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Polémique

Publié le 19 déc 2023Lecture 5 min

Resynchronisation : stimulation de la branche gauche ou sonde VG ?

Raphaël AL-HAMOUD, Rouen

La resynchronisation cardiaque au moyen d’une stimulation biventriculaire a largement fait ses preuves d’efficacité en termes de morbi-mortalité grâce à de nombreuses études prospectives multicentriques chez les patients insuffisants cardiaques avec une FEVG altérée et des QRS élargis(1). Elle est donc recommandée avec un haut niveau de preuve chez ces patients depuis de nombreuses années(2).

La stimulation de l’aire de la branche gauche (LBBAP) a été introduite récemment dans le cadre de la stimulation du système de conduction cardiaque. L’objectif initial de ce type de stimulation définitive était d’éviter la désynchronisation électrique et mécanique induite par la stimulation ventriculaire droite conventionnelle. Lors de procédures de stimulation hissienne puis de LBBAP, il a été constaté que chez les patients avec bloc de branche gauche (BBG) la stimulation pouvait complètement corriger le BBG, supprimant ainsi l’asynchronisme provoqué par le BBG et/ou par la stimulation ventriculaire droite. Cette capacité de correction des BBG a donc rapidement suscité l’intérêt et a conduit à s’interroger sur son intérêt potentiel dans le cadre de patients candidats à une resynchronisation cardiaque.   La théorie   Le principe qui sous-tend la correction du BBG est que ce dernier est de siège tronculaire ou tout au moins proximal, et que la stimulation du tissu de conduction se fait après le niveau de ce bloc de conduction intrinsèque. Grâce à une conduction saine dans les fascicules et le réseau de Purkinje d’aval, la stimulation permet ainsi de restaurer le synchronisme intraventriculaire. Chez des patients avec BBG tronculaire et FEVG altérée il a été montré que la stimulation biventriculaire et la LBBAP étaient associées à une amélioration hémodynamique aiguë similaire, avec cependant une meilleure réduction du temps d’activation électrique du ventricule gauche lors de LBBAP comparée à la stimulation biventriculaire(3). Cependant tous les candidats à la resynchronisation cardiaque ne présentent pas nécessairement un BBG tronculaire. Une étude de cartographie intraventriculaire gauche chez des patients avec des BBG tout-venant a montré qu’un bloc tronculaire n’était observé que dans moins de 70 % des cas(4). Dans les autres cas, le trouble conductif était plus distal ou non existant. On comprend donc que chez ces patients la LBBAP ne peut aboutir à une correction du BBG. De même, chez les patients dont l’élargissement des QRS est lié soit à un ralentissement diffus de la conduction intramyocardique VG ou à la présence d’une large séquelle d’infarctus, la LBBAP ne pourra probablement pas se solder par une correction efficace de l’asynchronisme intra-VG. Même si le succès de la LBBAP est supérieur à celui de la stimulation hissienne, il n’atteint pas 100 %. Suite au registre Melos(5), qui a inclus plus de 2 500 patients, les critères pronostiques d’échec de la LBBAP étaient représentés par la présence d’une insuffisance cardiaque, d’une dilatation ventriculaire gauche et par des QRS larges, éléments cliniques et ECG rencontrés précisément dans la population de patients candidats à une resynchronisation cardiaque. Dans cette population d’ailleurs le taux de succès d’implantation n’était que de 82 %. Un autre élément conceptuellement important est représenté par l’imprécision relative de la définition du succès d’implantation chez les patients à QRS larges où il est parfois toléré une valeur de RWPT (délai entre le spike de stimulation et le pic de l’onde R en V6) de 90 à 100 ms au lieu de 75 ms en cas de QRS fins.   Résultats cliniques   Un seul essai randomisé comparant la stimulation biventriculaire à la LBBAP a été publié. Cet essai de petite taille(6) — 20 patients dans chaque groupe — a inclus uniquement des patients présentant une cardiopathie non ischémique avec un BBG typique selon les critères de Strauss. Sur le suivi à 6 mois, on retrouve une meilleure amélioration de la FEVG à 6 mois dans le groupe LBBAP. Ces résultats sont bien entendu à nuancer étant donné le faible effectif, la sélection très importante des patients, et le suivi court ne permettant pas d’évaluer des critères de jugement « durs » (morbi-mortalité). Plus récemment, ces deux façons de réaliser une resynchronisation cardiaque ont été comparées de façon non randomisée dans une étude multicentrique internationale(7) de grande envergure, incluant plus de 1 000 patients. Le critère combiné de décès ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque était rencontré moins fréquemment dans le groupe LBBAP que dans le bras stimulation biventriculaire, de manière très significative, au terme d’un suivi moyen de 33 ± 16 mois. Outre son caractère non randomisé, cet essai souffre de certaines limites importantes : il existait une prévalence plus importante de fibrillation atriale et de cardiopathies ischémiques dans le groupe biventriculaire, ces éléments étant connus comme des facteurs de mauvaise réponse à la resynchronisation. Néanmoins, en dépit de ces limites, le résultat de cet essai envoie un signal positif fort en faveur de la LBBAP dans cette population de patient. Dans cet essai, à noter que 18 % des patients du groupe LBBAP ont été implantés d’une sonde supplémentaire dans le sinus coronaire (réalisant ainsi une stimulation biventriculaire optimisée : LOT-CRT). Il ne s’agit donc pas stricto sensu d’une stimulation LBBAP « pure ». Les critères de non-correction du bloc de branche devant amener à l’ajout d’une sonde dans le sinus coronaire ainsi que les bénéfices du LOT-CRT à moyen et long terme restent à définir.   En résumé   Actuellement, selon les recommandations de l’ESC, la LBBAP chez les patients avec indication de CRT doit être limitée aux seuls échecs d’implantation d’une sonde dans le sinus coronaire(8). Cette approche suscite malgré tout un intérêt certain, et prendra probablement une place importante dans les années à venir. Des études de grands volumes, randomisées, seront nécessaires pour faire évoluer les recommandations. Les données actuelles et la pathophysiologie des QRS 3 larges semblent indiquer que la stimulation de branche gauche seule ne permettra pas de prendre en charge la totalité des patients avec une indication de resynchronisation. La stimulation biventriculaire conventionnelle, seule ou associée à une stimulation de type LBBAP, devrait garder son indication chez au moins une partie des candidats à une resynchronisation cardiaque. Figure. Patient avec un bloc de branche gauche large (tracé ECG 12 dérivations du haut) corrigé par LBBAP (tracé ECG du bas).

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