 5)(8). Des données de la littérature suggèrent que le contrôle du rythme pourrait être bénéfique : une analyse post-hoc de l’étude AFFIRM(9) montre un bénéfice du maintien médicamenteux en rythme sinusal en termes de mortalité, mais celui-ci semble contrebalancé par les effets secondaires des antiarythmiques. De plus, des données observationnelles sur de grandes cohortes avec des suivis prolongés (> 3 ans) montrent que le contrôle du rythme est associé à une mortalité plus faible(10) et à une réduction significative du risque d’AVC(11). Ainsi, l’étude randomisée EASTAFNET 4(12) a testé l’impact sur la mortalité et le risque d’AVC d’une stratégie précoce (dans l’année qui suit le diagnostic de FA) de contrôle de rythme (médicamenteux ou par ablation) et a montré une réduction significative de la mortalité cardiovasculaire (HR 0,72 [IC 0,52-0,98]) et du risque d’AVC (HR 0,65 IC [0,44-0,97]) sur un suivi médian de 5,1 ans. Ces patients cependant n’étaient que 19 % à avoir bénéficié d’une procédure d’ablation. C’est l’impact de l’ablation qui a ainsi été évalué dans l’étude randomisée CABANA. Mais après un suivi de cinq ans, cette étude a échoué à mettre en évidence une différence significative sur la survenue du critère composite de décès, AVC, saignement majeur, ou arrêt cardiaque (8 % ablation vs 9,2 % traitement médical) dans une analyse en intention de traiter. Cependant, un taux d’événements particulièrement faible, ainsi qu’un nombre important de cross-over a possiblement affecté ces résultats qui restent controversés. En revanche, chez les patients en insuffisance cardiaque systolique, le bénéfice de l’ablation sur la mortalité a été clairement démontré dans CASTLE-AF(13). L’ablation de FA permettait, sur un suivi plutôt long de 38,7 mois, de diminuer le critère de jugement composite (décès ou hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque) : 28,5 % avec l’ablation versus 44,6 % pour le groupe traitement médical (p = 0,006). Ce bénéfice de mortalité allait de pair avec une diminution de la charge en FA (27 vs 64 %) et une amélioration de la FEVG (27 % vs 64 %).   Risque thrombo-embolique   Plusieurs études observationnelles suggèrent un effet protecteur de l’ablation de FA sur le risque d’AVC. Dans une étude portant sur 969 patients après ablation et appariés à 3 772 patients non ablatés, il est montré à long terme, des taux d’AIT, d’AVC et de décès significativement plus faibles dans le groupe ablation, alors même que le risque thrombo-embolique était élevé (CHA2DS2-VASc score : 3,6 ± 2) dans les deux groupes(13). Dans une large étude observationnelle suédoise(14) portant sur 2 496 patients après ablation et appariés à une cohorte de patients en FA sans ablation, il est montré,sur un suivi moyen de 4,4 ± 2 ans, que les patients ablatés présentent des taux d’AVC significativement moindres que les patients sans ablation (taux annuels d’AVC de 0,7 vs 1,01 % ; p = 0,013). En analyse multivariée, l’ablation permettait de réduire de 31 % le risque d’AVC (HR 0,69 ; IC95% 0,51-0,93) et ce bénéfice était observé principalement chez des patients avec un risque thrombo-embolique CHA2DS2-VASc ≥ 2 (HR 0,39 ; IC95% 0,19-0,78). Cependant, par la nature observationnelle de cesr ésultats et en l’absence de données randomisées robustes pour évaluer la réduction du risque thrombo-embolique après ablation, la décision de poursuite ou non du traitement anticoagulant au long cours doit se faire au-delà de deux mois après toute procédure d’ablation et au long cours en fonction du score de risque CHA2DS2-VASc.   Conclusion   • L’ablation de FA est un traitement supérieur aux antiarythmiques pour le maintien du rythme sinusal, sans pour autant avoir d’effet sur la mortalité (sauf chez l’insuffisant cardiaque) ou le risque thrombo-embolique. • Plusieurs procédures sont parfois nécessaires (en moyenne 1,5 par patient), le plus souvent en raison de reconnexions veineuses, dont la fréquence a nettement diminué avec les améliorations technologiques. Le maintien en rythme sinusal est meilleur dans la FA paroxystique que dans la FA persistante et cette différence se maintient au long cours. Après une phase de récidives précoces, au long cours et à mesure du remodelage atrial, les récurrences évoluent de manière linéaire à un taux annuel de l’ordre de 2 à 3 %/an. • L’ablation doit donc être effectuée tôt dans l’histoire de la maladie, avant la progression vers des formes plus persistantes, où les résultats sont moins bons. Il convient cependant de garder à l’esprit que les patients doivent être suivis au long cours, car le traitement de la FA n’est pas uniquement interventionnel et repose également sur la prise en charge des comorbidités (obésité, HTA) et des facteurs de risque associés qui ont un effet délétère sur le remodelage atrial. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com.

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