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Complication

Publié le 18 déc 2024Lecture 5 min

Morts subites arythmiques et médicaments : quels patients et quelles drogues ?

Oriane WEIZMAN, Eloi MARIJON, Paris

L’arrêt cardiaque soudain, ou mort subite (MS), est une cause fréquente de décès cardiovasculaire, notamment chez les jeunes de moins de 35 ans. Dans près d’un tiers des cas de MS récupérée, la cause reste inconnue(1,2). Lorsqu’une autopsie ne révèle aucune anomalie et qu’aucune substance toxique n’est détectée, ces décès sont classés comme syndrome de mort arythmique subite (SADS). La cause des arythmies impliquées combine généralement un substrat pro-arythmogène (structurel ou électrique, parfois héréditaire) et un facteur déclenchant, comme un déséquilibre électrolytique, une ischémie ou certains médicaments. Les analyses toxicologiques montrent souvent une proportion élevée de substances pro-arythmiques, qu’il s’agisse de drogues ou de médicaments(3).

Données épidémiologiques   Une étude danoise récente sur les cas de mort subite (MS) chez les jeunes (18 à 35 ans entre 2000 et 2019, et 36 à 49 ans entre 2007 et 2019) montre que deux tiers des victimes de syndrome de mort arythmique subite (SADS) avaient un résultat toxicologique positif(4). Parmi les substances retrouvées, les psychotropes et les médicaments pro-arythmiques étaient prédominants, avec une polymédication présente dans 66 % des cas, incluant des psychotropes (37 %) et des prolongateurs du QT (22 %). La combinaison la plus courante était entre un antipsychotique et un psychoanaleptique. Des résultats similaires ont été observés dans des études espagnoles et américaines, où un tiers des cas de SADS présentaient des toxiques(5,6).   Population à risque et circonstances   Les victimes de SADS dont le résultat toxicologique est positif sont plus âgées et plus souvent des hommes. Cela pourrait s’expliquer en partie par l’augmentation de la consommation de médicaments avec l’âge. Risgaard et coll. ont montré que la prise de médicaments et le ratio hommes/femmes augmentait avec l’âge chez les victimes de SADS(3). Il est possible que les patients les plus représentés soient plus âgés, car les patients jeunes porteurs d’un variant causant une canalopathie décèdent très jeunes, avant que le diagnostic ne soit posé et donc avant que des médicaments ne leur soient prescrits. Chez les victimes de SADS avec toxicologie positive, des études ont retrouvé également une proportion significativement plus élevée de cardiopathie ischémique, d’insuffisance cardiaque et de maladies respiratoires, souvent à un stade débutant. Il est important de souligner que les patients ayant présenté un SADS peuvent également être décédés de cause non cardiaque, notamment neurologique comme le syndrome de mort subite lié à l’épilepsie (SUDEP). Le SUDEP est une cause de mort subite avec autopsie normale, chez un patient connu épileptique, donc sous traitement médical, c’était d’ailleurs la classe de médicaments la plus souvent retrouvée dans les analyses toxicologiques positives, parmi les SADS. Les victimes de SADS, dont le résultat toxicologique était positif, sont souvent décédées à domicile pendant leur sommeil. Au contraire, les victimes dont le résultat toxicologique était négatif sont souvent décédées à l’hôpital ou dans une ambulance pendant une activité. Ainsi, il est possible que la prise de toxiques ou médicaments favorise l’apparition d’une arythmie, notamment liée au syndrome de Brugada et au syndrome du QT long. Ainsi, ces patients victimes de SADS avec toxicologique positive décèdent souvent sur place, soit en l’absence de témoin dans leur sommeil, soit car l’association du substrat et du toxique rend la réanimation difficile car non ciblée sur le toxique, et donc futile avec un low-flow très long sans récupération d’un rythme efficace.   Médicaments à risque   Jusqu’ici, aucune étude n’a identifié de médicaments favorisant les arythmies dans le syndrome de Brugada, et peu ont retrouvé des médicaments allongeant le QT dans la population de SADS et dans la population générale (figure). Figure. Médicaments et drogues parmi les SADS (Palsoe et coll. Heart Rythm).   En se basant sur des cas de MS avec une autopsie sans anomalie, la prise d’un médicament allongeant l’intervalle QT en monothérapie ou en association (22 % et 5 %, respectivement) était assez fréquente(7). Ces résultats sont similaires à ceux de Palsoe et coll., qui ont montré un peu plus de prolongateurs du QT en association (15 %)(4). La prise de plusieurs médicaments prolongateurs du QT ne semble pas allonger de manière proportionnelle la durée du QT. Néanmoins, il semble que l’intervalle QT s’allonge plus significativement lors de la prise d’antipsychotiques. En particulier, la prise d’antipsychotiques et de psychoanaleptiques semblait être la combinaison la plus à risque. Pour ces traitements, il semble que l’intervalle QT s’allonge de plus en plus avec l’utilisation de doses élevées. D’ailleurs, les psychotropes prolongeant le QT étaient plus souvent prescrits à dose suprapharmacologique que les autres. Bien que l’association entre le surdosage et l’allongement du QT n’est pas prouvée, il convient de respecter les dosages pour rester en zone thérapeutique et d’être particulièrement prudent dans le suivi des patients sous psychotropes en association. D’autres traitements, notamment les antibiotiques prolongeant le QT, ont pu être incriminés dans la mort subite rythmique surtout chez le sujet plus âgé, avec un risque moindre comparé aux psychotropes(8). Dans le syndrome de Brugada, certaines drogues (cocaïne et alcool) ou médicaments sont bien connus comme associés à une augmentation du risque rythmique (bloqueurs des canaux sodiques, antiarythmiques, antipsychotiques, anesthésiques). Ainsi, la sur-représentation de psychotropes dans les cas de SADS peut également témoigner d’un syndrome de Brugada sous-jacent non connu, dans lesquels une fibrillation ventriculaire a pu être déclenchée par la prise de médicaments contre-indiqués.   Conclusion   Le risque de MS induite par les médicaments reste faible, bien que préoccupant car associé à un événement dramatique. Les bénéfices des médicaments nécessaires l’emportent souvent sur les risques. Toutefois, la prescription des traitements à risque, notamment psychotropes, doit être encadrée et suivie, pour s’assurer de l’absence de surdosage et de conséquences électriques.

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