Publié le 14 oct 2013Lecture 4 min
La bithérapie dans les syndromes coronaires aigus : trop courte ou trop longue ?
P. GRANDCHAMP, Paris
ESC
La durée optimale du traitement antiagrégant plaquettaire après un syndrome coronaire aigu est un sujet qui reste très débattu. Martine Gilard (Brest) a fait le point sur les éléments permettant de répondre à cette question.
Des études clés
L’association d’un inhibiteur des récepteurs plaquettaires P2Y12 de l’ADP à l’aspirine a été un progrès thérapeutique majeur au cours des 20 dernières années. Après implantation d’un stent nu, cette bithérapie a permis de réduire le risque de thrombose aiguë du stent. Après un syndrome coronaire aigu (SCA), la bithérapie antiplaquettaire réduit le risque d’événements cardiovasculaires majeurs et la mortalité.
La durée de cette bithérapie, question importante, est encore très discutée.
Les recommandations 2012 ACCF/AHA concernant le durée du traitement antiagrégant plaquettaire après un SCA sans élévation de ST préconisent la prise d’aspirine à vie (classa IA) avec un traitement de 1 an par un inhibiteur des récepteurs plaquettaires P2Y12, sauf contre-indication, quelle que soit la stratégie de revascularisation utilisée (classe IB). Ce dernier peut être poursuivi au-delà de la première année chez les patients ayant un stent actif (classe IIb C).
Ces recommandations sont principalement issues des résultats des études CURE(1), PLATO(2) et TRITON TIMI-38(3).
Dans le bras « traitement invasif » de l’étude PLATO, les bénéfices du clopidogrel et du ticagrélor se poursuivent au-delà du 6e mois et la différence de mortalité globale en faveur du ticagrélor a tendance à s’accentuer avec le temps.
Par ailleurs, dans l’étude TRITON TIMI-38, on constate que le bénéfice de la bithérapie par prasugrel et aspirine obtenu au cours du premier mois sur le critère primaire (décès cardiovasculaires, infarctus [IDM], accident vasculaire cérébral [AVC]) se poursuit et se maintient encore plus d’un an si l’on recommence le traitement après le 30e jour.
La durée est-elle trop longue ?
La comparaison effectuée dans l’étude EXCELLENT(4) chez des patients ayant reçu un stent actif (évérolimus ou sirolimus) ne fait pas apparaître de différence entre 6 mois et 1 an de traitement sur le critère primaire ischémique (décès, IDM, revascularisation, sauf chez les patients diabétiques chez lesquels le traitement d’un an prend l’avantage (p < 0,001).
Dans l’étude PRODIGY(5), la durée du traitement (6 mois vs 2 ans) n’a pas eu d’influence sur le critère primaire associant décès, IDM et AVC, mais il y a eu davantage de saignements majeurs après 2 ans de bithérapie (p = 0,002). Il existait cependant des différences en fonction du stent utilisé (stent nu, Endeavor Sprint [zotarolimus], Taxus® [sirolimus] et Xience V [évérolimus]). Avec le stent Endeavor® Sprint, les résultats étaient en faveur d’une durée de 6 mois, mais avec les autres, la différence entre les deux durées de traitement n’était pas significative.
Ou trop courte ?
En pratique, en Europe, la grande majorité des patients n’ont plus qu’un seul antiagrégant plaquettaire durant la première année, alors qu’aux États- Unis, 50 % sont encore sous bithérapie.
Trois grandes études en cours devraient permettre de trancher cette question de la durée optimale :
- l’étude DAPT dans laquelle, après 12 mois de bithérapie, les patients ayant reçu un stent (nu ou actif) sont randomisés pour continuer pendant 18 mois supplémentaires, soit le clopidogrel ou le prasugrel, soit un placebo ;
- l’étude ISAR-SAFE, qui, chez des patients ayant un stent actif, comparera en double aveugle contre placebo une bithérapie de 6 mois à une bithérapie de 18 mois avec un critère primaire composite associant décès, IDM, thrombose de stent, AVC et saignements majeurs ;
- enfin, l’étude ITALIC, qui confrontera 6 et 12 mois de bithérapie par aspirine-clopidogrel chez des patients ayant reçu un stent Xience en utilisant un critère primaire associant décès, IDM, thrombose de stent, AVC et saignements majeurs.
Chez les patients sous anticoagulant
Selon les estimations, de 2 à 21 % des patients victimes d’un SCA sont sous anticoagulant au moment de sa survenue. La mortalité est dans ce cas plus élevée et la gestion du traitement antiagrégant plaquettaire plus délicate. L’association aspirine-clopidogrel est plus efficace que la warfarine chez les patients ayant un SCA mais moins efficace dans le traitement préventif des AVC chez les sujets en fibrillation atriale. Les recommandations de l’ESC préconisent, lorsqu’une trithérapie est indispensable, une association comportant de l’aspirine à faible dose (< 100 mg/j), du clopidogrel plutôt qu’un nouvel antiagrégant plaquettaire et de la warfarine à dose ajustée de façon à maintenir un INR compris entre 2 et 2,5. Sa durée doit être la plus courte possible pour réduire le risque hémorragique (IC). Le rivaroxaban à faible dose (2,5 mg x 2/j peut être envisagé chez certains patients si le risque hémorragique est faible (IIbB).
D’après la communication de M. Gilard (Brest), lors du symposium « Cases on optimising oral antiplatelet therapy in the management of acute coronary syndromes », organisé par AstraZeneca, ESC 2013.
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