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Mise au point

Publié le 29 juin 2024Lecture 9 min

Jusqu’où repousser les limites de l’angioplastie sans stent ?

Ludovic MEUNIER, Centre Hospitalier de la Rochelle

La cardiologie interventionnelle a vu se développer depuis quelques années les techniques de revascularisation coronarienne sans stenting (stent-less strategy), revascularisation reposant sur un dispositif spécifique, le drug coated balloon (DCB).

A près le traitement de la resténose intrastent(1), l’angioplastie par DCB s’est développée pour le traitement de l’ensemble des lésions de novo, qu’il s’agisse des petits vaisseaux(2), des bifurcations(3), des lésions calcifiées(4), des occlusions totales chroniques(5), des lésions diffuses(6), pathologie coronarienne chronique ou aiguë confondues(7). Le fond de cet article n’est pas de fournir une liste exhaustive des données cliniques en faveur de la stratégie stentless, qu’elles soient issues d’études obser vationnelles passées(8) ou bien en attente des résultats de larges études randomisées multicentriques en cours(9,10). Son but est plutôt d’étayer une réflexion sur cette revascularisation sans stenting, en fournissant des éléments de réponse aux deux questions indissociables suivantes : « pourquoi » et « comment » revasculariser sans stent ?   POURQUOI VOULOIR REVASCULARISER UNE LÉSION CORONARIENNE SANS STENT ?   Les éléments de réponse découlent justement de limites inhérentes au stenting, principalement au nombre de trois.   La lésion dite « complexe » En fait, plus que la lésion elle-même, c’est plutôt la technique de revascularisation de certaines lésions qui peut être rendue complexe par la mise en place d’un ou plusieurs stents. Il s’agit avant tout des bifurcations. Une revascularisation sans stenting va simplifier la procédure, en évitant shift de carène, POT, refranchissement de maille, kissing et autre DK crush... Peuvent être aussi citées les lésions ostiales de la coronaire droite, ainsi que les tortuosités coronaires, qui peuvent gêner elles l’implantation précise d’un stent.   La nécessité d’une DAPT initiale afin d’éviter la thrombose précoce de stent Chez un patient à haut risque hémorragique (high bleeding risk, HBR), cette double antiagrégation plaquettaire (DAPT) va majorer considérablement le risque de saignement(11) et ce surrisque va se maintenir tout au long de sa durée. En réduisant le temps de la DAPT, les événements hémorragiques vont pouvoir être ainsi diminués, sans modifier le taux de survenue des événements ischémiques(12). En revascularisant les patients HBR sans aucun stent (DCBonly), une DAPT de courte durée, de 1 mois, va pouvoir être instaurée, voire une simple antiagrégation plaquettaire (SAPT), préférentiellement par un inhibiteur du récepteur P2Y12. Des études rétrospectives ont suggéré qu’une SAPT chez les patients à haut risque hémorragique revascularisés par DCB pouvait réduire le taux d’événements hémorragiques, sans augmenter le nombre d’événements ischémiques(13,14). Un essai contrôlé randomisé multicentrique, DEBATE, est actuellement en cours pour valider cette approche(15).   L’augmentation du risque ischémique La mise en place d’un stent s’accompagne d’un risque constant d’environ 2 % par an d’événements très tardifs liés au stent, thrombose ou resténose, sans aucun plateau. Et ce risque va augmenter avec la longueur du stenting ou avec l’utilisation de stents de petits diamètres(16). On peut ainsi identifier les patients et les lésions à haut risque ischémique (high ischemic risk, HIR). Les sujets HIR seront essentiellement les patients jeunes de moins de 50 ans ou les patients non observants. Les lésions HIR sont celles qui, si elles sont stentées, vont combiner à des degrés divers néoathérosclérose, sous-expansion de stent, mal apposition ou couches multiples de mailles, tous ces facteurs favorisant la survenue ultérieure d’événements tardifs. Ce sont ainsi les lésions diffuses ou pluritronculaires dont la longueur totale à revasculariser est de plus de 60 mm, les petits vaisseaux, les lésions thrombotiques, les lésions très calcifiées, les CTO, les bifurcations nécessitant deux dispositifs, la resténose intrastent, les lésions sur artères dystrophiques ou de pontages veineux. L’objectif est de diminuer la masse métallique d’un patient pour limiter son risque ultérieur de MACE. C’est ce qu’a voulu montrer l’étude de E.S. Shin et al.(17) : en comparant à une population de référence traitée uniquement par stent, une population dont l’indice métallique (metal index = total length DES total lenght lesions) a été diminué de 2/3, cette dernière voit son risque ultérieur de MACE diminuer d’autant, avec l’apparition d’un plateau après la première année (figure 1). Figure 1. Stratégie stent-less : pourquoi ?   Ainsi se dégagent les trois cibles préférentielles de la revascularisation sans stenting, à savoir les bifurcations (« simplifier la complexité »), le patient HBR, le patient ou les lésions HIR (« partir sans rien laisser derrière soi »).   S’AFFRANCHIR DE DEUX IDÉES REÇUES   Cependant, avant de faire sien ce concept, le cardiologue interventionnel aura à s’affranchir de deux idées reçues. • La première est la crainte de se relever la nuit pour stenter une dissection post-DCB responsable d’une occlusion aiguë. Les données sont là, le risque d’occlusion aiguë après DCB est de 0 à 0,2 %(2,18), alors que celui de thrombose de stent est de 0,5 à 2,1 %(19-21). Nous avons ainsi moins de risque de nous lever la nuit pour stenter une dissection occlusive post-DCB que pour traiter une thrombose de stent… • La seconde idée reçue est celle d’utiliser une technique consommatrice de temps. C’est plutôt faux pour les bifurcations, puisque le temps passé à réaliser la plastie sera compensé par celui gagné à éviter les techniques d’optimisation du stenting(8). En revanche, cela sera plutôt vrai pour les autres lésions. Mais si les critères HBR et/ou HIR sont présents, l’investissement initial du cardiologue interventionnel passé à réaliser une stratégie stent-less sera récupéré ultérieurement par un bénéfice clinique pour le patient. Ainsi une classification spécifique, le score SLS (stent less strategy score), prenant en compte ces trois indications potentielles, permettra d’établir un phénotype patient/lésion, fournissant au cardiologue interventionnel des arguments en faveur d’une stratégie stent-less.   UNE FOIS L’INDICATION DE STRATÉGIE STENT-LESS POSÉE, COMMENT REVASCULARISER SANS STENTING ?   Cette revascularisation combine nécessairement deux étapes, la plastie de la lésion, puis la prévention de la resténose au niveau du site traité.   La plastie de la lésion C’est la première étape, angioplastie ou préparation de la lésion, dont le but est de lever la sténose (≤ 30 %), sans créer de dissection rédhibitoire (dissection spiroïde ou limitant le flux). Cette étape fondamentale permettant la redistribution progressive de la plaque au sein de la paroi artérielle va faire appel à des dispositifs spécifiques « modificateurs de plaque », tels que les ballons scoring (NSE Alpha™, B.Braun ; Scoreflex TRIO™, OrbusNeich ; Wedge NC™, BrosMed ; AngioSclupt™, AngioScore, etc.)(22, 23) ou cutting (Wolverine™, Boston Scientific)(24). Les scoring doivent avoir un ratio de diamètre de 1/1 et être inflatés de façon lentement progressive par paliers de 1 atm, afin de laisser à la plaque le temps de se redistribuer. Les pressions d’inflation maximales efficaces vont pouvoir ainsi rester basses, aux alentours de 6 à 8 atm, et limiter d’autant le risque de survenue de dissection. Un cutting va cependant pouvoir être utilisé à des pressions plus importantes, puisque visant des lésions souvent très résistantes, calcifiées et/ou fibreuses (figure 2). Figure 2. Stratégie stent-less : comment ?   À noter que pour les petits vaisseaux de 2,5 mm, le bénéfice mécanique de ces dispositifs semble limité, eu égard notamment à leur prix élevé, et l’utilisation de ballons standards NC qui semble suffisante. En fonction du type de lésion, certaines spécificités pourront être proposées : • Lésion longue : la plastie pourra être débutée avec un long ballon NC (20-30 mm), de ratio 0,5/1, puis finalisée par un scoring 1/1. En effet, les scoring sont généralement courts, et débuter une plastie d’une lésion longue avec ces derniers expose au risque de dissection de la plaque à leurs extrémités lors de leur inflation. • Lésion de bifurcation (111, 011) : la plastie débutera habituellement par celle de la branche mère, puis par celle de la branche fille. Les autres types (110, 010, 001) seront traitées par un seul dispositif sur un seul axe, tout en gardant deux guides en cas de bail-out. • Resténose intrastent : le régime de pression pourra être élevé, la dissection n’étant pas à craindre du fait de la présence du stent. • Lésion thrombotique : si la charge thrombotique est importante, une approche par MIMI (minimalist immediate mechanical intervention) avant plastie pourra être privilégiée. • Lésion très calcifiée : la diffusion du principe actif dans le calcium est 1 000 plus faible que dans une plaque fibrolipidique(25). Le debulking de l’arc calcaire est donc impératif et doit faire intervenir, au besoin précédé d’une athérectomie rotationnelle, une athérectomie orbitale ou lithotripsie intracoronaire (IVL, Shockwave™). Le choix du ou des dispositifs doit s’effectuer effectivement en fonction des propriétés biomécaniques propres à chaque type de plaque, propriétés dictées par la composition histologique de la plaque. L’utilisation de l’imagerie endocoronaire permet ainsi d’optimiser l’efficacité à terme d’une stratégie stent-less(26). Ainsi des couples (lésion-dispositif) privilégiés vont pouvoir se distinguer : le lésion mollescoring, (lésion fibreuse-cutting), (lésion très calcifiée-IVL). Le succès final de la plastie sera retenu sur les critères angiographiques sus-décrits, mais pourra être optimisé au besoin en s’aidant de critères physiologiques fournis par quantitative flow ratio (QFR)(27).   La prévention de la resténose par le DCB (tableau)   Une fois la plastie effectuée, la seconde étape pourra alors être réalisée, à savoir celle de la prévention de la resténose par le DCB. Le DCB est uniquement un vecteur du principe actif antiprolifératif, paclitaxel et/ou sirolimus, destiné à être appliqué à la paroi. Il n’a pas vocation à être utilisé comme ballon d’angioplastie. Son utilisation répond aux critères suivants : ratio de diamètre DCB-artère de 1/1, inflation à très basse pression (3-6 atm), durée d’inflation de 60 s. Quant au choix du principe actif, les différences semblent minimes, et s’articuleraient autour d’un remodelage positif des petits vaisseaux en faveur du paclitaxel(28). Surtout, les paramètres influant sur l’efficacité antiproliférative d’un DCB particulier sont nombreux et il ne peut y avoir d’effet classe. Spécificités en fonction du type de lésions : • Bifurcations (111, 011) : la prévention de la resténose de la branche fille sera d’abord effectuée, puis la prévention de la resténose de la branche mère. La séquence complète d’une stent-less strategy sera « plastie MB, plastie SB, DCB SB, DCB MB » ou « mère-fille-fille-mère ». Il n’y a pas lieu de faire de kissing, qui au contraire serait délétère. • Lésions du tronc commun (trifurcations), pluritronculaires à FEVG altérée : la tolérance hémodynamique sera médiocre en cas d’inflation prolongée. Il est recommandé ainsi d’effectuer des inflations du DCB plus courtes, de 30 s, chez un patient dont la balance apport/besoins en O2 est optimisée.   QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS À UNE STRATÉGIE STENT-LESS ?   Les contre-indications liées au patient sont l’instabilité hémodynamique ou rythmique, qui vont être aggravées par l’ischémie transmurale répétée par les inflations successives et prolongées du dispositif de plastie et du DCB. Dans ces conditions, la revascularisation doit être la plus rapide possible, donc conventionnelle par DES. Les contre-indications liées aux lésions sont les dissections spontanées quelles qu’elles soient, ou les dissections limitant le flux ou spiroïdes après la plastie ou le DCB. Dans ce cas, le risque est la survenue d’événements coronariens aigus dans le premier mois ou d’évolution anévrismale retardée. Dans ces conditions, un stenting en bail-out (DES ou BRS) doit être effectué. De même, les désocclusions antérogrades ou rétrogrades de CTO de novo en extraplaque exposent à ce même risque d’anévrisme et ne répondent pas à l’heure actuelle à cette technique.   QUELLES ÉVOLUTIONS ATTENDRE DE LA STRATÉGIE STENT-LESS ?   L’extension des indications de la stratégie stent-less aux lésions traitées jusqu’alors médicalement, comme les lésions diffuses symptomatiques à faible pullback pressure gradient (PPG)(29) de la maladie coronarienne chronique, ou les plaques instables du syndrome coronarien aigu. La personnalisation du couple lésion-dispositif, avec l’identification par l’intelligence artificielle (IA) du dispositif modificateur de plaque adapté aux caractéristiques biomécaniques de la plaque à partir de son histologie virtuelle, associée au régime d’inflation calculé par cette même IA, ouvrent la voie à une robotisation de la technique. L’arrivée prochaine des stents biorésorbables (BRS), trouveront leur place aux côtés du DCB en bail-out, ou dans le cadre de revascularisation hybride (BRS et DCB) de patient HIR.   CONCLUSION   • Repousser les limites de l’angioplastie sans stenting repose ainsi sur trois étapes successives : • Identifier le phénotype patient-lésion, permettant de poser indications et objectifs d’une stratégie stent-less ; • Identifier le couple lésion-dispositif, pour effectuer une plastie efficace de la lésion ; • Prévenir enfin la resténose au site de la plastie par un DCB validé cliniquement, garantissant à terme l’efficacité de cette stratégie stentless.  

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