Publié le 28 fév 2014Lecture 6 min
Consensus du GACI sur la prise en charge des SCA ST+ en France
R. CADOR, Hôpital Saint-Joseph, Paris
Les Archives des Maladies du Cœur ont publié en novembre dernier un consensus du GACI sur la prise en charge interventionnelle des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage persistant du segment ST en France. Il s’agit du fruit d’un long travail du bureau du GACI représentant les cardiologues interventionnels des secteurs publics et privés, acteurs majeurs dans la filière de prise en charge de ces patients, validé par Marc Giroud, président des Samu-urgences de France.
Si les derniers registres ont permis d’observer des progrès considérables dans la rapidité des prises en charge, trop de patients ne bénéficient pas d’une reperfusion en phase aiguë ou bénéficient d’une reperfusion trop tardive.
Les objectifs préconisés dans les dernières recommandations de l’ESC sont :
• un délai maximal de 10 minutes entre le premier contact médical et l’enregistrement d’un ECG ;
• un délai maximal de 120 minutes entre le premier contact médical et l’angioplastie (ou de 30 minutes entre le premier contact médical et le début de la thrombolyse si le délai avant angioplastie est supérieur à 120 minutes) ;
• ce délai de 120 minutes est abaissé à 90 minutes en cas de prise en charge très précoce d’un infarctus étendu ;
• un délai « door to balloon » pour les patients se présentant directement dans un centre de cardiologie interventionnelle.
La France est un pays très étendu avec une géographie très diverse ce qui entraîne de grandes disparités dans la prise en charge des SCA ST+.
Si certaines régions semblent très sensibilisées avec un délai de 97 minutes entre le premier contact médical et l’angioplastie, ce délai est doublé pour un patient pris en charge par un centre périphérique et nécessitant un transfert secondaire.
Ce consensus insiste sur le rôle clé du Samu-Smur et sur la nécessité :
• de réunions régulières dans chaque région entre Samu et Centres de cardiologie interventionnelle permettant la rédaction de référentiels communs ;
• d’un transfert de tout SCA vers une structure interventionnelle reconnue par le SROS ;
• de transformer le transfert secondaire des patients en « primosecondaire » dès lors qu’il s’agit d’un SCA ST+ ;
• de favoriser l’admission directe en salle de cathétérisme ;
• de favoriser la mise en place régionale de protocoles médicamenteux ;
• de choisir et d’adapter le type de reperfusion en fonctions des délais définis par les recommandations.
La particularité de ce consensus est de ne pas éluder la question plus polémique du choix du centre de cardiologie interventionnelle.
Après discussion et en lien avec les Samu-Smur, ce consensus recommande :
• Privilégier le centre de cardiologie interventionnelle qui permettra la prise en charge la plus adaptée et dans les meilleurs délais. Toute structure interventionnelle, qu’elle soit publique ou privée ayant eu une autorisation dans le cadre d’un SROS, doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’offre de soins.
• Respecter le choix exprimé par le patient du centre de prise en charge en vertu des articles L1110-8 et L 6311-2 du code de la Santé Publique (à condition que ce centre soit adapté à sa prise en charge et que sa localisation n’allonge pas de manière significative les délais de reperfusion.
• Favoriser le transfert vers le centre dans lequel le patient aurait déjà été pris en charge.
Retrouvez l’intégralité de l’article : Arch Mal Cœur Vaiss Pratique
Le commentaire de Paul Barragan
(membre du bureau du GACI)
Cath’Lab Le Groupe athérome et cardiologie interventionnelle (GACI) de la Société française de cardiologie vient de publier récemment dans les Archives des Maladies du Cœur pratique(1), un consensus sur la prise en charge interventionnelle des SCA avec sus-décalage persistant du segment ST en France.
Pourquoi un tel article ?
P. Barragan Le bureau du GACI, représentant les cardiologues interventionnels des secteurs public et privé, a jugé utile de rédiger ce consensus afin d’optimiser la prise en charge interventionnelle des SCA ST+ en France, et ce consécutivement à la publication des dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie(2).
La rapidité de reperfusion coronaire par angioplastie primaire à la phase aiguë d’un SCA ST+ étant unanimement reconnue(3) comme un des facteurs essentiels responsable de la diminution de la mortalité à 30 jours après infarctus du myocarde en France (4,4 % en 2010 contre 13,7 % il y a 15 ans), une réflexion sur la prise en charge de l’infarctus la plus précoce et la plus adaptée à notre territoire national s’imposait dès lors. Les dernières recommandations ESC de septembre 2012 insistaient sur l’importance d’établir des référentiels précis au sein d’un réseau régional de prise en charge du SCA ST+.
Est-ce à dire que la prise en charge du SCA ST+ est actuellement défaillante en France ?
La comparaison de quatre registres français réalisés tous les 5 ans (USIK 1995, USIC 2000, FAST-MI 2005 et FASTMI 2010) nous montre certes une amélioration de la rapidité de l’adressage des patients entre 1995 et 2010 (gain d’une heure), mais un examen attentif des chiffres de 2010, retrouve une hospitalisation effectuée très souvent plus de 2 heures après le début des symptômes.
Malgré ces améliorations, nous sommes encore loin d’être en bonne adéquation avec les recommandations ESC de septembre 2012. En effet, si le délai médian de 97 minutes entre le premier contact médical et l’angioplastie primaire est acceptable pour les patients de 14 régions très sensibilisées depuis 2010 par le registre Stent For Life(3,4), le délai est plus que doublé (227 minutes en moyenne) pour un patient passant par un centre périphérique et nécessitant un transport secondaire.
Par quels moyens est-il possible d’améliorer cette prise en charge du ST+ en France ?
Le fil conducteur est de pouvoir offrir au plus grand nombre présentant un SCA ST+, l’angioplastie primaire comme traitement de choix.
Tout d’abord par la tenue de réunions régulières entre les structures d’urgence (Samu) et les centres de cardiologie interventionnelle afin de rédiger des référentiels communs afin de :
• faciliter l’orientation de ces patients vers des centres interventionnels reconnus par les SROS ;
• transformer le transfert secondaire des patients en « primosecondaire » ;
• favoriser l’admission directe en salle interventionnelle ;
• inciter à la mise en place régionale de protocoles antithrombotiques mais aussi assurer la création de registres précisant délais, stratégies mises en œuvre et résultats obtenus. Ces registres constitueront des indices de la qualité des soins prodigués.
• privilégier le centre de cardiologie interventionnelle public ou privé qui permettra la prise en charge la plus précoce et la plus adaptée.
À ce propos, il faut rappeler qu’une enquête menée par le Syndicat national des spécialistes du cœur et des vaisseaux (SNSMCV) effectuée entre 2008 et 2010 avait montré que si certaines régions ne connaissaient pas de « discrimination » (Pays de Loire, Champagne-Ardenne, Centre), un adressage quasi systématique s’effectuait vers des centres publics dans d’autres grandes villes (Dijon, Nancy, Metz, Bordeaux, etc.).
Le choix du centre de prise en charge par le patient est aussi à prendre en considération (conformément aux articles L1110-8 et L6311-2 du code de la santé publique), à condition bien évidemment que ce centre soit adapté à la prise en charge du SCA ST+. Ainsi, cette optimisation rationnelle de la prise en charge préhospitalière des SCA ST+ sera la seule susceptible d’améliorer le pronostic de ces patients.
Formulons le vœux que les résultats du futur registre français FAST-MI 2015 seront spectaculairement améliorés par la mise en œuvre pratique de ce consensus.
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