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Polémique

Publié le 14 déc 2016Lecture 7 min

Stents à polymère biodégradable - Une réelle avancée en cardiologie interventionnelle ?

P. RELL, J. ADJEDJ, O. VARENNE, Hôpital Cochin, Paris

Les stents actifs sont composés d’une plateforme métallique recouverte d’un polymère permettant le relargage contrôlé de produit actif. La resténose débute par le barotraumatisme de l’angioplastie, associé à une prolifération de cellules musculaires lisses de la média et leur migration vers l’intima, la sécrétion de facteurs cellulaires proinflammatoires et pro-thrombotiques. Le processus global est terminé en 6 à 9 mois. L’utilité première du polymère est principalement de permettre un relargage au site du barotraumatisme de fortes concentrations de molécules actives, sur une durée de temps assez longue pour couvrir les différentes phases cellulaires de la resténose.

Dès l’introduction des stents actifs (DES), la toxicité des polymères a été mise en avant : augmentation des thromboses, inflammation, déchirure et embolisation, occlusion de collatérales. Une première tentative de DES sans polymère, éludant de l’actinomycine D s’est soldée par un échec retentissant. Le polymère était donc considéré comme un mal nécessaire. Les polymères sont ensuite devenus moins toxiques en utilisant la phosphorylcholine, puis des fluoropolymères. Pour les premiers, une réduction de la toxicité a été démontrée associée à une moindre efficacité antiresténotique. Pour les seconds, une cicatrisation plus rapide et un nombre réduit de thromboses fera de ces stents les plus utilisés du marché. Récemment, les polymères sont devenus résorbables, permettant de transformer les DES en stents nus, prétendument plus sûrs, une fois passée la période de la resténose. Les polymères résorbables dérivent tous de l’acide polylactique L (PLLA) et se dégradent par hydrolyse en se transformant en CO2 et en H2O au cours des mois suivant l’implantation, laissant une plateforme métallique simple, équivalente à celle d’un stent nu, dans l’artère traitée. Bénéfices des stents à polymère résorbable Les premiers DES à polymères biorésorbables (DESpr) ont été les stents Biomatrix à élution de biolimus. Dans l’étude LEADERS, les stents Biomatrix faisaient jeu égal avec les DES Cypher™ et leur polymère durable (Cordis) en termes d’efficacité (décès cardiovasculaires, infarctus, revascularisations), à 9 mois chez 1 707 patients ; ceux traités par angioplastie primaire (16 %) ont tiré le meilleur bénéfice des DESpr (RR = 0,37 ; IC 95 % : 0,16- 0,84 ; p = 0,020). Lors du suivi à 5 ans, les stents Biomatrix étaient toujours non inférieurs aux stents Cypher™ pour le TLF (22,3 % vs 26,1 % ; RR = 0,83 ; IC 95 % : 0,68-1,02 ; pnon-inf < 0,0001), mais ils étaient associés à une réduction du taux de thromboses de stents très tardives entre 1 et 5 ans (0,7 % vs 2,5 % ; RR = 0,26 ; IC 95 % : 0,10-0,68 ; psup= 0,003). À ce jour, c’est le seul bénéfice documenté des stents à polymère résorbable comparativement aux DES à polymère non résorbable. Il est prudent de rappeler ici que ces résultats d’analyse post-hoc d’une étude de non-infériorité et la faible amplitude des événements nécessitent une confirmation à plus grande échelle. Autre point important, le comparateur des stents Biomatrix dans cette étude comportait un polymère de première génération et les DESpr n’ont pas démontré de supériorité par rapport aux stents à polymère durable de dernière génération, type fluoropolymères. Ces derniers sont associés à une moindre inflammation que les polymères durables de première génération voire même que certains polymères résorbables. Ils ont une affinité plus élevée pour l’albumine ce qui pourrait expliquer une moindre activation de la cascade de coagulation et un plus faible taux de thrombose. Lors du congrès de l’ESC 2016, une étude randomisée de plus de 9 000 patients (NORSTENT), a comparé les DES de dernière génération, majoritairement à fluoropolymères (XIENCE, Abbott Vascular ; 82 %), aux stents nus, et n’a pas retrouvé de différence à 6 ans concernant le critère primaire composite (décès ou IDM non fatal ; HR = 0,98 ; IC 95 % : 0,88-1,09 ; p = 0,66). Cependant, le taux de thromboses de stents était significativement en faveur des DES comparativement aux stents nus (0,8 % vs 1,2 % ; p = 0,0498). Dans l’étude SIRTAX comparant deux DES de première génération, le taux de thromboses de stent était plus élevé entre 1 et 5 ans post-implantation et a décru de manière importante entre 5 et 10 ans (0,67 % /an vs 0,23 %/an ; HR = 0,31 ; IC 95 % : 0,13-0,75 ; p = 0,01). Dans l’étude BIO-RESORT publiée le mois dernier dans le Lancet, 3 514 patients ont été randomisés entre trois types de DES : avec un polymère durable (Resolute™, Medtronic), un polymère rapidement résorbable (Synergy™, Boston Scientific), et un polymère lentement résorbable (Orsiro, Biotronik). À 1 an, il n’existait aucune différence entre ces trois types de DES, concernant le critère primaire (TVF) ou le taux de thromboses de stents. L’étude se poursuit pour évaluer un éventuel bénéfice des DESpr à 5 ans. Actuellement, plusieurs DESpr existent sur le marché (figure). Dans la métaanalyse de Palmerini T. et al.(1) l’efficacité et la sécurité de ces stents a été évaluée comparativement aux DES et aux stents nus chez 85 490 patients. Un an après l’implantation, les DESpr sont associés à moins de décès cardiovasculaires/IDM/revascularisations du vaisseau cible que les stents nus, et à moins de revascularisations du vaisseau cible que les stents au zotarolimus et à polymère à phosphorylcholine. Les taux d’événements sont similaires à ceux obtenus après implantation de stents actifs de seconde génération avec davantage de thromboses de stents qu’avec les stents actifs à l’évérolimus et à la plateforme en cobalt-chrome avec un fluoropolymère. À long terme, les DESpr font mieux que les stents nus et que les stents au paclitaxel, sans différence significative comparativement aux stents à polymère durable de deuxième génération sauf pour le taux de thromboses de stents qui sont supérieurs comparativement aux stents à évérolimus sur une plateforme en cobaltchrome avec un fluoropolymère. Figure. Types et compositions des différents stents actifs. DAPT : quelle durée ? La focalisation sur les polymères tient essentiellement à l’espoir de pouvoir réduire la durée de double antiagrégation plaquettaire (DAPT) chez les patients. En effet, les durées de DAPT recommandées par l’ESC sont encore de plus de 6 mois après stents actifs. Cette durée « minimale » pouvant être ramenée à 3 mois dans certains cas où le risque hémorragique des patients est élevé. Cependant, la durée de DAPT recommandée reste supérieure en cas d’implantation de stents actifs versus stents nus et peut poser problème chez des patients devant subir une intervention chirurgicale non cardiologique, chez les patients à haut risque hémorragique ou en cas de traitement anticoagulant associé. Chez ces patients, traditionnellement traités par stents nus, les nouveaux stents actifs se présentent en challengers sûrs et efficaces bien que les deux types de stents n’aient jamais été comparés avec une durée similaire de DAPT, sauf dans l’étude SENIOR en cours, comparant les DESpr libérant de l’évérolimus (Synergy™, Boston Scientific) aux stents nus avec des durées de DAPT semblables chez les sujets ≥ 75 ans. Au cours des derniers mois, le débat sur l’éventuelle réduction de la durée de DAPT et son bénéfice sur la réduction du risque hémorragique, s’est enrichi par les résultats de l’étude DAPT. Cette étude démontre le bénéfice d’une poursuite d’une DAPT au-delà de 12 mois chez des patients traités par stents actifs ou nus (pas de stents avec polymère résorbable). Le bénéfice apporté par la prolongation de la DAPT est lié à une réduction des événements liés aux stents (thromboses de stents), mais également à des événements totalement indépendants des stents implantés (infarctus toutes causes), ce dernier ne pouvant donc pas être impacté par le caractère biorésorbable ou non du polymère. Cas particuliers : stents sans polymère et endoprothèses biodégradables Des DES sans polymère (DCS) libérant le produit actif directement à partir de la plateforme métallique ont été développés. L’étude LEADERS FREE a comparé chez 2 466 patients à haut risque hémorragique avec une DAPT courte de 1 mois, les DCS BioFreedom™ (Biosensors) aux stents nus. À 1 an, le critère de sécurité et d’efficacité était favorable aux DCS. Chez 659 patients avec un syndrome coronarien aigu (SCA), il existait une réduction de moitié de la mortalité cardiaque (3,4 % vs 6,9 % ; p = 0,049) et des IDM (6,9 % vs 13,8 % ; p = 0,005). L’endoprothèse biodégradable ABSORB (Abbott Vascular) composée de PLLA et d’un polymère résorbable en PDLLA libérant de l’évérolimus est la plus avancée actuellement. Une métaanalyse des premières études randomisées indique des résultats à 1 an voisins des DES (XIENCE). La survenue du critère composite lié au patient (décès toutes causes, IDM toutes causes, revascularisation toutes causes) était comparable entre l’endoprothèse résorbable et le stent actif (RR = 1,09 ; IC 95 % : 0,89-1,34 ; p = 0,38) de même que le critère composite lié à la plateforme (RR = 1,22 ; IC 95 % : 0,91-1,64 ; p = 0,17). On note pourtant une tendance à un excès d’infarctus et de thromboses de stents plus fréquents dans le groupe ABSORB. Dans ABSORB II, dont les résultats à 3 ans viennent d’être publiés au dernier congrès du TCT, l’endoprothèse résorbable n’est pas supérieure au stent actif en termes de propriétés purement mécanistiques, et on note même un excès significatif d’infarctus du vaisseau cible dans le groupe ABSORB. Conclusion Initialement destinés à permettre une libération contrôlée du produit actif, les polymères ont évolué au cours des dernières années. Ils sont devenus plus physiologiques, résorbables et pourraient même être absents. Les DESpr se transforment en stents nus après totale résorption et sont associés à un bénéfice clinique modeste, principalement observé à long terme lors d’analyses de critères secondaires, et ceci comparativement à des stents à polymères durables de première génération. Leur bénéfice clinique éventuel, comparativement aux stents actifs à polymère durable de dernière génération, surtout les fluoropolymères, n’est pas documenté et l’excellent profil de sécurité de ces derniers pourrait rendre ce potentiel bénéfice difficile à démontrer. Enfin, la question de la durée de la double antiagrégation plaquettaire ne peut être réglée par la seule qualité du stent et de son polymère.

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