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Congrès et symposiums

Publié le 14 nov 2013Lecture 7 min

Syndromes coronariens aigus - Quelle est la place des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes ?

M. GALINIER, CHU Toulouse-Rangueil


Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
L’aldostérone pourrait jouer un rôle majeur dans la physiopathologie des complications myocardiques des syndromes coronariens aigus (SCA). Ses effets délétères sont très nombreux, directs, puisque favorisant la nécrose des cardiomyocytes et possédant une puissante action profibrosante, et indirects tant au niveau des vaisseaux, participant à la dysfonction endothéliale et à l’augmentation du tonus vasculaire, que de l’équilibre hydroélectrique, en favorisant la rétention hydrosodée et la déplétion en potassium et en magnésium à l’origine d’une action pro-arythmogène.

La participation de l’aldostérone aux processus de remodelage reste l’élément essentiel, notamment son effet profibrosant via l’activation des macrophages par la galectine-3. Or, les concentrations plasmatiques d’aldostérone s’élèvent très rapidement au cours des SCA. La valeur pronostique des taux d’aldostérone à l’admission a d’abord été démontrée au cours des SCA avec sus-décalage du segment ST(1), où ils sont significativement corrélés au risque de décès et de survenue d’une fibrillation ventriculaire ou d’une insuffisance cardiaque (figure 1). Cette valeur pronostique de l’aldostérone a depuis lors été retrouvée dans les SCA avec ou sans sus-décalage du segment ST.   Figure 1. Aldostéronémie à l’admission des SCA ST+ et pronostic(1). EPHESUS   Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) ont donc une place dans le traitement des SCA. Celle-ci est clairement démontrée quand ces derniers se compliquent d’insuffisance cardiaque et/ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche. L’étude EPHESUS a en effet démontré que, dans cette situation, un traitement par éplérénone, démarré entre le 3e et le 14e jour suivant l’infarctus, diminuait de 15 % la mortalité totale au terme d’un suivi de 16 mois.   Un effet précoce Cet effet bénéfique est particulièrement précoce puisqu’on observe une diminution de 31 % de la mortalité toute cause et de 37 % du risque de mort subite dès le premier mois de traitement(2).   Cette action bénéfique est due à la conjonction, sous l’effet des ARM, d’une prévention des arythmies ventriculaires(3) et, chez les patients dont les concentrations plasmatiques d’aldostérone sont élevées, d’un effet antiremodelage (figure 2)(4), liée à une diminution de la fibrose myocardique, comme le montre la diminution des produits de dégradation du collagène sous éplérénone (figure 3)(5). Les résultats de l’étude EPHESUS ont conduit la Société européenne de cardiologie à recommander, dès 2005, l’utilisation des ARM, en association aux IEC et aux bêtabloquants, au cours des dysfonctions systoliques ventriculaires gauches du postinfarctus chez les patients ayant présenté en phase aiguë une insuffisance cardiaque (recommandation de classe 1 et de niveau B, avec en France une ASMR3).   Figure 2. Effets de l’éplérénone versus placebo chez 93 patients en post-IDM sur le remodelage ventriculaire gauche : interaction avec les valeurs de base de l’aldostérone plasmatique et de l’excrétion urinaire des 24 h de tétrahydroaldostérone(4). Figure 3. Effets de l’éplérénone (en bleu) versus placebo sur les biomarqueurs de fibrose myocardique en post-IDM : sous-étude d’EPHESUS(5).   Traiter entre le 3e et le 7e jour Une analyse post-hoc de l’étude EPHESUS suggérant que les effets bénéfiques de l’éplérénone étaient maximaux en cas de démarrage précoce entre le 3e et le 7e jour, alors qu’ils étaient moins marqués au-delà, a conduit à penser que les ARM pourraient être efficaces dès les premières heures des SCA, qu’il existe ou non une dysfonction ventriculaire gauche. Deux études ont alors été conçues pour déterminer si un blocage très précoce des effets délétères de l’aldostérone par les ARM dès la phase aiguë de l’infarctus du myocarde participerait à la diminution de la morbimortalité cardiovasculaire et préviendrait le risque de développer une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche chez des patients sans insuffisance cardiaque ou dysfonction ventriculaire gauche connues.   REMINDER   Cet essai qui a testé en double aveugle versus placebo l’efficacité de l’éplérénone à 25 mg instaurée dès les 24 premières heures suivant l’infarctus puis majorée à 50 mg dès le 2e jour si la kaliémie était inférieure à 5 mmol/l, chez 1 012 patients présentant un SCA avec sus-décalage du segment ST, sans antécédent d’insuffisance cardiaque ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche (FE < 40 %) ou d’insuffisance rénale sévère (DFG < 30 ml/ min), a été le premier présenté (ACC 2013). Après un suivi moyen de 10,5 mois, l’éplérénone diminue de 42 % le critère primaire combiné (RR = 0,58, IC 95 % : 0,45-0,75 ; p < 0,0001) (figure 4), associant mortalité cardiovasculaire, réhospitalisation ou prolongation d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, tachycardie ventriculaire soutenue ou fibrillation ventriculaire, apparition 1 mois après la randomisation d’une dysfonction systolique ventriculaire gauche, définie par une FE ≤ 40 %, ou d’une élévation des peptides natriurétiques de type B (BNP > 200 pg/ml ou NTproBNP > 450 pg/ml avant 50 ans ; > 900 pg/ml entre 50 et 75 ans ; > 1 800 pg/ml après 75 ans). Ce bénéfice sur le critère primaire est essentiellement lié à la réduction de l’élévation des peptides natriurétiques, retrouvée chez 16 % des patients traités par éplérénone et 26 % des sujets sous placebo (RR = 0,58, IC 95 % : 0,44-0,77 ; p = 0,0002), alors que les autres paramètres ne sont pas modifiés, suggérant une prévention du remodelage ventriculaire gauche sous l’effet des ARM. L’introduction précoce de l’éplérénone a été bien tolérée tant cliniquement que biologiquement, le risque d’hyperkaliémie > 5,5 mmol/l (5,6 % sous éplérénone vs 3,2 % sous placebo ; p = 0,09) étant compensé par la prévention des hypokaliémies < 3,5 mmol/l (1,4 % vs 5,6 % ; p = 0,002), dont on connaît l’action proarythmogène à la phase aiguë des infarctus.   Figure 4. Effets de l’éplérénone versus placebo après un SCA ST+ sans insuffisance cardiaque ou dysfonction VG préalable : étude REMINDER, critère primaire combiné.   ALBATROSS   Cette étude, essentiellement conduite en France sous l’égide du Pr Farzin Beygui, teste l’intérêt d’un blocage des effets de l’aldostérone dans les 72 h après le début des symptômes chez des patients présentant un SCA avec ou sans sus-décalage du segment ST par une injection IV de 200 mg de canrénoate suivie d’une prise journalière de 25 mg de spironolactone devrait confirmer ces espoirs. L’inclusion des 1 600 patients devant être randomisés pour soit recevoir en ouvert l’ARM, soit constituer le groupe témoin, est pratiquement achevée. Un critère primaire, purement clinique, associant les décès toute cause, les arrêts cardiaques ressuscités, les arythmies ventriculaires sévères, la mise en place d’un défibrillateur automatique implantable avec une indication de classe IA et l’apparition ou l’aggravation d’une insuffisance cardiaque, devrait permettre de conclure sur l’intérêt d’associer un ARM dès la phase initiale de tout SCA.   Respecter les précautions d’emploi Le respect des contre-indications, un DFG estimé < 30 ml/min ou une kaliémie > 5 mmol/l, un suivi biologique rigoureux avec un contrôle de la créatininémie et de la kaliémie 1 semaine puis 1 mois après le début du traitement ou chaque modification de posologie, puis tous les 3 mois, notamment chez les patients à haut risque de développer une hyperkaliémie, sujets âgés, diabétiques, insuffisants rénaux modérés (DFG entre 30 et 60 ml/min), seront alors les conditions nécessaires pour assurer la sécurité de l’emploi des ARM dans cette nouvelle indication. Le « I » de l’acronyme BASIC s’enrichirait alors pour l’ensemble des patients présentant un SCA, et non seulement comme actuellement pour ceux présentant une dysfonction ventriculaire gauche systolique, pour d’IEC devenir « Inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone », en associant aux IEC (ou aux ARA2 en cas d’intolérance à ces deniers) un ARM.   Personnaliser le traitement Il restera alors à personnaliser le traitement en recherchant des biomarqueurs de fibrose dont la présence orienterait vers la prescription des ARM. Ces derniers pourraient être morphologiques, grâce à l’IRM, ou biologiques. L’IRM permet en effet de quantifier non seulement la fibrose cicatricielle marquée par un défaut de clairance du gadolinium (rehaussement tardif), mais également la fibrose diffuse en T1 qui est, elle, réversible.   Quant aux marqueurs biologiques de fibrose qui, après un SCA, sont de puissants marqueurs pronostiques, tant du risque de décès que de développement d’une insuffisance cardiaque, indépendants des facteurs hémodynamiques (peptides natriurétiques), ils sont très nombreux. Plus que les produits de dégradation du collagène (C1TP), les précurseurs du collagène de types 1 et 3 (PIII NP) et les métalloprotéinases (MMP-9), c’est la galectine-3 qui émerge comme le biomarqueur de demain. Facilement dosable, biologiquement active puisque nécessaire à l’apparition des effets profibrosants de l’aldostérone, comme l’ont démontré les expérimentations animales, ses concentrations plasmatiques après un SCA permettraient de prédire les patients répondeurs aux ARM, évitant ainsi d’exposer les autres aux effets secondaires potentiels du traitement, et améliorant le rapport bénéfice/sécurité de cette classe thérapeutique, comme l’a souligné le Pr Faiez Zannad. La fibrose myocardique, jadis considérée comme irréversible, est un processus actif, pharmacologiquement modulable, le remodelage de la matrice extracellulaire devenant une nouvelle cible thérapeutique. Le bénéfice clinique des ARM est lié aux concentrations initiales des marqueurs de fibrose, ce qui permettra demain de sélectionner les patients répondeurs à ce traitement, ouvrant la voie à une médecine personnalisée. 

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