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Complication

Publié le 19 déc 2023Lecture 6 min

Fistules œsophagiennes post-ablation

Ardalan SHARIFZADEHGAN, Neuilly-sur-Seine

Les ablations de la fibrillation atriale ne cessent d’augmenter, avec des résultats positifs croissant en termes d’efficacité immédiate et à long terme(1). Les complications péri et post-ablation ont vu leur nombre décroitre en raison de l’expérience des ablateurs mais aussi grâce aux nouvelles technologies. La fistule atrio-œsophagienne (FAO), bien que très rare, reste la complication la plus redoutée tant elle est dévastatrice et mortelle (figure 1). Encore aujourd’hui, les facteurs de risque sont peu clairs et débattus. C’était un des objectifs du registre POTTER-AF publié en 2023, concernant 138 FAO parmi 553 729 ablations réalisées de 1996 à 2002(2).

Figure 1. Fistule atrio-œsophagienne. A€: Vue endoscopique de l’œsophage-FAO. B€: Vue chirurgicale de la FAO (d’après(2)).   Épidémiologie et prévalence   L’incidence de la FAO est très faible et varie entre 0,02 et 0,1 % des cas mais sa mortalité est très élevée, entre 50 à 83 % selon les registres(3). L’étude POTTER-AF retrouvait une incidence de 0,025 %(2). Sur les 138 patients, 118 avaient des données cliniques fiables : 113/118 (95,8 %) patients avaient une fistule atrio-œsophagienne, 4/118 (3,4 %) une fistule œsopéricardique et 1 (0,8 %) une perforation œsophagienne.   Physiopathologie   La relation anatomique entre l’œsophage et l’oreillette gauche (OG) est variable. Souvent loin de la veine supérieure droite, il peut se rapprocher jusqu’à quelques millimètres des autres structures de l’OG. Sa position peut même changer durant la procédure. Il ne faut pas méconnaître les deux branches du nerf vagal qui passent au niveau de la paroi antérieure de l’œsophage et qui sont responsables du péristaltisme, du pylore, et de la motilité gastrique(4). Les possibles mécanismes de la FAO sont : – la lésion de la muqueuse : lésion thermique directe ou ischémique des petites artérioles ; – le reflux gastro-œsophagien : œsophagite préalable, lésion du nerf vague ; – la dysmotilité œsophagienne : lésion du nerf vague, anesthésie générale. La formation de la FAO se ferait de l’œsophage vers l’oreillette. Dans le sens de cette progression, l’ulcération créée habituellement une valve à sens unique vers l’OG. L’ulcération œsophagienne est probablement le premier stade, apparaissant dans les heures/jours qui suivent l’ablation. Deneke et coll. ont effectué une fibroscopie dans les 4 jours post-ablation chez 832 patients : 18 % d’entre eux avaient des lésions œsophagiennes : érythème ou ulcération. Parmi les 5 FAO, tous avaient une ulcération précoce(5).   Données péri-procédurales   Dans l’étude POTTER-AF (figure 2), parmi 114/118 patients (96,6 %) ayant une FAO, l’énergie d’ablation était la radiofréquence (RF) et la mesure du contact était disponible chez 46 % d’entre eux. La puissance médiane de RF pour le mur postérieur était de 30 W (IQR : 25-30). En plus de l’isolation des veines pulmonaires, chez 45,5 % des patients des lignes atriales étaient effectuées. La ligne du toit était effectuée chez 30,9 %, la ligne postérieure chez 24,5 % et la défragmentation postérieure chez 15,2 % des patients. La cryothérapie était utilisée chez 3/118 (2,5 %) et enfin le laser chez un seul patient (0,8 %). L’usage d’une sonde thermique était retrouvé chez 24,6 % des patients. La température maximale moyenne était de 40,2° ± 2,2°C. Un traitement par inhibiteur de la pompe à protons était prescrit chez 74,6 % des patients après l’ablation. Figure 2. Données de l’étude POTTER-AF sur les fistules œsophagiennes post-ablation(2).   Présentation clinique et diagnostic   Les premiers symptômes apparaissent dans les 60 jours post-ablation(6). Dans l’étude POTTER-AF, le temps médian entre l’ablation et les premiers symptômes était de 18 jours (IQR : 7,75-25) et le temps médian entre l’ablation et le diagnostic de FAO de 21 jours (IQR : 15-29,5). Le temps médian entre les premiers symptômes et le diagnostic de FAO était donc de 3 jours (IQR : 1-9). Bien que rare, certains patients ont déclaré les symptômes dans les premiers jours après l’ablation. Les premiers symptômes étaient la fièvre (n = 70 ; 59,3 %), la douleur thoracique/dysphagie (n = 64 ; 54,2 %) et les troubles neurologiques (n = 52 ; 44,1 %). D’autres symptômes ont été rapportés chez 74 patients (62,3 %) : dyspnée, nausée/vomissement, syncope, toux, FA, hématémèse, confusion, aphasie et syndrome coronaire aigu(2). Ces symptômes traduisent un passage majoritairement à sens unique, de l’œsophage vers la circulation, de bactéries responsables du sepsis et d’air responsable des AVC. Un diagnostic précoce est essentiel car la perforation œsophagienne, avant le stade de fistulisation à l’oreillette, présente un meilleur pronostic grâce à une intervention rapide(7). Le meilleur outil diagnostique est le scanner thoracique qu’il faut répéter en cas de doute diagnostique persistant(3). En cas de suspicion de FAO, la fibroscopie est à éviter car l’insufflation d’air pourrait engendrer une embolie gazeuse massive. Dans l’étude POTTER-AF, le diagnostic était effectué par le scanner thoracique chez 93 (80,2 %) patients, par imagerie cérébrale chez 40 (34,5 %), par échocardiographie par 29 (25 %), par endoscopie chez 24 (20,7 %), et avec d’autres méthodes chez 20 patients (17,2 % ; autopsie, péricardiocentèse, ponction lombaire ou encore chirurgie cardiaque). En dehors de l’imagerie, les analyses sanguines peuvent montrer une hyperleucocytose, une élévation de la CRP ou encore la présence de Cocci Gram+ dans les hémocultures.   Traitement   Dans POTTER-AF, tous les patients étaient traités par antibiothérapie IV. Un traitement conservateur était effectué chez 32,8 % des patients avec une mortalité de 89,5 % dans ce groupe. Un traitement endoscopique initial (stent œsophagien, clipping, fermeture par vacuum) fut effectué dans 26,7 % des FAO, avec une mortalité de 54,8 %. Un traitement chirurgical initial fut effectué chez 40,5 % des patients, avec une mortalité de 52,8 %. La mortalité dans le groupe ayant eu un traitement conservateur, comparée au traitement endoscopique ou chirurgical était significativement plus élevée (OR 7,463 [2,414-23,072] ; p < 0,001). La population de patients ayant uniquement le traitement conservateur avait des symptômes initiaux ainsi qu’un diagnostic de FAO plus tardif. En analyse multivariée, les facteurs prédictifs de survie étaient la sédation vigile, l’utilisation d’une sonde thermique et le traitement chirurgical.   Pronostic   En l’absence de prise en charge diagnostique et thérapeutique urgente, le pronostic est catastrophique. Une mortalité de 100 % a été rapportée en l’absence de traitement chirurgical précoce(8). L’évolution naturelle de la FAO conduit aux accidents vasculaires ischémiques et hémorragiques, au choc septique, au coma, à l’arrêt cardiaque, au saignement digestif ou encore à la tamponnade.   Facteurs prédictifs en lien avec l’ablation   Sans lien de causalité statistique du fait de la faible incidence de la FAO, quelques paramètres d’ablation ressortent dans la littérature : – la radiofréquence semble engendrer plus de FAO que la cryothérapie, notamment en lien avec les lignes d’ablation postérieure : incidence de 0,038 % pour la RF et 0,0015 % pour la cryothérapie (p < 0,0001)(2) ; – l’utilisation du robot, étant donnée sa stabilité et son contact plus important ; – l’ablation en point par point ; – une irrigation importante, permettant d’augmenter la durée du tir avec des lésions plus profondes.   Stratégies de prévention actuelles et futures   Actuellement, nous utilisons largement (sans preuve statistique) les inhibiteurs de la pompe à protons afin de diminuer l’acidité gastrique qui pourrait favoriser la formation de FAO. La sonde thermique apparaît un bon moyen de monitorer la température et d’éviter de surchauffer l’œsophage. À noter que son utilisation doit être délicate et les capteurs thermiques recouverts d’isolant puisque certaines études endoscopiques ont rapporté plus de lésions œsophagiennes avec la sonde(9). Depuis quelques années, le refroidissement ou bien la déviation mécanique de l’œsophage pendant la procédure (par la sonde d’ETO par exemple) ont été suggérés sans grand succès. Aujourd’hui, l’espoir repose sur l’électroporation qui est une nouvelle énergie d’ablation non thermique. Elle serait plus sûre grâce à la sélectivité des cardiomyocytes. Récemment le registre international MANIFEST-PF, sur 1 758 ablations par électroporation, n’a rapporté aucune lésion œsophagienne(10).

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