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Congrès et symposiums

Publié le 14 déc 2013Lecture 8 min

Conduite à tenir devant la dégénérescence d’une bioprothèse - Place des interventions percutanées

D. HIMBERT, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris


CNCF
Le problème posé par la dégénérescence des bioprothèses valvulaires est de plus en plus fréquent du fait de l’augmentation de leur utilisation au cours des dernières décennies. Cette tendance va considérablement s’accentuer dans l’avenir, du fait de l’évolution démographique caractérisée par le vieillissement de la population.
À ce jour, la reprise chirurgicale reste le traitement de référence, mais peut s’accompagner d’une morbi-mortalité élevée car elle concerne souvent une population âgée, très symptomatique, déjà opérée à plusieurs reprises, ayant des pontages perméables, atteinte de comorbidités et porteuse d’une dysfonction ventriculaire gauche. Dans ces nombreuses situations à haut risque, les interventions percutanées offrent une alternative intéressante à la chirurgie.

La conduite à tenir chez un patient consultant pour une dégénérescence de bioprothèse chirurgicale est globalement assez superposable à celle chez un patient porteur d’une valvulopathie native, à la réserve près que l’aggravation des dégénérescences prothétiques peut se faire de façon rapide ou brutale chez un patient en général fragile. Le risque est donc de laisser la situation s’aggraver si la surveillance n’est pas attentive et d’avoir à intervenir chez un patient en classe IV, en semi-urgence, dans un contexte augmentant considérablement le risque de l’intervention. Dans cette population âgée, la démarche doit passer par les étapes suivantes : Affirmer la sévérité de la dysfonction de bioprothèse, sténosante ou fuyante. Les données de l’examen clinique et de l’échographie permettent en général un diagnostic facile. Établir une relation de cause à effet entre la dysfonction de prothèse et les symptômes du patient. C’est parfois difficile du fait de la présence de facteurs confondants (maladie pulmonaire, difficultés de mobilisation, troubles cognitifs, etc.). Une anamnèse soigneuse, l’établissement de la chronologie des symptômes par rapport à celle de la dysfonction de prothèse et à l’évolution des pathologies concomitantes, permettent en général de trancher, avec l’aide, si nécessaire, de dosages biologiques (BNP). Évaluer le risque chirurgical de façon multidisciplinaire (chirurgiens cardiaques, cardiologues, anesthésiologistes, éventuellement spécialistes en charge des autres pathologies du patient). Évaluer l’espérance de vie du patient ainsi que sa qualité de vie attendue, en fonction de sa pathologie cardiaque et de ses comorbidités. L’aide des gériatres est irremplaçable à cette étape de la discussion. Bien sûr, les souhaits du patient et de sa famille sont à prendre en compte au premier plan. Au terme de ces étapes, une décision collégiale oriente le patient : – soit vers une chirurgie redux, si le risque chirurgical est faible ; – soit vers l’abstention de toute intervention si l’état général du patient ou ses comorbidités compromettent son espérance de vie ou sa qualité de vie ; – soit vers une intervention percutanée d’implantation « valve-in-valve » si le risque chirurgical est prohibitif mais l’espérance et la qualité de vie attendues raisonnables. Il faut toutefois préciser que cette indication reste à ce jour « off-label » selon les recommandations officielles. Néanmoins, la CoreValve a obtenu le marquage CE dans cette indication il y a quelques mois, et cette « niche » clinique est d’une telle utilité en pratique que tous les centres TAVI y ont recours.   Les interventions percutanées « valve-in-valve » : principes généraux Ces principes rejoignent en grande partie ceux des TAVI sur valve native, avec quelques spécificités : La connaissance des caractéristiques précises de la bioprothèse chirurgicale est indispensable. Chaque bioprothèse a ses spécificités qu’il faut rechercher dans les documentations fournies par les fabricants, sur internet (des applications pour smartphones sont maintenant disponibles), mais surtout auprès des chirurgiens cardiaques. Le diamètre annoncé sur les comptes-rendus est le diamètre externe de la prothèse, à partir duquel on peut rechercher sur des abaques le diamètre interne, le seul utile pour déterminer la taille de la valve percutanée à implanter (figure 1). Mais la seule façon d’éviter tout risque d’erreur est de mesurer ce diamètre interne au scanner, en fluoroscopie et en échographie transœsophagienne avant l’implantation (figure 2). Il est aussi indispensable de connaître l’aspect de la bioprothèse en scopie pour éviter toute erreur de positionnement de la valve percutanée. En effet, certaines bioprothèses sont facilement repérables, d’autres plus difficilement, d’autres complètement radiotransparentes, comme les bioprothèses stentless ou les prothèses Medtronic Intact (figure 3). Figure 1. Bioprothèse chirurgicale : le diamètre interne (bord interne à bord interne de l’anneau, entouré en rouge) est pris en compte pour déterminer la taille adéquate de la prothèse percutanée. Figure 2. Imagerie multimodale de bioprothèse. A. Scanner, B. Échographie transoesophagienne tridimensionnelle ; C. Fluoroscopie. Figure 3. Aspects fluoroscopiques de bioprothèses : A. Edwards Perimount : l’ensemble de la prothèse (anneau et picots) est visible ; B. Medtronic Mosaïc : seule la partie supérieure des picots est visible sous la forme de 3 petits cercles ; C. Sorin Mitroflow : seul l’anneau est visible. La prédilatation des bioprothèses sténosantes est fortement déconseillée du fait de la fragilité et de la friabilité des feuillets induisant un risque de fracture et de fuite valvulaire massive ou d’embolie systémique. Si elle paraît inévitable devant une sténose hyper serrée, il faut effectuer une prédilatation minimale, prudente et sous-dimensionnée, juste pour permettre le franchissement de la valve percutanée. Pour les prothèses déployées par ballon, l’inflation doit être lente ou en 2 temps, de façon à pouvoir corriger la position de la prothèse en cours de déploiement et aboutir au positionnement le plus précis possible.   L’implantation valve-in-valve en position aortique   Quelles valves percutanées utiliser ? Les 2 valves commercialisées, Edwards SAPIEN XT et Medtronic CoreValve peuvent être implantées (figure 4). Les voies d’abord ne diffèrent pas de celles utilisées pour le TAVI sur valve native. Néanmoins, le registre global portant sur plusieurs centaines de patients (Dvir et al., Circulation 2012) suggère que, du fait de la position supra-annulaire de ses feuillets évitant l’effet « poupées russes », la CoreValve permet de maintenir des gradients faibles (< 20 mmHg) quel que soit le diamètre de la bioprothèse chirurgicale. La CoreValve de 23 mm, disponible depuis quelques mois, est particulièrement adaptée aux bioprothèses de petites tailles.   Figure 4. Implantation valve-in-valve dans une Perimount aortique : A. CoreValve ; B. SAPIEN XT. Comment positionner la valve ? La CoreValve doit être placée le plus haut possible pour profiter au maximum de son caractère supra-annulaire ; l’idéal est que sa base ne dépasse que de 2 ou 3 mm l’anneau de la bioprothèse dans la chambre de chasse. Pour la valve SAPIEN XT, l’essentiel est d’assurer un ancrage solide dans l’anneau de la bioprothèse. Il faut donc laisser dépasser quelques mm en dessous de l’anneau, en sur-gonflant éventuellement un peu le ballon afin d’évaser la partie ventriculaire de la valve et d’éviter tout risque de migration aortique.   Comment éviter l’obstruction coronaire ? Le registre de Dvir a montré que ce risque s’élevait à 3 à 4 %, 10 fois plus que pour les TAVI sur valve native. Il est globalement 2 fois plus élevé avec les bioprothèses stentless qu’avec les bioprothèses stentées (2 %, contre 1 %). Il semble que 2 bioprothèses exposent particulièrement au risque d’obstruction coronaire : la Mitroflow et la Freedom de Sorin. • La Mitroflow est une prothèse surtout utilisée dans les petites anatomies, ses feuillets sont longs et cousus à l’extérieur des picots. Lorsqu’une implantation valve-in-valve est envisagée dans ce type de prothèse, il est donc crucial d’évaluer précisément l’anatomie de la racine aortique (diamètres et volume des sinus de Valsalva, hauteur d’implantation des coronaires, position annulaire ou supra-annulaire de la prothèse, localisation des calcifications, etc.) et de prendre une décision collégiale médicochirurgicale.   L’implantation valve-in-valve en position mitrale   Quelles valves percutanées utiliser ? Seules des valves déployées par ballon sont utilisées. La plupart des implantations a été réalisée avec la valve SAPIEN (XT), une série a été publiée avec la valve Medody de Medtronic, habituellement dédiée aux implantations pulmonaires.   Quelle approche utiliser ? Des voies chirurgicales transatriales ont été utilisées. Deux approches percutanées sont possibles : transapicale et transseptale (figure 5). La voie transapicale est la plus fréquente du fait de sa simplicité technique, de son accès direct à la prothèse mitrale, de la stabilité qu’elle offre à la valve percutanée qui se présente parfaitement dans l’axe. Ses inconvénients tiennent à la nécessité d’une thoracotomie, aux complications de l’abord ventriculaire et à ses conséquences délétères sur la fonction ventriculaire. La voie transveineuse transseptale est moins utilisée car plus exigeante techniquement, l’accès à la prothèse mitrale plus difficile, la valve percutanée moins stable et moins axiale. Les inconvénients potentiels d’un shunt interauriculaire résiduel ne sont pas rencontrés en pratique. Les avantages de cette voie sont pourtant majeurs, du fait de son caractère non invasif, de la possibilité de la réaliser sous anesthésie locale, de l’absence de tout impact sur la fonction ventriculaire.   Figure 5. Implantation d’une SAPIEN XT dans une bioprothèse mitrale : A. Voie antérograde transveineuse transseptale ; B. Voie rétrograde transapicale.   Comment positionner la valve ? Le principal risque ici est l’expulsion immédiate ou retardée de la valve vers l’oreillette gauche du fait des forces de contraction systolique ventriculaire. Il faut donc veiller à ne faire dépasser la partie auriculaire de la valve que de 2 ou 3 mm en amont de l’anneau de la bioprothèse et ne pas hésiter à sur-gonfler le ballon en ajoutant 1 à 3 cc supplémentaires.   L’implantation valve-in-valve en position tricuspide   Quelles valves percutanées utiliser ? Ce sont les mêmes qu’en position mitrale : SAPIEN surtout, mais aussi Melody.   Quelles voies utiliser ? Les voies veineuses transjugulaire et transfémorale sont utilisées. La voie transjugulaire est probablement plus simple car plus axiale, avec un meilleur appui que la voie transfémorale qui est, elle, plus confortable pour le patient (figure 6).   Figure 6. Implantation par voie veineuse fémorale d’une SAPIEN XT dans une bioprothèse Carpentier Edwards tricuspide, chez une patiente porteuse d’une Starr mitrale. Noter la sonde de stimulation ventriculaire gauche par le sinus coronaire (flèche).   Comment stimuler le ventricule ? C’est la principale question à résoudre avant l’intervention. Si le patient est déjà porteur d’un stimulateur endocavitaire, ce dernier peut assurer la stimulation rapide, mais la sonde ventriculaire peut être lésée par compression. Il faut donc discuter avant l’intervention de l’opportunité d’implanter de façon prophylactique un stimulateur épicardique ou ventriculaire gauche par une sonde dans le sinus coronaire (figure 6). Si le patient n’a pas de stimulateur, la stimulation rapide peut être assurée par le sinus coronaire ou par une sonde ventriculaire gauche. A priori, le risque de trouble de conduction induit par une implantation valve-invalve tricuspide est faible du fait de la protection des voies de conduction par l’anneau de la bioprothèse chirurgicale. Cependant, si ce risque semble plus élevé, on en revient à la discussion d’une implantation préalable d’un stimulateur épicardique ou par le sinus coronaire.    Points forts   – Connaître le type et les caractéristiques spécifiques de chaque bioprothèse chirurgicale. – Ne pas se fier aux données sources (comptes-rendus opératoires ou d’hospitalisation). – Toujours confirmer les dimensions annoncées par la mesure du diamètre interne de la prothèse (scanner, scopie, ETO). – Attention au risque d’obstruction coronaire avec les prothèses stentless, supra-annulaires, Mitroflow, en position aortique. – Attention au risque de migration auriculaire en position mitrale. – Attention aux modalités de stimulation ventriculaire en position tricuspide. – Approche multidisciplinaire, médico-chirurgicale+++.   En pratique    Les données portant sur l’implantation valve-in-valve en position aortique sont solides et en font un traitement reconnu et répandu. Celles concernant les implantations sur bioprothèses auriculo-ventriculaires, principalement mitrales, sont plus limitées mais prometteuses. Ces techniques doivent rester réservées aux patients à haut risque et discutées de façon multidisciplinaire, médicochirurgicale. Il sera nécessaire d’évaluer précisément le suivi à long terme qui manque à ce jour et probablement d’élaborer des valves percutanées spécifiquement dédiées à l’implantation valve-in-valve. Si l’évolution à long terme reste favorable, cette option thérapeutique aura des conséquences importantes sur la prise en charge en amont des patients nécessitant une intervention valvulaire. 

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