Publié le 28 fév 2013Lecture 6 min
Conduite à tenir chez un patient diabétique, insuffisant rénal et hyperlipidémique
M. DEKER
JESFC
Un débat d’experts a permis d’aborder la stratégie diagnostique et thérapeutique à propos d’une observation clinique chez un homme, âgé de 52 ans, obèse (101 kg ; il pesait 69 kg à 20 ans), traité depuis 5 ans par la metformine pour un diabète (l’équilibre glycémique s’est récemment dégradé, avec une HbA1c à 8,9 %), hypercholestérolémique (LDL-C 1,55 g/l) et ayant une altération de la fonction rénale (ClCr 55 ml/min par la formule MDRD).
Chez le diabétologue
En premier lieu, il convient de valider le diagnostic de diabète de type 2 (DT2). Chez ce patient, en surcharge pondérale et dont la masse musculaire est conservée, le diagnostic ne fait pas de doute. Ce patient est toujours en plein anabolisme ; une carence insulinique se traduirait par une perte musculaire ; en outre, la découverte d’un acanthosis nigricans traduit un hyperinsulinisme et une insulinorésistance.
L’estimation de la fonction rénale par la formule MDRD est correcte et signe une atteinte rénale débutante. La formule de Cockroft est inadaptée chez les sujets âgés ou en surpoids. Il est nécessaire de rapporter cette altération de la fonction rénale au diabète : une néphropathie diabétique est d’autant plus probable chez le DT2 que la baisse du DFG est progressive, qu’il existe une microalbuminurie ou une diminution du DFG (indépendamment de l’existence d’une albuminurie, comme c’est le cas chez 20 % des DT2), et en l’absence de signes rénaux ou extrarénaux en faveur d’une autre origine. Chez le DT1, l’existence de signes de rétinopathie apporte des arguments supplémentaires en faveur de l’origine diabétique d’une néphropathie.
Chez le cardiologue
Ce patient ne présente pas de symptôme particulier. Sa PA de consultation est de 138/94 mmHg, ce qui suggère une HTA, qui devra être confirmée par automesure ou MAPA. Son ECG est normal. Il faudra aussi tenir compte d’une éventuelle microalbuminurie.
La MAPA des 24 heures montre une PA moyenne de 128/82 mmHg, avec une baisse tensionnelle nocturne. Chez les patients diabétiques et insuffisants rénaux, les recommandations pour la PA varient de 130- 140/80 mmHg. Chez ce patient limite du point de vue tensionnel, on propose un bloqueur du système rénine-angiotensine, en 1re ligne un IEC, pour maintenir la PA à la cible < 130/80 mmHg et à titre préventif des complications cardiovasculaires et de la progression de l’insuffisance rénale, tout particulièrement s’il existe une micro- ou une macroalbuminurie.
Ce patient présente un très haut risque cardiovasculaire car il cumule un diabète, une atteinte des organes cibles (rein) et une HTA. Un calcul de risque selon Framingham indiquerait un risque coronarien entre 20 et 30 % à 10 ans, selon la prise en compte ou non du cholestérol. Le dépistage de la maladie coronaire n’est pas systématiquement recommandé ; il peut faire appel à l’ECG d’effort (intéressant avant de recommander la reprise d’une activité physique), à la scintigraphie ou à l’échocardiographie d’effort, ou en 2e ligne au score calcique coronaire, dont la valeur est corrélée au risque cardiovasculaire (risque x 10 pour une valeur > 400).
En complément peut être réalisé un dépistage des lésions périphériques, au moyen de l’IPS et des troncs supraaortiques.
Retour chez le diabétologue
Après consultation auprès d’un ophtalmologiste, nous apprenons que ce patient présente une rétinopathie ischémique, ce qui impose quelques exigences thérapeutiques en termes de traitement hypoglycémiant afin d’éviter les hypoglycémies qui pourraient aggraver cette rétinopathie en la transformant en rétinopathie proliférative. Par ailleurs, il a une microalbuminurie, ce qui renforce la nécessité d’une protection rénale.
Dans le DT2, l’augmentation du poids se traduit par une augmentation de la glycémie et inversement. Si ce patient voit ces deux paramètres augmenter simultanément, le problème n’est pas celui d’une escalade thérapeutique, mais d’adhésion thérapeutique ; si le poids est resté stable et l’HbA1c a augmenté, cela signe la nécessité de renforcer le traitement ; si le poids a baissé et l’HbA1c augmenté, il faut penser à une carence insulinique ou à une pathologie intercurrente. Ce patient est en échec thérapeutique (augmentation de l’HbA1c et poids stable).
On peut revoir les règles nutritionnelles et conseiller à ce patient de maintenir une activité physique, mais il faudra augmenter le traitement, en prenant en compte la rétinopathie qui impose d’éviter les hypoglycémies, et la néphropathie. Il est possible de poursuivre la metformine (jusqu’à 30 ml/min) ; comme les sulfamides sont en majorité éliminés par voie rénale, ils risquent de s’accumuler à mesure de la dégradation de la fonction rénale, majorant le risque d’hypoglycémie. Les glinides peuvent être prescrits mais nécessitent une prise à chaque repas. L’insuline ne présente aucune contre-indication ; toutefois, elle nécessite une éducation thérapeutique lourde, et l’insuffisant rénal chronique est plus sensible au risque hypoglycémique. Restent les nouveaux traitements, en particulier inhibiteurs de la DPP-4, telle la sitagliptine, qui chez l’insuffisant rénal peuvent être pris à demi-dose jusqu’à une ClCr de 30 ml/min. Des dosages de sitagliptine spécifiquement adaptés aux diabétiques ayant une insuffisance rénale modérée ou sévère ne sont pas encore commercialisés en France. Ces hypoglycémiants présentent l’avantage d’être efficaces sans risque d’hypoglycémie, et sont neutres sur le poids.
Quel objectif d’HbA1c ? Un niveau aux alentours de 7 % est souhaitable, et il n’y a pas d’intérêt à viser un objectif plus bas.
Retour chez le cardiologue
En termes d’objectif lipidique, chez un patient à très haut risque, l’objectif est de ramener le LDL-cholestérol à < 0,7 g/l. Une statine est indiquée, à posologie usuelle, étant donné le bénéfice démontré en prévention primaire. Le bénéfice des statines est équivalent chez les diabétiques comparativement aux non-diabétiques, voire supérieur en termes de risque absolu. Chez le patient insuffisant rénal, il est également recommandé d’introduire un traitement hypolipémiant par statine ou par une association. Rappelons que l’étude SHARP a aussi montré le bénéfice de l’association statine-ézétimibe chez des insuffisants rénaux en termes de risque vasculaire. Quant à l’hypertriglycéridémie et l’hypo-HDLémie, typiques de la dyslipidémie du diabète, l’ajout d’un fibrate à la statine n’a pas démontré de bénéfice indiscutable.
Faut-il prescrire un antiplaquettaire ? En prévention primaire, les antiplaquettaires n’ont pas démontré de bénéfice sur l’ensemble des événements cardiovasculaires considérés ou la mortalité. Des indications discutables en prévention primaire concernent les patients porteurs d’une maladie athéromateuse évoluée, tels que les patients ayant un score calcique > 400, des anomalies à l’épreuve d’effort ou une sténose carotidienne (40- 50 %). Au final, une attitude agressive à l’égard des facteurs de risque permet d’améliorer considérablement le pronostic cardiovasculaire.
Débat organisé par MSD, modéré par Y. Juillière (Vandoeuvre-lès-Nancy) et J.-M. Halimi (Tours), avec la participation de H. Gin (Bordeaux) et F. Paillard (Rennes)
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :