Publié le 14 déc 2016Lecture 7 min
Prévention et gestion paramédicale des complications dans le traitement des CTO
R. LAMARI, Clinique de l’Europe, Amiens
La recanalisation d’une occlusion chronique totale (CTO pour chronic total occlusion) reste un défi pour la cardiologie interventionnelle. Elle représente environ 20 % des lésions constatées lors des coronarographies diagnostiques(1). Cette procédure est chronophage, exige un long apprentissage et expose le patient à un taux de complications légèrement supérieures à l’angioplastie conventionnelle(2). Nous verrons dans cet article le rôle de l’équipe paramédicale dans la prévention et la gestion de ces complications.
Définition
Une occlusion coronaire chronique est définie comme une artère coronaire occluse, ayant un flux TIMI 0 (figure 1), d’au moins 3 mois(3). Grâce à l’évolution des techniques d’angioplastie coronaire, le taux de succès de recanalisation de ce type de lésion devient supérieur à 90 % dans les centres d’excellence.
La CTO ne se fait jamais en ad hoc, chaque dossier doit être discuté pour évaluer le bénéfice/risque. Une fois la décision prise de revasculariser le patient par voie percutanée, les cardiologues analysent le film (cap clair ou ambigu, longueur de l’occlusion, calcifications, présence ou non de collatérales, etc.) afin d’établir une stratégie (voie antérograde, rétrograde, etc.).
Figure 1. Occlusion coronaire chronique d’une coronaire droite avec un flux TIMI 0 (image a), reprise par le réseau gauche (image b).
La préparation du patient avant l’examen
Comme au préalable de toute angioplastie, le rôle du paramédical de salle de cathétérisme est primordial dans la préparation du patient. Ce rôle est certainement encore plus important dans les procédures de type CTO puisqu’il doit être attentif au confort à la fois physique et psychologique du patient, en veillant à avoir bien expliqué en amont que l’examen pourrait être long. Pour cela de nombreux outils sont à notre disposition (gouttières spécifiques pour les abords radiaux, musicothérapie, hypnose, etc.). Il prend soin de vérifier également que tous les paramètres assurant la sécurité du patient sont respectés (checklist Sécurité du patient , monitorage, etc.).
La préparation d’une angioplastie de CTO est par ailleurs plus complexe, elle nécessite quasi systématiquement une double voie d’abord radiale et/ou fémorale, et ainsi deux têtes de pression, deux désilets, deux types de cathéters guide, autant de matériel spécifique et dédié sous la tutelle des opérateurs dont la stratégie précise aura été discuté en amont.
Principales complications
Une métaanalyse sur 18 000 patients étudiés dans 65 registres(4) a permis d’établir la liste et le pourcentage de complications dans les procédures de CTO (tableau).
Complications aiguës perprocédure
L’incidence des complications aiguës de l’angioplastie coronaire est, dans cette situation complexe, potentiellement majorée (dissection coronaire, thrombose aiguë, perforation coronaire). Ces complications surviennent fatalement un jour. Les détecter tôt pour les traiter vite est donc la règle. Parmi elles, la perforation coronaire est probablement la plus spécifique des procédures de CTO.
• La perforation coronaire
Elle se caractérise à l’angiographie par une extravasation de produit de contraste au niveau d’une artère coronaire (figure 2)(5). La perforation coronaire se produit le plus souvent lors du passage de guides ayant des degrés de rigidité très élevés et souvent recouverts d’un coating hydrophile. Elle peut aussi survenir au décours de l’inflation d’un ballon. Ce type de complication est rare et doit être prévenu grâce à la visualisation systématique de la bonne position intraluminale du guide en aval de l’occlusion par injection controlatérale.
La conséquence majeure de ce type de complication est l’hémopéricarde qui peut mener à la tamponnade, voire au décès. L’attention du paramédical doit porter sur la position des guides et sur les symptômes du patient (douleurs thoraciques importantes, tachycardie, chute brutale de la pression artérielle).
En cas de perforation avérée, le traitement consiste à « colmater la brèche ». En première intention, elle sera traitée par des inflations prolongées au ballon et une antagonisation de l’héparine (sulfate de protamine). En cas d’échec, l’utilisation de Méthergin et l’implantation d’un stent couvert ou de coïls permettent de gérer cette complication.
En cas de tamponnade, après contrôle échographique, le cardiologue effectue un drainage péricardique en urgence. La mise à disposition en salle de cathétérisme d’un kit de drainage péricardique est obligatoire pour que le geste soit assuré le plus rapidement possible.
• La complication liée à l’anticoagulation
La gestion de l’anticoagulation par le paramédical est indispensable. En effet, en raison du nombreux matériel présent en intracoronaire, le risque de thrombose est important. Il est alors nécessaire de monitorer l’ACT. Par définition, l’ACT pour activated clotting time est une méthode de monitorage de l’héparine non fractionnée (HNF) permettant de mesurer l’activité antithrombine de l’héparine. L’anticoagulation efficace est généralement atteinte avec une dose initiale d’héparine non fractionnée de 0,7 à 1 mg/kg qui peut être complétée en fonction du résultat obtenu. Usuellement l’ACT doit être supérieur à 300 secondes. À l’inverse en cas de complication hémorragique, la neutralisation de l’héparine est réalisée par la protamine (injection IV de 1 mg de protamine pour 1 mg d’héparine résiduelle).
Figure 2. Contrôle final après recanalisation d’une CTO CD 2 - extravasation du produit de contraste au niveau de la distalité de la CD, signe d’une perforation coronaire liée au guide coronaire.
Complications postprocédure
Le traitement percutané d’une CTO est associé à une prolongation significative du temps de procédure et d’exposition aux rayonnements ionisants, et à une utilisation plus importante de produit de contraste. De ce fait, l’incidence des complications (néphropathie et radiodermite) à distance de l’intervention est plus importante.
• La néphropathie liée au produit de contraste
La néphropathie liée aux produits de contraste iodés (PCI) est une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë dûe à une toxicité de l’iode sur le rein. La survenue de cette insuffisance rénale induite est rare en l’absence de facteurs de risque, mais concerne environ 20 % des patients présentant des facteurs de risque tels qu’un diabète, une HTA, un âge supérieur à 75 ans, la prise concomitante de médicament néphrotoxique (IEC, anti-inflammatoires non stéroidiens, etc.), une insuffisance rénale connue. Le paramédical veillera à une bonne hydratation du patient (sérum salé ou bicarbonaté isotonique) la veille et le jour de l’examen et sensibilise le cardiologue sur le volume injecté au décours de l’examen. Ces mesures préventives réduisant le risque de néphropathie sont d’autant plus importantes à mettre en place qu’il n’existe pas de traitement curatif spécifique de la néphropathie aux PCI. Après l’intervention, le paramédical trace le volume de PCI injecté dans le dossier patient. Un contrôle biologique systématique est réalisé à distance selon le volume injecté. Le pic d’ascension se situe le plus souvent entre le 3e et 5e jour et un retour à la fonction rénale antérieure est le plus souvent la règle après 3 à 4 semaines. Dans des cas très exceptionnels, l’insuffisance rénale est sévère avec oligurie pouvant conduire à la dialyse.
• Complications liées aux rayons X
Les risques liés à l’utilisation des rayonnements ionisants sont bien connus à la fois pour les patients(6) et le personnel médical et paramédical. Ces risques sont de deux natures (effets stochastiques et effets déterministes) :
- les effets stochastiques (mutation ADN ou développement d’une tumeur maligne) ;
- les effets déterministes se produisent lorsque la dose de rayonnement dépasse un seuil spécifique et provoque un changement prévisible dans les tissus notamment des atteintes cutanées. Ces lésions cutanées telles qu’une radiodermite (figure 3)(7) sont l’exemple type des effets déterministes de l’irradiation, elles peuvent aller du simple érythème jusqu’à la nécrose cutanée.
Figure 3. Exemple d’une radiodermite à 1 mois constatée dans le dos de ce patient(7).
La recanalisation d’une occlusion coronaire chronique demande un temps de procédure élevé lié à la complexité des lésions à franchir, étroitement lié à un temps d’exposition aux rayons X plus important. Il est alors essentiel de surveiller la dose pendant la procédure et de la tracer. Le rôle du paramédical dans ce contexte est capital, en rappelant à l’opérateur la nécessité de changer les incidences, d’utiliser les diaphragmes pour limiter le champ d’irradiation...
La présence d’une PCR (personne compétente en radioprotection) est souhaitable pour mettre en place un programme spécifique à ce type d’examen, en collaboration avec un radiophysicien et un ingénieur de la société fournissant le générateur de rayons X. Ils fixent ensemble un seuil d’alerte (30 minutes de scopie dans notre centre), à partir duquel l’opérateur décide de la poursuite ou de l’arrêt de l’intervention. À la fin de l’examen, le paramédical retranscrit dans le logiciel de traçabilité les informations dosimétriques les plus complètes possibles : PDS (produit dose surface), temps de scopie, Air Kerma (obligation réglementaire pour PDS – arrêté du 22 septembre 2006).
Le dépassement du seuil d’alerte est fixé pour un PDS à 50 000 μGy.m2 et/ou un Air Kerma à 5 Gy. En cas de dépassement, le médecin généraliste est informé et s’il constate une rougeur, une surveillance dermatologique est programmée.
Conclusion
La désobstruction d’une CTO est une procédure complexe qui exige un management paramédical spécifique par rapport aux autres procédures d’angioplastie coronaire.
Les différentes complications qui viennent d’être décrites sont liées à une technique en plein développement, demandant une gestion rapide et appropriée des équipes médicale et paramédicale dédiées en salle de cathétérisme cardiaque.
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