Lu pour vous
Publié le 30 mar 2023Lecture 4 min
Revascularisation endovasculaire ou chirurgicale en cas d’ischémie critique chronique ?
Jimmy DAVAINE, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
L’artériopathie périphérique affecte plus de 200 millions de personnes dans le monde dont 11 % présentent une ischémie critique chronique au pronostic sombre : 25 % d’amputation majeure dans l’année suivant le diagnostic. Le coût annuel de l’ischémie critique est évalué à 12 milliards par an aux États-Unis. En dehors du traitement médical et du traitement local de la plaie, se pose la question de la technique de revascularisation, toujours soumise à controverses. Ce choix dépend des caractéristiques anatomiques des lésions, du terrain du patient, de la présence d’une veine de qualité, de la préférence de l’équipe. Cette étude a voulu comparer les deux approches.
Méthodes
BEST-CLI est un essai randomisé contrôlé multicentrique international. Il s’agit d’un essai de supériorité. Deux études sont menées en parallèle après classement de la population en deux groupes selon que les patients présentaient une veine saphène de bonne qualité ou non en vue d’une revascularisation (cohortes 1 et 2, respectivement). L’inclusion s’est faite de 2014 à 2019. Tous les patients présentaient une ischémie critique chronique et étaient candidats à la fois à une revascularisation endovasculaire ou chirurgicale. Les calculs prévisionnels visaient à inclure 2 100 patients, 1 620 dans la cohorte 1 et 480 dans la cohorte 2 afin de mettre en évidence une différence significative de 25 % en faveur de la chirurgie ouverte avec un pouvoir de 85 %.
Résultats
La cohorte 1 a inclus 1 434 patients : 718 randomisés au traitement chirurgical et 716 au traitement endovasculaire. Le suivi a été de 7 ans avec un suivi médian de 2,7 ans. Dans le groupe chirurgical ont été réalisés 307 pontages fémoropoplités, 276 pontages fémorodistaux et 115 pontages poplitéodistaux. Dans le groupe endovasculaire, 487 patients ont été traités au niveau fémoral superficiel, 382 au niveau poplité et 381 en infrapoplité.
Les procédures endovasculaires étaient réalisées par des chirurgiens vasculaires dans 73 % des cas, des cardiologues dans 15 % des cas et des radiologues dans 13 % des cas. Le critère primaire était la survenue d’un décès ou d’un événement indésirable au niveau du membre (amputation ou réintervention). Le critère primaire était noté dans 302 des 709 patients soit 42,6 % des cas dans le groupe chirurgie et dans 408 sur 711 patients, soit 57,4 % des cas dans le groupe endovasculaire (HR : 0,68 ; p < 0,001). Ce résultat était observé dans l’analyse perprotocole tout comme dans l’analyse du traitement effectivement reçu. Le taux d’amputation majeure était de 10,4 % dans le groupe chirurgie est de 14,9 % dans le groupe endovasculaire. Il n’y avait pas de différence concernant les décès entre les deux groupes. Dans la cohorte 2, au total 396 patients sans grande veine saphène avaient été randomisés en 197 patients dans le groupe chirurgie ouverte et 199 patients dans le groupe endovasculaire avec un suivi médian de 1,6 ans. Dans le groupe chirurgie, on recensait 105 pontages fémoropoplités, 86 pontages fémorodistaux et 18 pontages poplitéodistaux ; 48 pontages faisaient appel à une allogreffe veineuse et 119 à un matériau prothétique. À noter que dans 19 % des cas le chirurgien trouvait en peropératoire un segment de grande veine saphène utilisable pour le pontage. Concernant le groupe endovasculaire, 133 interventions étaient réalisées sur l’artère fémorale superficielle, 114 sur l’artère poplitée et 86 au niveau infrapoplité. Le critère primaire d’événements adverses au niveau du membre ou de décès était recensé dans 83 sur 194 patients, soit 42,8 % dans le groupe chirurgie ouverte et dans 95 sur 199 patients, soit 47,7 % dans le groupe endovasculaire (HR : 0,79 ; p = 0,12).
Discussion
La conclusion est claire. Parmi les patients en ischémie critique qui présentaient un segment de veine saphène de bonne qualité, la survenue d’un événement indésirable majeur au niveau du membre était significativement inférieure dans le groupe chirurgie ouverte par rapport au groupe endovasculaire. À l’inverse, dans la cohorte 2 on ne notait pas de différence entre les deux groupes pour ce qui est du critère primaire composite.
Alors que la fréquence du traitement endovasculaire en première intention augmente considérablement, cette étude remet au premier plan l’importance de l’analyse préopératoire du matériel saphène comme critère essentiel au choix de la technique, avant même le critère de terrain du patient. Une limite de l’étude tient à l’influence de la préférence des équipes pour une technique particulière. Une interprétation est qu’il faut idéalement dépasser l’opposition entre les deux techniques et privilégier une approche en équipe capable de proposer aussi bien l’une ou l’autre technique. On notera aussi la difficulté à atteindre les objectifs d’inclusion initialement prévus.
Farber A et al. N Engl J Med 2022 ; doi: 10.1056/NEJMoa2207899.
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